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Congrès et symposiums

Publié le 14 jan 2014Lecture 8 min

Un bon cru pour le rythmologue - American Heart Association, Dallas 2013

J.-Y. LE HEUZEY, HEGP, Paris

Beaucoup ont constaté ces dernières années un certain degré de baisse d’activité des congrès de l’American Heart Association. Ils sont maintenant nettement moins actifs que le congrès de la Société Européenne de Cardiologie fin août – début septembre.
Par ailleurs, pour le rythmologue, c’est essentiellement au congrès de la Heart Rhythm Society au mois de mai aux États-Unis que se rencontrent nombre d’entre eux. Il n’y a cependant que rarement des nouveautés majeures présentées lors de ce congrès de mai.
Le cru 2013 de l’American Heart Association reste cependant un bon cru pour le rythmologue. 

En effet, si l’on se centre principalement sur les sessions « Late breaking clinical trials » où l’on voit les études ayant habituellement la plus grande envergure, deux essais purement rythmologiques ont été présentés, c’est-à-dire MINERVA et RADAR-AF. Par ailleurs, l’anticoagulation de la fibrillation atriale a, bien entendu, encore tenu une grande place, non pas tant avec les essais qui traduisent l’arrivée de la pharmaco-génomique dans la prescription des antivitamines K (études COAG et EU-PACT) qu’avec les résultats, très attendus, d’ENGAGE AF TIMI 48, essai de prévention des accidents vasculaires cérébraux et des embolies systémiques dans la fibrillation atriale fait avec le quatrième des nouveaux anticoagulants oraux ou le troisième des anti-Xa, c’est-à-dire l’edoxaban.   L’étude MINERVA   Il s’agit d’un travail coopératif essentiellement italien qui a été présenté par Giuseppe Boriani de Bologne. C’est une étude qui s’intéresse aux modalités de stimulation en agissant à 2 niveaux différents : d’une part la conduction auriculo-ventriculaire (Managed Ventricular Pacing, MVP) et d’autre part la prévention des arythmies auriculaires par des algorithmes spécifiques (DDDRP). Pour ce qui est de MVP, il s’agit d’un mode de stimulation atriale qui permet de « switcher » vers un mode de stimulation double chambre en présence d’un bloc auriculo-ventriculaire, de façon à réduire la stimulation ventriculaire droite inutile. Quant aux algorithmes de prévention des arythmies atriales, ils sont faits pour reconnaître et répondre à des événements potentiellement proarythmiques qui pourraient déclencher un épisode de tachycardie ou de fibrillation atriale. Cet algorithme a pour but de restaurer le rythme sinusal au démarrage d’un trouble du rythme atrial. L’étude a porté sur un assez grand nombre de malades screenés (1 300), mais seulement 3 groupes de 380 à 390 patients ont finalement été inclus : un groupe contrôle DDDR, un groupe DDDRP plus MVP et un groupe MVP. Si l’on veut résumer cet essai, on peut conclure que chez les patients avec une bradycardie, des arythmies atriales préalables et l’absence d’antécédent de fibrillation atriale permanente ou de bloc auriculo-ventriculaire du troisième degré, l’algorithme DDDRP plus MVP a montré qu’il était supérieur à une simple stimulation double chambre, ce qui conduit à une réduction significative de 26 % du risque relatif sur le critère combiné qui associait mortalité, hospitalisations pour cause cardio - vasculaire et fibrillation atriale permanente. Cet effet favorable est principalement obtenu grâce à une réduction significative dans la progression des arythmies atriales vers la fibrillation atriale permanente (61 % de réduction du risque relatif sur les 2 ans de suivi).   L’étude RADAR-AF   L’autre étude purement rythmologique était également intéressante ; il s’agissait de l’étude RADAR-AF (F. Atienza, Madrid) réalisée de façon multicentrique en Espagne. On sait que la technique, maintenant considérée comme classique, d’ablation de la fibrillation atriale consiste à effectuer une isolation des veines pulmonaires. Depuis plusieurs années, on s’intéresse également à compléter cette isolation des veines pulmonaires par la réalisation de tirs sur les zones dans lesquelles la conduction est anormale, c’est-à-dire les zones de potentiels fragmentés (CFAE, Complex Fractionated Atrial Electrograms). L’objectif de cette étude est de déterminer qu’elle est l’efficacité et la sécurité de l’ablation de sites définis par une haute fréquence de décharge. Les auteurs se sont intéressés à traiter d’une part des fibrillations atriales paroxystiques, en comparant de façon randomisée une ablation des sites de haute fréquence à une isolation circonférentielle des veines pulmonaires et d’autre part un groupe de fibrillations atriales persistantes où cette fois-ci la comparaison concernait une isolation circonférentielle des veines pulmonaires comparée à la même technique associée à l’ablation de sites de haute fréquence. Un groupe de plus de 800 patients a été screené pour aboutir finalement à une inclusion de 54 à 58 patients dans chacun des 4 groupes. Il s’agit de patients jeunes qui ont 55 ans en moyenne. La conclusion est la suivante : dans la fibrillation atriale paroxystique, l’ablation des sites de haute fréquence n’atteint pas la signification statistique pour la non-infériorité par comparaison à l’isolation des veines pulmonaires avec comme critère de jugement la présence d’une fibrillation atriale à 6 mois après une simple procédure (la fibrillation atriale était recherchée par un suivi électrocardiographique et par Holter de 48 heures à 3, 6 et 12 mois). En revanche, à un an, l’ablation des sites de haute fréquence n’était pas inférieure à l’isolation des veines pulmonaires pour obtenir ce même résultat. Il y avait également, semble-t-il, une plus faible incidence des effets secondaires. Dans la fibrillation atriale persistante, l’association de l’ablation des sites de haute fréquence à l’isolation des veines pulmonaires n’a pas apporté d’amélioration notable comparativement à la technique classique. Ces résultats sont donc globalement assez décevants, mais cette étude a le mérite d’avoir comparé de façon randomisée deux techniques relativement bien codifiées par les auteurs.   Les études COAG et EU-PACT   Dans le domaine de l’anticoagulation par antivitamine K, deux essais qui semblent proches ont été présentés, c’est-à-dire l’étude COAG (S.E. Kimmel, Philadelphie) et l’étude EU-PACT (M. Pirmohamed, Liverpool). En revanche, les résultats sont assez discordants car l’étude COAG peut être considérée comme totalement négative, alors que l’étude EU-PACT apporte quelques éléments de « positivité ». Ces deux études reposent sur la même approche, c’est-à-dire essayer de tenir compte du génotypage dans l’utilisation de la warfarine chez les patients en fibrillation atriale. Ce génotypage est basé sur l’analyse du cytochrome CYP2C9 et de VKORC1 (vitamine K époxyde réductase). Dans l’étude COAG, il a été réalisé une stratification dans la randomisation selon que le patient était un afro-américain ou non. Le critère de jugement était basé sur le pourcentage de temps passé dans la zone thérapeutique (TTR à 28 jours). Il était également pris en compte les INR trop élevés (≥ 4) ou la survenue d’événements cliniques sévères. Les groupes comportent près de 60 patients chacun et la conclusion de cet essai est malheureusement vraiment négative, les auteurs considérant qu’une information génétique n’apporte aucun bénéfice supplémentaire pour les 4 premières semaines de traitement par la warfarine. Avec un dessin assez proche, l’autre étude présentée, baptisée EU-PACT, arrive à des conclusions assez différentes. Le génotypage réalisé est du même type, s’intéressant au cytochrome de CYP2C9 et à VKORC1. Le critère de jugement était le TTR durant les 12 semaines suivant l’initiation du traitement par warfarine. Les groupes étaient plus importants, de l’ordre de 200 malades. Les résultats sont plus favorables dans la mesure où le génotypage permet d’améliorer le TTR d’environ 7 %, de réduire la « suranticoagulation » (INR > 4) de 69 % et de réduire le temps nécessaire à obtenir un INR en zone cible de 28 %. Les auteurs considèrent qu’il s’agit d’une nouvelle stratégie d’anticoagulation. Cependant, les résultats de ces 2 essais qui, d’une part, sont contradictoires et d’autre part arrivent à l’ère des nouveaux anticoagulants ne nécessitant pas de suivi par des tests de coagulation, rendent quelque peu sceptique sur l’avenir de cette proposition de stratégie.   L’étude ENGAGE AF-TIMI 48   Enfin, le congrès de l’American Heart Association à Dallas 2013 aura surtout été marqué par la présentation des résultats d’ENGAGE AF TIMI 48, étude réalisée avec le quatrième des nouveaux anticoagulants, c’està- dire l’edoxaban. ENGAGE AF TIMI 48 est une vaste étude ayant inclus plus de 20 000 patients en fibrillation atriale. Elle a été présentée par RP. Giugliano (Boston). Cette étude a été réalisée par le groupe TIMI de Boston, toujours menée avec un extraordinaire allant par Eugène Braunwald qui, dans les réunions préalables à la présentation, a fait preuve d’une extraordinaire acuité intellectuelle impressionnante vu son âge et la figure de la cardiologie moderne qu’il incarne.   L’étude ENGAGE AF TIMI 48 a un dessin tout à fait classique pour ce type d’essais. Il s’agit de 21 105 patients qui avaient une fibrillation atriale enregistrée depuis au moins 12 mois et un score de CHADS2 ≥ 2. Il a été réalisé une randomisation en double aveugle entre un groupe warfarine avec des INR entre 2 et 3, un groupe edoxaban à 60 mg par jour en une seule prise et un groupe edoxaban à 30 mg par jour. Ces doses de 60 ou 30 mg étaient réduites à 30 ou 15 si la clearance de la créatinine selon la méthode de Cockroft était entre 30 et 50, si le poids était inférieur ou égal à 60 kg et si le patient prenait un inhibiteur fort de la P-gp c’est-à-dire essentiellement verapamil, quinidine ou dronédarone. Le critère d’efficacité primaire était la survenue d’un accident vasculaire cérébral ou d’une embolie systémique.   L’âge moyen des patients était de 72 ans avec 25 % des cas de fibrillation atriale paroxystique et un score de CHADS2 à 2,8 en moyenne. Il y avait 57 % de patients déjà atteints d’insuffisance cardiaque, 94 % d’hypertension artérielle, 40 % d’entre eux avaient 75 ans ou plus, 36 % avaient un diabète et 28 % avaient déjà fait un accident vasculaire cérébral ou un accident ischémique transitoire au préalable. Il a été nécessaire de réduire la dose lors de la randomisation dans 25 % des cas, c’est-à-dire de passer de 60 à 30 ou de 30 à 15. À peu près 60 % des patients avaient déjà reçu une antivitamine K et 29 % avaient de l’aspirine à la randomisation. La réalisation de l’essai a été très stricte puisque l’on ne compte qu’un perdu de vue sur les 21 105 patients ! Le but de l’essai était de démontrer une noninfériorité, ce qui a pu être fait pour les 2 doses ; en revanche, il n’a pas de supériorité (figure).   Résultat principal de l’étude ENGAGE AF TIMI 48 sur le critère de jugement primaire accident vasculaire cérébral plus embolie systémique. Ces données ont été obtenues sur un suivi long de 2,8 ans en moyenne. On retrouve dans cette étude des traits tout à fait identiques à ce qui avait été observé avec les autres nouveaux anticoagulants. On voit notamment qu’il existe une diminution très importante des hémorragies intracérébrales. En revanche, en termes d’accidents vasculaires cérébraux ischémiques, la faible dose de 30 mg fait moins bien que la warfarine. Rappelons que l’une des particularités de cet essai est qu’il était possible de changer la dose en cours d’essai, ce qui n’était pas le cas dans les études précédentes. Le profil de sécurité du médicament est satisfaisant dans la mesure où il existe une diminution significative outre des hémorragies intracrâniennes, des saignements fatals et des saignements majeurs définis selon la classification ISTH. Enfin, autre point à signaler, le TTR est élevé dans cette étude, plus élevé que dans les précédentes, puisqu’il atteignait 68,4 %. Les conclusions générales de R. Giugliano étaient donc celles d’une non-infériorité pour le critère principal associant accidents vasculaires cérébraux et embolies systémiques. Il a souligné également que les 2 dosages diminuaient les saignements majeurs, de 20 et 53 %, les saignements intracrâniens de 53 et 70 %, les accidents vasculaires cérébraux hémorragiques de 46 et 67 % et les décès cardiovasculaires de 14 et 15 %. Un certain nombre de points ont été discutés par Elaine Hylek (Boston) concernant notamment la dose de 30 mg. Celle-ci pourra être utile lorsqu’il s’agira de diminuer la dose chez un patient qui avait reçu initialement 60 mg, mais il est plus discutable de la considérer comme une dose que l’on peut prescrire en première intention chez les patients qui ne justifient pas d’une réduction de dose.

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