Publié le 28 fév 2014Lecture 5 min
Les nouveaux anticoagulants dans la FA et les TEV
M. DEKER
JESFC
La mise à disposition des anticoagulants oraux directs (AOD), dénomination qui devrait remplacer celle de nouveaux anticoagulants oraux (NACO), devenue obsolète, suscite un changement de paradigme dans le traitement de la fibrillation atriale (FA). En effet, nous avons aujourd’hui les moyens de prévenir le risque thrombotique tout en évitant un surcroît d’hémorragies. Les AOD ont également accompagné les progrès dans la prise en charge de la thrombo-embolie veineuse (TEV).
Apport des registres dans la FA
Malgré de nombreux registres sur la FA, cette pathologie reste imparfaitement explorée. Sont plus particulièrement en cause le recrutement des patients qui dépend du praticien et de sa structure d’exercice, l’absence de participation des structures d’hébergement pour personnes âgées, notamment en France, alors que la FA augmente en fréquence avec l’âge, et surtout après 65 ans. L’augmentation de prévalence de la FA est inexorable, les données de PMSI en attestent ; selon le registre COCAF 2004, la moitié du coût des soins est liée aux hospitalisations. En attendant de véritables études démographiques basées sur des échantillons représentatifs de la population, de nouveaux registres ont débuté.
Le registre Garfield (55 000 participants) comporte 3 cohortes successives selon la période d’inclusion (la première octobre 2009-octobre 2011) ; il en sera de même du registre Gloria qui vient de débuter et prévoit d’inclure 56 000 patients. Les résultats de la première cohorte Garfield montraient l’inadéquation des traitements au profil de risque des patients : 38 % des scores CHADS2 ≥ 2 ne recevaient pas de traitement anticoagulant, alors que 42,5 % des scores 0 étaient anticoagulés. Les premiers résultats de la deuxième cohorte sont en progrès.
La phase pilote de l’enquête de la Société européenne de cardiologie, EORP-AF, est terminée : l’utilisation des anticoagulants a augmenté dans l’espace européen (80 % des patients en FA), mais reste inappropriée : trop de prescriptions dans les scores 0 (56 %) ; les ACOD ne sont utilisés que dans 8,4 % des cas.
Le registre PREFER in AF permet des comparaisons entre 5 grandes régions européennes (Allemagne-Suisse-Autriche, Espagne, Royaume-Uni, France) concernant les caractéristiques des patients inclus et la prise en charge (contrôle du rythme/de la fréquence ; choix de l’antiarythmique, etc.). En termes de prescription des anticoagulants (82 % des patients européens sont traités), les deux tiers des patients inclus sont sous AVK en monothérapie, 10 % en association avec un antiplaquettaire, 6 % sont traités par un AOD ; 11 % reçoivent un antiplaquettaire seul.
Les leçons des grands essais cliniques dans la FA
Globalement, les recommandations sont mieux suivies et les choix thérapeutiques assez proches dans les divers pays. Il reste toutefois un pourcentage important de patients à risque thrombo-embolique non traités. La faute en revient, en partie, à la crainte suscitée par les AVK dotés d’une marge thérapeutique étroite avec un double risque, thrombotique et hémorragique, lié à la difficulté de trouver un équilibre biologique satisfaisant. Depuis que les AOD sont disponibles, la question qui se pose est de savoir si ces traitements offrent une alternative simple et sans suivi biologique permettant d’améliorer l’équilibre entre le risque thrombotique et le risque hémorragique. Les différents AOD (anti-Xa et anti-IIa) possèdent des caractéristiques différentes. Cependant, ils sont tous plus rapidement et moins longtemps actifs que les AVK ; leur demi-vie est du même ordre de grandeur. Tous sont éliminés au moins en partie par le rein (surtout le dabigatran).
Toutes ces nouvelles molécules ont fait l’objet d’essais cliniques dans la FA et la TEV, qui ont démontré leur efficacité en prévention des accidents emboliques (non-infériorité, voire supériorité comparativement à la warfarine, selon les molécules et les doses) et une amélioration de la sécurité d’emploi : surtout réduction constante des hémorragies intracrâniennes. L’étude ENGAGE, qui a évalué l’édoxaban 30 et 60 mg/j, se distingue par la taille de l’effectif (21 000 patients), la durée de l’étude (2,8 ans) et la possibilité d’adapter la dose (diminution de moitié) tout au long de l’étude selon le profil des patients sous traitement. Outre la non-infériorité de l’édoxaban avec les deux schémas posologiques (60/30 mg et 30/15 mg) sur le risque thrombotique, elles ont montré leur supériorité en termes d’hémorragies majeures et intracrâniennes comparé à la warfarine, et une diminution significative de la mortalité cardiovasculaire, l’édoxaban à faible dose (30/15 mg) a également montré une réduction significative de la mortalité totale.
Le choix entre les différents AOD peut difficilement se baser sur le site d’action dans la cascade de la coagulation et une comparaison directe est délicate entre les essais, dont les résultats dépendent en grande partie de la dose du produit et des caractéristiques des patients inclus. Le praticien pourra malgré tout se référer aux résultats des essais pour le bénéfice/risque recherché et tenir compte des particularités de chaque molécule (flexibilité de dose, administration en 1 ou 2 prises quotidiennes ; poids, fonction rénale des patients).
Prise en charge des TEV
L’arrivée de nouveaux anticoagulants a largement bénéficié à la prise en charge des TEV, dont le risque de récidive en fonction du temps est aujourd’hui mieux connu. Trois périodes sont distinguées : la phase initiale (0- 1 mois) nécessite un traitement intensif (risques de récidive et de décès de 20 % chacun en l’absence de traitement) ; le risque de récidive persiste à la 2e phase (1 à 3-6 mois), justifiant la poursuite du traitement ; au-delà, le risque de récidive est de 10 %/an. Toutes les recommandations stipulent la nécessité de traiter au moins 3 mois, qu’il s’agisse d’une embolie pulmonaire ou d’une thrombose veineuse profonde proximale. Les risques de récidive à moyen/long terme sont minimes en cas de TEV provoquée (telle post-chirurgie).
Deux options de traitement intensif sont possibles durant la première période selon les schémas d’étude clinique : soit conserver le traitement parentéral usuel (HBPM ou fondaparinux) pendant 1 semaine et faire un switch direct avec le dabigatran ou l’édoxaban ; soit utiliser un AOD immédiatement et à forte dose (7 j pour l’apixaban, 21 j pour le rivaroxaban) puis poursuivre à la dose d’entretien. À noter que l’étude Hokusai a évalué une adaptation posologique de l’édoxaban selon la fonction rénale, le poids et l’âge. Globalement, tous ces traitements ont fait la preuve de leur efficacité en prévention des récidives et d’un avantage en termes de saignements.
Se pose la question d’un traitement prolongé au-delà de 1 an, en sachant que les AVK sont efficaces mais multiplient le risque par 5 et qu’à dose réduite, ils ne diminuent pas le risque hémorragique.
Symposium « Nouvelle génération d’anticoagulants oraux : état de l’art des connaissances », organisé avec le concours de Daiichi Sankyo et la participation de A. Cohen (Paris), C. Leclercq (Rennes), J.-Y. Le Heuzey (Paris), R. De Caterina (Chietti, Italie) et P. Mismetti (Saint-Étienne)
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