Publié le 14 mar 2014Lecture 4 min
Insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée : progrès et perspectives
M. DEKER
JESFC
Les progrès thérapeutiques réalisés ces 25 dernières années ont permis d’améliorer le pronostic des patients insuffisants cardiaques à fraction d’éjection altérée. Cependant, afin d’exploiter pleinement leurs bénéfices et de réduire davantage le nombre d’hospitalisations et la mortalité, le suivi en pratique des recommandations apparaît comme une étape incontournable.
Si l’incidence de la maladie reste assez stable (environ 120 000 nouveaux cas par an), sa prévalence a pratiquement triplé, en raison du vieillissement de la population et de l’amélioration du pronostic des cardiopathies causales. L’âge moyen de découverte de la maladie a progressé d’une dizaine d’années (76 ans aujourd’hui) et le nombre de comorbidités a augmenté (diabète, HTA, AVC, insuffisance rénale, démence). À noter également l’association entre insuffisance cardiaque et cancers, de reconnaissance récente. L’insuffisance cardiaque (IC) est la cause la plus fréquente d’hospitalisation chez les sujets de plus de 65 ans, avec une fréquence multipliée par 2,5 depuis 30 ans. Les réhospitalisations sont le talon d’Achille de l’IC : leur taux est de 20 % au 1ermois, en majorité motivées par les comorbidités. Le taux de mortalité par IC a nettement diminué depuis 20 ans (35,6/1 x 106 en 2008 vs 54,2 en 1987), mais ce sont les causes de décès qui ont le plus changé, les décès par mort subite régressant fortement au profit des décès par insuffisance cardiaque et des causes non cardiovasculaires.
Une prise en charge mieux codifiée
Les progrès réalisés dans la prise en charge de l’IC se traduisent par une baisse de la mortalité : 27 % à 1 an avant l’introduction des IEC à < 10 % aujourd’hui dans l’IC modérée à sévère et 15,6 % à < 5 % aujourd’hui dans l’IC légère à modérée. Ces progrès sont largement imputables à l’introduction de nouvelles modalités thérapeutiques, médicamenteuses et autres. En 2012, Les dernières recommandations européennes ont introduit plusieurs modifications dans la stratégie. Les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes (ARM) se surajoutent aux bloqueurs du système rénine-angiotensine et aux bêtabloquants, permettant un gain net en survie et hospitalisations. L’ivabradine fait également partie du traitement de fond. Elle est recommandée sur la base de l’étude SHIFT qui a montré une réduction de 18 % du risque de mortalité cardiovasculaire ou d’hospitalisation pour IC (p < 0,0001). L’ajout de l’ivabradine apporte une réduction de 25 % du risque d’hospitalisation et de réhospitalisation et les récentes sous-analyses de l’étude SHIFT ont révélé que l’ivabradine peut être utilisée sans restriction chez les patients présentant des comorbidités comme une fonction rénale altérée ou une pression artérielle systolique basse.
Viennent ensuite les dispositifs de resynchronisation (± défibrillation), pour une largeur de QRS ≥ 120 ms, avec un niveau de preuve très fort en présence d’un bloc de branche gauche. La revascularisation est fortement recommandée chez les patients symptomatiques porteurs d’une sténose coronaire gauche ou les patients symptomatiques bi- ou tritronculaires.
Par ailleurs, l’intérêt de l’exercice physique est aujourd’hui largement prouvé. Il en est de même de la prise en charge multidisciplinaire au sein des réseaux, qui ont contribué à l’éducation thérapeutique des patients en favorisant leur auto-prise en charge.
Ce qu’il reste à faire
Il reste beaucoup à faire dans la prise en charge de l’IC, ne serait-ce qu’en appliquant les recommandations. La comparaison de 3 périodes dans les études Impact-Reco (la dernière date de 2009), révèle en France, un taux stable de prescriptions des IEC (70 %), un accroissement significatif des bêtabloquants (de 65 à 78 %) et une stagnation des ARM. Aussi, Lorsqu’ils sont prescrits, les traitements de l’IC ne le sont malheureusement pas toujours à la dose optimale. Dans le registre Future, moins de la moitié des patients qui sortent de l’hôpital reçoivent la dose cible d’IEC et de bêtabloquant et 40 % des malades reçoivent encore < 50 % de la dose cible lors des consultations en ambulatoire. Les raisons de cette sous-titration des traitements sont à rechercher dans l’existence de comorbidités (insuffisance rénale, diabète, déficits cognitifs), d’effets secondaires (hypotension artérielle) et d’un manque de concertation entre l’hôpital et la ville ; seulement un tiers des patients consultent leur cardiologue dans les 3 mois suivant l’hospitalisation.
Face à ces problématiques, plusieurs solutions existent : par exemple, la création de réseaux de soins ville-hôpital, la mise en place de l’éducation thérapeutique. Enfin, la titration des médicaments et surtout l’instauration de l’ensemble des traitements recommandés en 2 à 3 mois est un passage incontournable pour réduire le nombre encore élevé d’hospitalisations et diminuer le coût de cette pathologie.
D’après le symposium « Insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée : ce qui a changé, ce qu’il reste à faire » avec la participation de N. Lamblin (Lille), P. Mabo (Rennes), M. Desnos (Paris), F. Zannad (Nancy) et M. Komajda (Paris)
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