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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 14 avr 2014Lecture 5 min

Faut-il maintenir un traitement par antiarythmiques pour une fibrillation atriale chez un patient âgé ?

C. LAFUENTE, Service de gériatrie, La Triade, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière/Charles-Foix, Ivry-sur-Seine

L’incidence et la prévalence de la fibrillation atriale (FA) augmentent avec l’âge : plus de 10 % de la population générale de plus de 75-80 ans ont eu une FA. Cette arythmie est typique du patient âgé. La principale difficulté dans la FA n’est pas tant de la réduire, ce qui est possible chez la majorité des patients (par des antiarythmiques ou un choc électrique externe), mais de maintenir le patient en rythme sinusal. 

  En effet, la FA récidive très fréquemment : après un premier épisode de FA régularisée en rythme sinusal, seulement 20 à 30 % des patients seront toujours en rythme sinusal 1 an après, en l’absence de traitement spécifique. Mis à part le risque embolique de la FA – il ne faut pas oublier d’anti coaguler ces patients – sa répercussion clinique est surtout liée au degré de tachycardie induite. La capacité à tachycardiser diminuant avec le vieillissement, le patient âgé présente souvent une FA avec une fréquence cardiaque pas très élevée, voire normale. En tout cas, la grande majorité des patients se portera très bien du point de vue clinique en se limitant à ralentir la FA (si nécessaire) avec un bêtabloquant, du dilthiazem ou de la digoxine, pour obtenir une fréquence cardiaque normale. Tout cela a conduit de nombreux spécialistes à proposer une stratégie dite de « contrôle de la fréquence » comme traitement de choix de la FA. Pourtant, les antiarythmiques restent très utilisés pour rétablir et maintenir le rythme sinusal.   La flécaïnide dans la FA : efficacité, risques   La flécaïnide, un antiarythmique de classe 1C (tableau), a été prescrite largement pour régulariser les patients en FA et maintenir le rythme sinusal. Pourtant, la flécaïnide avait débuté sa carrière par un échec qui montrait bien le risque de ces médicaments, l’étude CAST(1). Dans cette étude randomisée, 1 498 patients ayant un IDM ont été traités par un antiarythmique, flécaïnide ou encaïnide, ou par un placebo. L’étude a été arrêtée en raison d’une nette surmortalité par arythmie dans le groupe flécaïnide/encaïnide, résultats exactement à l’opposé de ceux attendus. En effet, la plupart des antiarythmiques de classe 1 et 3, en modifiant les propriétés électriques cardiaques, ont un effet proarythmique potentiel. S’ils suppriment certaines arythmies, ils peuvent en induire d’autres, notamment un allongement du QT et des torsades de pointes. Concernant l’utilisation de la flécaïnide dans la FA, il y a peu d’essais contrôlés randomisés. Le plus grand est l’essai Flec-SL(2) : 635 patients ayant eu une FA qui a été régularisée ont été randomisés pour la flécaïnide ou un placebo. Après 6 mois, 62 % des patients sous flécaïnide restaient en rythme sinusal versus seulement 41 % sous placebo. Cependant, aucune différence n’est apparue sur les critères cliniques : même nombre d’accidents vasculaires cérébraux, d’événements cardiovasculaires, mêmes scores de qualité de vie.   Au total, la flécaïnide réduit, certes, le nombre de récurrences de FA, mais ne possède aucun impact sur les événements cliniques associés à la FA et peut entraîner des effets indésirables, dont des arythmies ventriculaires graves. En gériatrie, où la plupart des patients ont une cardiopathie sous-jacente plus ou moins sévère, des comorbidités et prennent plusieurs médicaments, il devient difficile de trouver une indication quelconque pour la flécaïnide.   L’amiodarone dans la FA : efficacité, toxicité   Et si, dans ce cas clinique, il s’agissait de l’amiodarone à la place de la flécaïnide ? Une revue méthodique Cochrane récente(3) montre que l’amiodarone est l’antiarythmique le plus efficace pour maintenir le rythme sinusal après la régularisation d’une FA. De plus, elle n’a pas d’effet proarythmique. Il pourrait donc s’agir d’un très bon traitement dans la FA. En effet, elle est très utilisée dans cette indication en Europe. Malheureusement, l’amiodarone s’accompagne de toxicités multiples, très variées, fréquentes, parfois graves. Au cours d’un traitement prolongé par amiodarone, 20- 30 % des patients développeront une toxicité thyroïdienne, 10-15 % une toxicité pulmonaire, 5-20 % des effets indésirables neurologiques (ataxie, troubles de mémoire, polynévrite), 15 % une hépatite toxique, sans oublier les altérations cutanées et oculaires très fréquentes. Certes, la toxicité la plus fréquente est l’hypo thyroïdie, facilement traitable et a priori non létale. Cependant, une hypothyroïdie équivaut à une maladie en plus, un traitement en plus, un contrôle biologique en plus (TSH) et un souci de santé en plus pour le patient âgé. Pourtant, en tant que prescripteurs, nous sous-estimons souvent la toxicité de l’amiodarone, même si nous la con - naissons théoriquement. Deux raisons à cela : les événement indésirables, surtout graves, sont généralement diagnostiqués par d’autres médecins, souvent à l’hôpital ; les effets indésirables de l’amiodarone augmentent en fréquence avec le temps et surviennent surtout après deux ans ou plus de traitement continu.   Vaut-il la peine de maintenir le rythme sinusal ? Qu’est-ce qui est important pour le patient ?   Jusqu’à présent, aucune étude contrôlée n’a réussi à prouver que la stratégie consistant à restaurer et maintenir un rythme sinusal obtienne un meilleur résultat clinique que la stratégie, plus simple, consistant à permettre l’existence de la FA (ou ne pas s’inquiéter de sa récurrence) en se limitant à la ralentir si la fréquence cardiaque est élevée. Plusieurs métaanalyses ont rassemblé les divers essais randomisés comparant ces deux stratégies. Tous montrent les mêmes résultats : la stratégie de contrôle du rythme ne comporte aucun avantage sur les critères cliniques (accidents cérébrovasculaires, embolies, insuffisances cardiaques) sur la mortalité ou les scores de qualité de vie. La revue Cochrane ne retrouve aucun effet positif des traitements antiarythmiques sur la mortalité(3). Au contraire, elle montre une association significative entre le traitement par certains antiarythmiques, dont la quinidine et le sotalol, et un risque augmenté de mortalité. Ainsi, le fait d’être en rythme sinusal sous traitement antiarythmique ne s’accompagne pas automatiquement, pour la plupart des patients, d’un bénéfice sur leur qualité de vie ou sur leur devenir. Ceci est particulièrement vrai pour les personnes âgées, où la FA n’est souvent qu’une manifestation de plus d’une cardiopathie sous-jacente, et qui n’ont pas un niveau d’activité physique très important au quotidien.   Conclusion   Une stratégie simple de contrôle de la fréquence – tolérer la FA, la ralentir quand nécessaire et anticoaguler – doit être la stratégie thérapeutique par défaut chez les patients âgés atteints de FA. L’utilisation au long cours de médicaments antiarythmiques de classe I et III s’accompagne d’un risque significatif d’effets indésirables potentiellement graves et doit être réservée à des patients très sélectionnés. Il n’y a pas lieu d’utiliser la flécaïnide chez les personnes âgées, le risque proarythmique dépasse le bénéfice possible. Concernant l’amiodarone, il faut ne pas sous-estimer les risques de toxicité associés et restreindre son utilisation à certains patients qui ont des accès paroxystiques de FA très rapide, déclenchant des complications graves. "Publié dans Gérontologie Pratique"

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