Publié le 16 nov 2014Lecture 6 min
Intérêt de l’IRM dans la cardiomyopathie du péri-partum
J. MARMURSZTEJN, L. CABANES et D. DUBOC, Hôpital Cochin, Paris
La cardiomyopathie du péri-partum est une pathologie rare, définie par la survenue d’une dysfonction ventriculaire gauche systolique accompagnée de symptômes d’insuffisance cardiaque en fin de grossesse et jusque dans les premiers mois du post-partum.
Son incidence est variable selon les régions du monde et se situerait entre 1 sur 3 ou 4 000 naissances d’enfants vivants aux États-Unis.
La définition actuelle de la cardiomyopathie du péri-partum associe les éléments suivants(1) :
Développement d’une insuffisance cardiaque en rapport avec une dysfonction ventriculaire gauche dans le dernier mois de grossesse et jusqu’à 5 mois après l’accouchement.
Absence de dysfonction cardiaque préexistante.
Absence de cause identifiable de cardiomyopathie.
Dysfonction ventriculaire gauche systolique mise en évidence sur l’échocardiographie, FEVG < 45 %, ou fraction de raccourcissement < 20 % ou les deux, et un diamètre télédiastolique du ventricule gauche > 27 mm/m².
Les facteurs de risque identifiés de la maladie sont l’âge supérieur à 30 ans, la multiparité, les grossesses multiples, l’obésité, l’HTA chronique, la prééclampsie et l’usage prolongé de tocolytiques.
L’IRM cardiaque est une technique d’imagerie de pointe, dont l’intérêt est maintenant bien établi dans le cadre de l’évaluation de cardiomyopathies dilatées idiopathiques. En revanche, il existe peu de données concernant l’apport de l’IRM cardiaque dans le cas particulier de la cardiomyopathie du péri-partum.
Nous rapportons deux cas de patientes hospitalisées pour prise en charge d’une cardiomyopathie du péri-partum ayant bénéficié d’une IRM cardiaque.
La cardiomyopathie du péri-partum est une pathologie rare, mais potentiellement grave. Son étiologie est inconnue à ce jour. Plusieurs hypothèses ont été émises pour tenter d’en expliquer le mécanisme : désordres nutritionnels, apoptose des cellules myocardiques (encadré), auto-immunité. La survenue de myocardites parfois documentées par biopsies tissulaires a également été évoquée comme mécanisme pouvant expliquer l’apparition de cette affection(2).
L’évolution est variable et imprévisible, et le pronostic peut être sombre. En effet, si environ 50 % des patientes récupèrent une FEVG normale dans les 6 mois suivant l’accouchement, 20 % décèdent ou nécessitent une transplantation cardiaque(3). Le risque de récidive d’événements cardiaques en cas de nouvelle grossesse est plus important chez les patientes n’ayant pas récupéré une FEVG normale(3).
L’IRM cardiaque est la technique d’imagerie de référence pour poser de façon non invasive le diagnostic de myocardite. Par ailleurs, la valeur pronostique péjorative de la présence de prises de contraste myocardiques au temps tardif est maintenant bien établie dans le cadre de la cardiomyopathie dilatée idiopathique(4).
Concernant la cardiomyopathie du péri-partum, l’IRM cardiaque pourrait aider à mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques impliqués dans la survenue de la maladie, en permettant de mettre en évidence au stade précoce une inflammation myocardique considérée par certains auteurs comme la cause de l’affection(2). De surcroît, elle permettrait de réaliser des mesures fiables et reproductibles des volumes ventriculaires et de la FEVG, données intéressantes pour le suivi. Enfin, il est possible que la présence, et surtout la persistance à moyen terme, de prises de contraste myocardiques tardives puisse constituer un puissant facteur pronostique de la maladie.
Il est en effet notable que dans le cas de la patiente n°1, l’IRM cardiaque ne révélait pas de prises de contraste tardives, et qu’une récupération rapide et complète de la fonction cardiaque a été observée. À l’inverse, dans le cas de la patiente n°2, la présence et la persistance de prises de contraste intramyocardiques observées en IRM étaient associées à la persistance d’une dysfonction ventriculaire gauche sévère.
Les prises de contraste myocardiques tardives observées en IRM ont été corrélées histologiquement à de la fibrose et à de l’inflammation myocardique active(5,6). Ainsi, la présence de prises de contraste tardives décrites sur l’IRM initiale dans le cas de la patiente n°2 correspondrait à de l’inflammation myocardique active, la persistance à 6 mois d’une partie de ces prises de contraste s’expliquerait par une évolution vers la cicatrisation sous forme de fibrose de ces lésions inflammatoires. Cette évolution pourrait rendre compte de l’absence de récupération de la fonction contractile du ventricule gauche observée dans le cas de la patiente n°2.
L’IRM cardiaque permettrait de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques impliqués dans la survenue de la cardiomyopathie du péri-partum, aider au diagnostic positif et contribuer au suivi des patientes atteintes.
De plus, la présence et la persistance de prises de contraste myocardiques au temps tardif pourraient constituer un facteur pronostique de la maladie, et être corrélées à l’absence de récupération fonctionnelle du ventricule gauche à moyen et à long terme.
Des études prospectives portant sur de grands nombres de patientes sont nécessaires pour affirmer ou infirmer cette hypothèse.
Cas n°1
Mme M..., âgée de 28 ans, est hospitalisée en cardiologie pour prise en charge d’une poussée d’insuffisance cardiaque globale 3 jours après un accouchement normal par voie basse. La patiente est à 38 semaines d’aménorrhée lors de l’accouchement, et la grossesse s’est déroulée normalement. Elle n’a pas d’antécédents particuliers, notamment pas d’antécédents cardiaques. À l’admission, la patiente est febrile (38,5°C), hypertendue (PA : 160/87 mmHg), tachycarde à 120/min et dyspnéique. L’indice de masse corporelle est de 22 kg/m2. L’examen Clinique révèle des signes d’insuffisance cardiaque globale : turgescence jugulaire et crépitants bilatéraux remontant jusqu’à mi-champ. L’ECG s’inscrit en rythme sinusal et régulier. L’échographie cardiaque retrouve une dilatation modérée du ventricule gauche (DTDVG indexé à 29 mm/m²) associée à une hypokinésie globale (FEVG estimée à 40 %) et à une elevation des pressions de remplissage du VG.
La troponine et le NT-proBNP sont élevés, respectivement 0,17 ng/ml (N < 0,04 ng/ml) et 500 pg/ml (N < 300 pg/ml).
Une IRM cardiaque est realisée : les sequences de ciné-IRM confirment l’hypokinésie globale du ventricule gauche, la FEVG est calculée à 42 %. Il n’y a pas de prise de contraste du myocarde sur les sequences tardives realises 10 min après injection de gadolinium (figure 1). L’évolution est favourable sous traitement, et la patiente a pu retourner à son domicile quelques jours plus tard.
Figure 1. Coupe petit axe du VG réalisée 10 min après injection de gadolinium. Absence de prise de contraste au temps tardif.
Un mois après, la patiente ne présente plus aucun symptôme d’insuffisance cardiaque, une échographie cardiaque de contrôle montre une regression complete de l’hypokinésie ventriculaire gauche et une normalisation de la FEVG.
Cas n°2
Mme C..., âgée de 34 ans, sans antécédents notables, est prise en charge en service de soins intensifs cardiologiques pour une détresse respiratoire aiguë 6 jours après un accouchement par césarienne. La grossesse a été marquee par la survenue d’une hypertension artérielle.
À l’admission, la PA est à 140/60 mmHg, la fréquence cardiaque à 110 battements/min et la saturation en oxygène à 75 %. La patiente est très dyspnéique à l’arrivée. Par ailleurs, elle présente une surcharge pondérale importante, l’indice de masse corporelle étant calculé à 44 kg/m2.
L’examen Clinique révèle des signes d’insuffisance cardiaque globale : turgescence jugulaire, œdèmes des membres inférieurs, et des crépitants bilatéraux intéressant l’ensemble des deux champs pulmonaires sont presents à l’auscultation pulmonaire.
L’ECG est normal, l’échographie cardiaque retrouve une franche dilatation du ventricule gauche (DTDVG indexé à 32 mm/m²), une hypokinésie globale sévère avec une FEVG effondrée, calculée à 20 %.
La troponine est faiblement positive : 0,07 ng/ml (N < 0,04 ng/ml) et le NT proBNP élevé : 1 349 pg/ml (N < 300 pg/ml).
L’IRM cardiaque retrouve une hypokinésie globale severe du ventricule gauche, avec une FEVG calculée à 25 %. Les sequences tardives realises 10 min après injection de gadolinium montrent de multiples prises de contraste intramyocardiques intéressant le septum et la paroi antéro-septale du ventricule gauche (figure 2).
Figure 2. Coupe petit axe du VG réalisée 10 min après injection de gadolinium. Prises de contraste intramyocardiques intéressant le septum et la paroi antéro-septale.
Six mois plus tard, la patiente est toujours symptomatique : dyspnée d’effort stade III de la NYHA. Une IRM de contrôle montre la persistence d’une dysfunction ventriculaire gauche sévère, avec une FEVG calculée à 30 %, et une régression seulement partielle des prises de contraste du septum et de la paroi antéro-septale (figure 3).
Figure 3. Coupe petit axe du VG réalisée 10 min après injection de gadolinium. Régression partielle à 6 mois des prises de contraste, avec persistance d'une discrète prise de contraste septale.
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