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Insuffisance cardiaque

Publié le 31 aoû 2014Lecture 10 min

Insuffisance cardiaque chronique : 20 « perles » sur l’épidémiologie et le diagnostic

P. ATTALI, CHU Strasbourg

À partir des recommandations européennes (ESC(1)), américaines (ACCA/AHA(2)) et canadiennes (CCS HF(3))

Préférer la notion plus appropriée d’« insuffisance cardiaque » à celle d’« insuffisance cardiaque congestive »   En effet, certains patients insuffisants cardiaques peuvent ne pas avoir de signe de congestion. Les symptômes et les signes cardinaux de l’insuffisance cardiaque (IC) ont une double facette : la limitation à la tolérance à l’effort, dyspnée et fatigue, et la rétention liquidienne, congestion pulmonaire, splanchnique ou des œdèmes des membres inférieurs. Les râles pulmonaires, souvent considérés comme un signe de congestion veineuse pulmonaire, sont souvent absents dans l’IC en dépit d’une augmentation des pressions de remplissages gauches. Cette absence serait due à une hyperactivité lymphatique chronique, qui prévient l’œdème alvéolaire en dépit de pressions interstitielles augmentées(4). Le diagnostic est posé lorsque des symptômes et des signes physiques de congestion et/ou de réduction de la perfusion tissulaire sont documentés dans un contexte de dysfonction cardiaque systolique et/ou diastolique ou d’une anomalie structurelle ou fonctionnelle du cœur(5). Les critères de Framingham en faveur du diagnostic de l’IC, avec des critères majeurs et mineurs, mettent en exergue l’augmentation des pressions veineuses jugulaires, le reflux hépato-jugulaire positif ou la présence d’un B3 pour l’établissement du diagnostic, mais minimisent l’importance des œdèmes des extrémités.   Préférer la notion d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite ou préservée plutôt que celle de fonction systolique normale ou altérée   En effet, la fonction systolique du VG peut être normale à l’échographie mais altérée selon d’autres examens. L’IC est à fraction d’éjection réduite lorsque la FEVG est < 40 %. La maladie coronaire est la principale cause de ce type d’IC. Lors de la phase aiguë d’une myocardiopathie nouvellement diagnostiquée, l’exclusion d’une maladie coronaire sous-jacente et en particulier d’une zone myocardique potentiellement à risque qui pourrait bénéficier d’une revascularisation est un élément critique. Les patients avec une IC secondaire à une maladie coronaire ont un plus mauvais pronostic que ceux atteints d’une myocardiopathie non ischémique. Cependant, la fonction myocardique peut s’améliorer de façon appréciable en cas de revascularisation, ce qui souligne l’importance de faire le diagnostic précoce de la présence d’une maladie coronaire. L’insuffisance cardiaque est à fraction d’éjection préservée, en cas de FEVG > 50 %. Cette entité représente 50 % des insuffisances cardiaques. Elle nécessite 3 critères pour être retenue : présence de signes cliniques d’IC, FEVG > 50 % et anomalies de la fonction diastolique. Elle est le plus souvent observée chez des femmes âgées hypertendues. L’HTA multiplie par 2 à 3 le risque d’IC(6).   Connaître les 2 classifications : ACC/AHA et NYHA (tableau)   L’ACC/AHA ont identifié 4 classes d’insuffisance cardiaque : la classe A est la plus importante car elle décrit les conditions associées à une probabilité augmentée de développer une IC et qui de ce fait doivent être ciblées pour une réduction agressive de ce risque. La classification NYHA reste importante, car elle est la base des stratégies thérapeutiques.     Comprendre que l’IC est un problème de santé publique majeur du fait de sa prévalence élevée, de sa gravité et de son coût élevé   La prévalence de l’IC en France est élevée : 2,19 % de la population générale, 11,9 % des patients âgés de 65 ans ou plus, jusqu’à plus de 20 % chez ceux de plus de 80 ans. Elle est en cause dans près de 32 000 décès par an, en particulier chez les sujets âgés avec une augmentation de plus de 27 % par décennie chez les hommes et plus de 61 % par décennie chez les femmes. Les coûts de santé occasionnés par cette pathologie ont été évalués à plus de 1 % de la totalité des dépenses de santé, principalement du fait de 150 000 hospitalisations par an.   Savoir que la myocardiopathie dilatée est caractérisée par une dilatation ventriculaire et une contractilité myocardique altérée, en l’absence d’anomalies des conditions de charge   Cette définition est préférable à la terminologie de myocardiopathie non ischémique, choisie à tort dans beaucoup d’études puisqu’elle peut inclure une HTA ou une valvulopathie.   Savoir reconnaître une myocardiopathie familiale   Les myocardiopathies familiales sont fréquentes (20 à 35 % des myocardiopathies dilatées). Une myocardiopathie dilatée est considérée comme familiale lorsqu’au moins deux membres de la famille en sont atteints. Un screening des parents du premier degré non atteints d’IC devrait être réalisé tous les 3 à 5 ans. À noter que la non-compaction du VG, dont l’importance est en augmentation, est incluse dans l’entité des myocardiopathies familiales.   Savoir rechercher l’IC derrière l’obésité   En effet, l’obésité est un facteur indépendant de survenue d’une IC. En cas de dyspnée chez un obèse, une insuffisance cardiaque doit être recherchée et ne pas être attribuée « mécaniquement » à la seule prise de poids.   Connaître la courbe en « U » de l’hémoglobine glycosylée dans la myocardiopathie dilatée du patient diabétique   Deux choses à retenir : le diabète peut être à l’origine d’une myocardiopathie dilatée et une courbe en U a été constatée avec un risque minimal de décès lorsque l’hémoglobine glycosylée est comprise entre 7,1 % et 7,8 %.   Évaluer la consommation alcoolique dans la myocardiopathie dilatée   L’alcoolisme chronique est l’une des plus importantes causes de myocardiopathie dilatée. Cette cause est suspectée lorsqu’une dysfonction et une dilatation des deux ventricules sont observées de façon persistante chez un patient dont la consommation d’alcool est importante, en l’absence d’autres causes connues d’atteinte myocardique(7). Le plus souvent, la myocardiopathie alcoolique survient chez des hommes d’âge moyen, de 30 à 55 ans, dont la forte consommation d’alcool a duré plus de 10 ans. Les femmes, environ 14 % des cas, semblent plus vulnérables. Le risque de survenue d’une myocardiopathie alcoolique asymptomatique est augmenté chez ceux qui consomment > 90 g d’alcool par jour (approximativement, 7 à 8 boissons alcoolisées par jour) pendant plus de 5 ans(8). Par contre, une consommation d’alcool légère à modérée aurait des effets protecteurs contre l’IC(9). Ces constatations paradoxales suggèrent une susceptibilité individuelle. Une récupération de la fonction VG après l’arrêt de boissons alcoolisées a été rapportée. Et même si la dysfonction VG persiste, les symptômes et les signes d’IC s’améliorent après l’abstinence(10).   Savoir qu’une myocardiopathie rythmique peut résulter d’une extrasystolie ventriculaire fréquente   Une myocardiopathie induite par une tachycardie est une cause réversible d’IC caractérisée par un dysfonctionnement myocardique VG causé par une fréquence ventriculaire accrue. Pratiquement, toutes les tachycardies supraventriculaires avec une réponse ventriculaire rapide peuvent induire une myocardiopathie. De plus, les arythmies ventriculaires, y compris les extrasystoles ventriculaires fréquentes, peuvent également induire une myocardiopathie. Le maintien du rythme sinusal ou le contrôle de la fréquence ventriculaire sont essentiels pour le traitement des patients avec ce type de myocardiopathies(11). La réversibilité de cette myocardiopathie avec le traitement de l’arythmie est la règle, bien qu’elle puisse ne pas être complète dans tous les cas.   Savoir distinguer la cardiotoxicité liée aux anthracyclines de celle liée aux anticorps monoclonaux   Contrairement à la cardiotoxicité liée aux anthracyclines, celle liée à l’anticorps monoclonal trastuzumab (herceptine) est le plus souvent réversible à l’arrêt du traitement. De plus, sa cardiotoxicité ne semble pas augmenter avec une dose cumulée de trastuzumab et n’est pas associée à des changements structurels du myocarde(12).   Savoir que le pronostic à long terme d’une myocardite n’est pas liée à la sévérité du tableau à très court terme   La présentation d’une myocardite peut être aiguë ou subaiguë. Le pronostic varie, allant de la résolution spontanée complète (paradoxalement, le plus souvent lorsque le début est fulminant) jusqu’à la myocardiopathie dilatée.   Savoir reconnaître les formes de bon pronostic dans la myocardiopathie du péripartum   Le pronostic de la myocardiopathie du péripartum est lié à la récupération précoce de la fonction VG : une amélioration significative de la fonction myocardique est observée chez 30 à 50 % des patients dans les 6 premiers mois après la présentation. En l’absence de récupération précoce, le pronostic est similaire à celui des autres formes de myocardiopathie dilatée. Une cardiomégalie qui persiste plus de 4 à 6 mois après le diagnostic indique un mauvais pronostic, avec un taux de mortalité de 50 % à 6 ans. Les grossesses suivantes pourraient être associées à une aggravation de la détérioration de la fonction VG. En raison d’une augmentation du risque thrombo-embolique veineux, une anticoagulation est recommandée, surtout en cas de dysfonction VG.   Connaître la prévalence élevée des myocardiopathies causées par une surcharge en fer   L’hémochromatose héréditaire, une maladie autosomique récessive, est la maladie héréditaire la plus fréquente des pays de l’Europe du Nord, avec une prévalence autour de 5 pour 1 000. Une myocardiopathie causée par une surcharge en fer peut survenir en raison d’une anomalie génétique comme l’hémochromatose primaire ou en raison de transfusions répétées comme dans la bêta-thalassémie majeure. Les taux de survie actuelle dans la mutation homozygote du gène de l’hémochromatose C282Y ont été rapportés comme étant de 95 %, 93 % et 60 % à 5, 10 et 20 ans, respectivement. Les traitements chélateurs du fer, tel que la déféroxamine, et les saignées ont nettement amélioré le pronostic de l’hémochromatose.   Savoir reconnaître les formes gravissimes d’amylose cardiaque   En effet, la maladie peut progresser en général rapidement et chez les patients avec un septum d’épaisseur > 15 mm, une FEVG < 40 % et des symptômes d’insuffisance cardiaque, la survie médiane peut être inférieure à 6 mois. L’amylose peut avoir diverses origines : primaire, ou amylose AL (chaînes légères monoclonales kappa ou lambda), secondaire (protéine A), familiale TTR (transthyrétine mutante), secondaire à la dialyse (bêta2-microglobuline) ou enfin sénile TTR (transthyrétine sauvage). Toutes ces formes peuvent affecter le cœur, mais l’atteinte cardiaque est surtout rencontrée dans les amyloses AL et TTR(13,14).   Savoir évoquer la sarcoïdose cardiaque insuffisamment diagnostiquée   La sarcoïdose cardiaque est une maladie insuffisamment diagnostiquée qui peut toucher jusqu’à 50 % des patients avec une sarcoïdose systémique. L’atteinte cardiaque peut survenir de façon isolée. Elle peut se présenter comme une dysfonction VG asymptomatique, une insuffisance cardiaque, un bloc auriculo-ventriculaire, des arythmies atrioventriculaires et une mort subite(15,16). L’IRM et la TEP peuvent identifier des lésions cardiaques avec des zones éparses d’inflammation et de fibrose myocardique.   Savoir distinguer la myocardiopathie de stress, ou tako-tsubo, de la myocardiopathie ischémique   La myocardiopathie de stress est caractérisée par une dysfonction ventriculaire gauche aiguë réversible en l’absence de maladie coronaire significative, déclenchée par un stress aigu émotionnel ou physique(17). Ce phénomène est identifié par un trait distinctif de ballonisation apicale, qui affecte plus souvent les femmes en postménopause. Une majorité des patients ont une présentation clinique similaire à celle du SCA et peut avoir une augmentation transitoire des enzymes cardiaques.   Savoir rechercher systématiquement les symptômes et signes cliniques clés lors du suivi d’un patient avec une IC   Le statut de la volémie et des signes vitaux doivent être évalués à chaque consultation chez le patient atteint d’une IC. Cela comprend essentiellement la présence ou non d’une orthopnée, la mesure régulière du poids, l’estimation de la pression veineuse jugulaire et la présence d’œdèmes périphériques.   Connaître les examens biologiques à demander   L’évaluation initiale en laboratoire des patients présentant une IC devrait inclure les examens suivants : hémogramme, électrolytes (y compris calcium et magnésium), urée, créatinine, glucose, profil lipidique à jeun, tests de la fonction hépatique, et TSH ; ainsi qu’une analyse d’urine. La surveillance régulière, lorsque cela est indiqué, doit comprendre les électrolytes sériques et la créatininémie. Chez les patients ambulatoires atteints de dyspnée, la mesure des peptides natriurétiques (BNP ou NT-proBNP) est utile. Cependant, les comorbidités doivent être prises en compte sachant que l’insuffisance rénale augmente leur concentration et l’obésité la diminue(18,19).   Savoir quand répéter un examen échocardiographique dans l’IC   Les mesures répétées de FEVG avec détermination de la sévérité du remodelage structurel sont utiles en cas de changement significatif de l’état clinique ou d’introduction de traitement, pouvant avoir un effet significatif sur la fonction cardiaque. Une imagerie non invasive pour détecter l’ischémie myocardique et la viabilité est raisonnable chez les patients présentant une IC de novo, ou chez ceux qui sont connus avec une maladie coronaire en l’absence d’angine de poitrine, sauf si le patient n’est pas admissible à une revascularisation. À noter qu’une ventriculographie isotopique ou par IRM peut être utile pour évaluer la FEVG et les volumes du VG lorsque l’échocardiographie est de qualité insuffisante. L’IRM peut être utile pour évaluer les processus d’infiltration du myocarde ou l’importance des cicatrices myocardiques.

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