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Congrès et symposiums

Publié le 31 aoû 2014Lecture 5 min

Retour vers les anti-GPIIb/IIIa dans l’IDM

M. DEKER

APPAC

La prise en charge de l’infarctus du myocarde évolue sans cesse à mesure que progressent les connaissances sur l’effet des thérapeutiques dans le cadre des essais cliniques et de la pratique en vie réelle. Il en est ainsi des anti- GPIIb/IIIa qui avaient démontré leur intérêt dans les années 1990, surtout dans l’infarctus grave, puis ont été un peu délaissés et connaissent un regain d’intérêt depuis 2012.

L’environnement médicamenteux doit s’adapter à la stratégie de prise en charge de l’infarctus à la phase aiguë qui tend aujourd’hui vers l’angioplastie primaire. Les antiagrégants plaquettaires agissent sur le clou hémostatique, donc la phase primaire de la coagulation, et sont aussi de puissants antithrombotiques, alors que les anticoagulants agissent principalement sur la thrombine qui participe à l’extension du caillot. Suite aux résultats de l’étude HORIZONS, la bivalirudine, qui avait fait jeu égal avec l’héparine associée aux anti-GPIIb/IIa, a été introduite dans le traitement de l’infarctus à la phase aiguë. Toutefois, l’étude EUROMAX n’a pas montré de réduction de la mortalité dans le groupe bivalirudine comparativement à l’association héparine + anti- GPIIb/IIIa mais un sur-risque de thrombose de stent dans les 24 premières heures. Par ailleurs, l’inhibition de la réactivité plaquettaire obtenue avec les nouveaux antiplaquettaires, prasugrel et ticagrelor, est insuffisante à la phase aiguë de l’infarctus : l’étude RAPID a montré que le délai pour obtenir 60 % d’inhibition de l’activité plaquettaire est d’au moins 4 heures avec le prasugrel ou le ticagrelor en dose de charge. L’ensemble de ces données justifie le retour vers les anti- GPIIb/IIIa.   Le tirofiban, rapide et puissant   Une étude datant de 2002 avait montré qu’un bolus de 10 μg/kg/min de tirofiban n’entraîne une inhibition plaquettaire que chez 65 % environ des patients, comparativement à 90 % avec l’abciximab(1). Depuis, il a été prouvé qu’à la dose de 25 μg/kg/min, le tirofiban permet d’inhiber 94 % des plaquettes en 3 à 15 min(2). La demivie du tirofiban est courte, de 2 heures, chez les patients atteints de maladie coronaire. Ces caractéristiques pharmacologiques ont été confirmées plus récemment dans un travail comparant l’inhibition plaquettaire 15 min après administration de tirofiban à la dose de 25 μg/kg/min au prasugrel 60 mg : il faut 6 heures avec ce dernier pour obtenir 75 % de l’agrégation plaquettaire comparativement à 15 min pour obtenir 95 % d’inhibition avec le tirofiban. Plusieurs études randomisées, réalisées avec un bolus à haute dose de tirofiban ont montré des résultats encourageants. Dans l’étude poolée ON-TIME 2, chez des patients ayant bénéficié d’une angioplastie pour un SCA ST+, une réduction significative des événements cardiovasculaires majeurs (mortalité, infarctus, revascularisation) a été observée à 1 mois dans le bras tirofiban comparativement au placebo, sans surrisque hémorragique, ni thrombocytopénie(3) ; tous les patients étaient par ailleurs traités en préhospitalier ou au centre d’angioplastie par héparine non fractionnée, aspirine IV 500 mg et clopidogrel en dose de charge 600 mg, et il était possible d’utiliser le tirofiban en bail out chez les patients du groupe placebo. À noter que ces malades étaient pris en charge dans les 3 premières heures de l’infarctus, à une période où le thrombus est riche en plaquettes, donc particulièrement sensible aux anti-GPIIb/IIIa. Parmi les 86 % des patients ayant eu une angioplastie primaire, la mortalité à 1 mois et à 1 an est significativement diminuée dans le bras tirofiban (p = 0,001 et p = 0,007, respectivement). Le tirofiban a été bien toléré et a permis une diminution du risque de thrombose de stent (0,2 % versus 3 % sous placebo). Comparativement à l’abciximab, le tirofiban n’occasionne pas de surrisque d’hémorragie majeure, avec une efficacité comparable comme l’a démontré l’étude Multistrategy(4).   L’expérience clermontoise   Sur 629 SCA ST+ pris en charge au CHU de Clermont-Ferrand, un anti-GPIIb/IIIa a été utilisé dans 57 % des cas et une thromboaspiration manuelle dans 56 % des cas. Cette stratégie se justifie par la charge thrombotique majeure souvent rencontrée (en particulier chez des patients jeunes, fumeurs), que l’on peut évaluer grâce au score thrombotique simplifié de G. Sianos et coll.(5) qui distingue deux situations : score faible pour un thrombus < 2 fois le diamètre du vaisseau ; score fort pour un thrombus ≥ 2 fois le diamètre du vaisseau. L’administration précoce d’anti-GPIIb/IIIa (tirofiban IV) associée à une thromboaspiration manuelle en cas de score fort, permet de différer, voire de discuter le stenting. Cette stratégie a été étudiée dans le cadre d’un essai observationnel non randomisé, l’étude OTOCLAV, qui a inclus 101 patients. En cas de reperfusion optimale (TIMI ≥ 2, résolution de ST, pas d’angor), la décision de stenting a été prise après contrôle par OCT, réalisé en moyenne à J5. Aucun événement n’est survenu en attendant le contrôle OCT. L’étude a montré une réduction progressive du score thrombotique et du taux de stenting sous traitement médical ; dans 38 % des cas, aucun stenting n’a été réalisé. À 1 an, on note 1 AVC et 1 angor stenté, mais aucun SCA. Cette expérience démontre l’intérêt d’une stratégie associant un anti-GPIIb/IIIa + anti-P2Y12 et la thromboaspiration à double titre : soit pour sécuriser le stenting, soit pour le différer, voire s’en passer. En pratique, l’administration du tirofiban est initiée par voie IV en salle d’angioplastie primaire en bolus de 25 μg/kg sur 3 min ; elle se poursuit en unité de soins intensifs par IV 0,15 μg/kg/min sur 8-12 h.   Le retour vers les anti- GPIIb/IIIa est en partie dû à l’inhibition plaquettaire insuffisante induite par les thérapeutiques orales (clopidogrel, prasugrel, ticagrelor), elle-même liée aux difficultés d’absorption et à la pharmacocinétique de ces agents ; ainsi, la moitié seulement des patients ont une inhibition plaquettaire efficace 2 h après administration orale de prasugrel ou de ticagrelor. L’avantage du tirofiban est qu’il s’agit d’un agent puissant, rapidement efficace, pouvant être administré de plusieurs manières, en bolus seul ou suivi d’une perfusion. Il s’adapte au cas par cas selon le protocole décidé par le cardiologue interventionnel, en fonction des risques spécifiques liés par exemple à l’âge et au poids, des cotraitements et de la charge thrombotique. À Marseille, l’utilisation du tirofiban est quasi systématique chez les patients avec SCA ayant une angioplastie.   D’après une communication de D. Carrié (Toulouse), N. Combaret (Clermont-Ferrand), J.-L. Bonnet (Marseille) et P. Ecollan (Paris))

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