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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 14 oct 2014Lecture 6 min

Antiarythmiques dans la FA : précieux mais non dénués de risques et à surveiller !

M. DEKER, d'après un entretien avec le Pr Jean-Yves LE HEUZEY (HEGP, Paris)

Le principal enjeu diagnostique de la fibrillation atriale (FA) réside dans son dépistage et ce, afin de mettre en route un traitement visant à prévenir les complications majeures que sont les accidents vasculaires cérébraux thromboemboliques. Une fois le diagnostic posé, se pose la question de la prise en charge du trouble rythmique, à savoir réduire ou ralentir. Le choix du traitement médicamenteux est, quant à lui, relativement restreint mais bien codifié et sa surveillance indispensable.

Contrôle du rythme ou contrôle de la fréquence ?   La question se pose devant chaque nouveau patient ayant une FA, sachant que ces deux stratégies n’ont pas montré de réelle supériorité l’une par rapport à l’autre en termes de morbi-mortalité. Il revient donc au clinicien de décider du bénéfice à attendre d’un retour en rythme sinusal ou s’il suffit de ralentir la fréquence cardiaque. Trois principaux éléments guident le choix stratégique : l’âge du patient, sa symptomatologie et les facteurs de risque de rechute. Une stratégie de contrôle du rythme est a priori plus adaptée aux patients jeunes ou très symptomatiques ou à ceux qui ont peu de facteurs de risque de rechute. Inversement, il est préférable de ralentir la fréquence chez les sujets très âgés, pauci-symptomatiques ou ayant de fortes chances de rechuter. Toute la difficulté réside dans les cas intermédiaires pour lesquels la décision est purement clinique, et ce sont certainement les plus nombreux.   Après retour en rythme sinusal, quel traitement ?   Un traitement antiarythmique est généralement indispensable après retour en rythme sinusal car le taux de rechutes est très élevé en son absence. Toutefois, il est habituel de surseoir à ce traitement au décours d’une première crise de FA. Tout dépend, là encore, du profil du patient. Le choix du traitement antiarythmique est fonction de l’existence ou non d’une cardiopathie sous-jacente. L’utilisation d’un antiarythmique de classe I, la plupart du temps Ic (flécaïnide, Flecaïne®, propafénone, Rythmol® ou cibenzoline, Cipralan®) est possible en l’absence de cardiopathie sousjacente, une hypertension artérielle non compliquée n’étant pas une contre-indication. En France, l’antiarythmique de classe I le plus utilisé est le flécaïnide (Flécaïne®). Le seul choix en cas d’insuffisance cardiaque est l’amiodarone (classe III). Rappelons aussi que le sotalol (bêtabloquant et antiarythmique de classe III) n’a pas été étudié spécifiquement dans l’insuffisance cardiaque. Aux antiarythmiques de classe I, il faut systématiquement adjoindre un freinateur de la conduction nodale afin d’éviter l’une des complications qui est la transformation de la FA en flutter et le passage en flutter 1/1. En pratique, il est préférable d’associer systématiquement les antiarythmiques de classe I à un freinateur de la conduction nodale, préférentiellement un bêtabloquant, sans exclure les bêtabloquants indiqués dans l’insuffisance cardiaque qui offrent un choix de dose plus large (en l’absence d’insuffisance cardiaque bien sûr, qui constitue une contre-indication aux antiarythmiques de classe I).   Faut-il surveiller les patients et sur quels critères ?   Une surveillance s’impose car les antiarythmiques sont des médicaments à index thérapeutique étroit, efficaces chez les patients pour lesquels ils sont parfaitement indiqués, mais potentiellement dangereux quand l’indication n’est pas parfaite. La surveillance cherche à dépister les effets proarythmiques du traitement et, pour les antiarythmiques de classe I, à rechercher un élargissement du QRS. Une surveillance tous les 6 mois est suffisante, à condition que le traitement n’ait pas été modifié. La posologie de l’antiarythmique mérite d’être revue à la hausse si le traitement est à faible dose et s’avère inefficace. Si un bloc de branche apparaît, il faut arrêter le traitement, ce qui pose la question de sa substitution dans un domaine thérapeutique où le choix est restreint. Certains patients nécessitent une surveillance particulière en raison de leur profil clinique ou métabolique. Tel est le cas des sujets âgés, bien qu’il soit plus rare chez ces derniers d’opter pour un contrôle du rythme. Une surveillance de la fonction rénale (clairance de la créatinine) est nécessaire afin de dépister une dégradation fonctionnelle rénale qui pourrait faire craindre une accumulation de l’antiarythmique. L’antiarythmique ayant la plus forte élimination rénale est le sotalol (environ 80 %). Depuis l’étude CAST, les antiarythmiques de classe I sont théoriquement contre-indiqués chez les patients ayant un antécédent d’infarctus du myocarde, ce qui n’implique pas l’ensemble des coronariens. Toutefois, par prudence, il est préférable de ne pas prescrire cette classe d’antiarythmiques chez les coronariens, même si la fonction ventriculaire n’est pas altérée.   Pourquoi considérer les antiarythmiques de classe I comme des médicaments à index thérapeutique étroit ?   Les cliniciens se réfèrent à la notion d’index thérapeutique pour qualifier le bénéfice/risque des thérapeutiques, de préférence à celle de marge thérapeutique qui est d’ordre pharmacologique. Considérant l’ensemble des médicaments utilisés en médecine cardiovasculaire, il est possible de réaliser un classement par index thérapeutique du plus étroit au plus large. En ce sens, les antiarythmiques sont sans doute les médicaments dont l’index thérapeutique est le plus étroit. Cet index peut être considéré comme faible comparativement, par ordre décroissant, aux anticoagulants (risques de saignement), à certains anticalciques (inotropes négatifs), aux bêtabloquants (risque de bradycardie, de troubles bronchiques), aux hypolipémiants (rares cas de rhabdomyolyse) ou aux bloqueurs du système rénine-angiotensine (qui posent peu de problèmes hormis l’hypercaliémie, notamment en cas d’insuffisance rénale). Les antiarythmiques sont, en effet, des thérapeutiques qui peuvent être très efficaces, mais chez un nombre restreint de patients, en respectant leurs indications et contre-indications, alors que les thérapeutiques dotées d’un index large peuvent être plus facilement utilisées et bénéficieront à une large population, sans risque majeur. Pour prendre l’exemple spécifique du flécaïnide (Flécaïne®), antiarythmique de classe I le plus prescrit, le fait qu’il soit doté d’un index thérapeutique étroit signifie simplement que sa prescription doit être modulée dans ses indications – elle est bénéfique chez un sujet ayant un cœur sain –, en surveillant le patient en raison du risque proarythmique et en choisissant la bonne dose. Depuis 25 ans, les cardiologues ont appris à le prescrire dans de bonnes conditions de sécurité comme l’a montré un imposant registre danois publié en 2009 (près de 150 000 patients traités par antiarythmiques pour FA et suivis plus de 3 ans).   Quelles précautions en termes de prise en charge ?   En pratique, la prescription d’un antiarythmique impose une certaine vigilance de la part du médecin, tant pour le choix du médicament que pour la surveillance. Si tous les critères de prescription du médicament ne sont pas remplis, notamment en termes de posologie pour une molécule donnée, le traitement n’aura pas sa pleine efficacité en prévention des crises. À cet égard, on pourrait rapprocher la FA d’une autre maladie également caractérisée par des crises électriques, l’épilepsie qui nécessite un strict respect de la prescription. La vigilance s’impose en particulier chez les patients les plus fragiles : sujets âgés, insuffisants rénaux, porteurs d’un bloc incomplet gauche. Le bloc de branche gauche complet est une contre-indication à la prescription des antiarythmiques de classe I, ce qui laisse théoriquement la possibilité de les prescrire en cas de bloc incomplet, mais pas sans risque. L’existence d’une insuffisance cardiaque est une contre-indication absolue à la prescription des antiarythmiques de classe I. Toutefois, certains patients décompensent une insuffisance cardiaque dès lors que se déclenche une crise de FA ; paradoxalement, en prévenant la crise, la décompensation cardiaque ne survient pas. Il convient donc d’être vigilant en prescrivant ce type d’antiarythmiques chez les patients dont la fraction d’éjection est à la limite inférieure de la normale, comme chez les patients dont on sait que la FA peut être très rapide et très irrégulière, lesquels sont les plus susceptibles de développer une insuffisance cardiaque.   Comment soupçonner un traitement inadéquat par un antiarythmique de classe I ?   On peut soupçonner une imprégnation insuffisante en cas de perte d’efficacité à prévenir les crises. Inversement, une baisse de la fraction d’éjection ventriculaire et une augmentation du QRS devraient inciter à rechercher un excès d’imprégnation. Les modifications du traitement ne sont donc pas sans conséquences potentielles. Toutefois, il importe avant tout de rechercher l’apparition d’un trouble conductif, d’un flutter 1/1 et de troubles du rythme ventriculaire, de surveiller la fonction cardiaque et la fonction rénale, pour modifier la stratégie thérapeutique si besoin et moduler les doses des thérapeutiques. D'après un entretien avec le Pr Jean-Yves LE HEUZEY (HEGP, Paris) Propos recueillis par M. DEKER  

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