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Congrès et symposiums

Publié le 14 mar 2015Lecture 5 min

Quand arrêter le traitement anticoagulant après ablation de fibrillation atriale ?

F. ANSELME, CHU de Rouen


JESFC
Les mécanismes qui sont à l'origine de la thrombogenèse dans la fibrillation atriale sont complexes et seulement partiellement élucidés. Il est cependant très probable que le maintien du rythme sinusal soit la meilleure stratégie de prévention du risque thromboembolique chez ces patients. Même si l'indication de l'ablation de la fibrillation atriale doit rester centrée sur l'amélioration des symptômes et de la qualité de vie, se pose la question de la possibilité d'arrêter le traitement anticoagulant après une ablation apparemment réussie.

Dans les 3 mois après la procédure d’ablation Immédiatement après la procédure d’ablation et dans les trois mois qui suivent la procédure, il apparaît logique et intuitif de maintenir une anticoagulation efficace. En effet, celle-ci aura pour but de prévenir la formation de coagulum sur les lésions tissulaires créées lors de l’ablation. D’autre part, en cas d’ablation de fibrillation atriale persistante, le retour en rythme sinusal ne s’accompagne pas immédiatement de la restauration de la contraction atriale efficace. Le délai avant restauration de la contraction peut varier et être d’autant plus prolongé que d’importantes lésions ont été effectuées au niveau atrial. Malgré le traitement anticoagulant instauré, cette période reste la période la plus à risque d’accident thromboembolique après ablation comme en témoignent différentes études de la littérature. Dans une étude incluant 755 patients suivis sur 25 mois après ablation de fibrillation atriale, le risque d’AVC est estimé à 1,1 %. Neuf accidents thromboemboliques, sont survenus dans les deux semaines après la procédure(1). Plus récemment, dans un registre danois portant sur plus de 4 000 patients, le taux d’accident thromboembolique postprocédure était de 13 % patients-années dans les deux semaines suivant la procédure, puis de 3 % patients-années les 15 jours suivants, et de 1 % par an dans les mois et années suivants(2). Il y a donc un consensus assez clair pour que le traitement anticoagulant soit maintenu au moins 3 mois après le geste d’ablation, quelles que soient les circonstances. Grâce à une anticoagulation efficace plus stable, il est probable que l’utilisation d’anticoagulants directs puisse améliorer le risque thromboembolique post-procédure. En effet, la majorité des accidents thromboemboliques survenant dans cette période sont apparus alors que l’INR n’était pas dans la zone thérapeutique(1).   Après la période de 3 mois postopératoire Trois mois après la procédure, la décision d’interrompre ou non le traitement anticoagulant se pose. Avant de prendre la décision, un certain nombre d’éléments sont à prendre en considération : Est-ce que l’ablation a réellement supprimé tous les épisodes de fibrillation atriale ? Il est reconnu depuis de nombreuses années qu’environ la moitié des épisodes de fibrillation atriale reste asymptomatique. Ce que nous avons appris plus récemment, c’est que le nombre d’épisodes de fibrillation atriale asymptomatiques augmentait après la procédure d’ablation. Dans une étude incluant 50 patients (dont 80 % étaient porteurs de fibrillation atriale paroxystique), un Holter implantable a été mis en place 3 mois avant la procédure d’ablation. À l’aide de ces enregistreurs, il a été démontré que 56 % de tous les épisodes arythmiques étaient asymptomatiques(3). Le ratio entre les épisodes asymptomatiques et symptomatiques augmentait significativement, passant de 1,1 avant l’ablation à 3,7 après l’ablation. Douze pour cent des patients après l’intervention ne présentaient que des épisodes asymptomatiques. Cette étude bien menée souligne l’importance des épisodes de fibrillation atriale asymptomatiques et suggère une surveillance Holter très rapprochée avant de définir l’éventuel succès de la procédure. Un autre élément à prendre en considération est l’apparition progressive de récidive de fibrillation atriale à mesure que l’on s’éloigne de la procédure initiale. Même après plusieurs procédures, le taux de patients sans récidive d’arythmie baisse progressivement pour atteindre environ 70 % à 5 ans(4). Est-ce que l’ablation de fibrillation atriale est réellement associée à une diminution du risque d’AVC à long terme ? Malgré tout, il semble bien que la procédure d’ablation ait une influence positive sur le taux d’AVC à long terme chez les patients porteurs de fibrillation atriale. Dans le registre Inter Mountain Health Care Network(5), trois groupes de patients ont été suivis : des patients sans fibrillation atriale (n = 16 848), des patients avec fibrillation atriale sans ablation (n = 16 848), et des patients avec fibrillation atriale ayant bénéficié d’un geste d’ablation (n = 4 212). L’anticoagulation a été laissée à la discrétion du cardiologue traitant. Ce registre montre de façon intéressante que le taux d’AVC chez des patients ayant bénéficié d’une ablation de fibrillation atriale est similaire, voire inférieur à celui des patients sans fibrillation atriale, quel que soit le score de CHADS2. En revanche, les patients avec fibrillation atriale n’ayant pas bénéficié d’ablation gardaient un taux d’AVC significativement plus élevé quel que soit le niveau du score CHADS2.   Quel est le risque individuel d’accident thromboembolique et de saignement ? Il est fondamental avant de prendre une décision quant au traitement anticoagulant, d’évaluer le risque thromboembolique et le risque de saignement en utilisant les scores de CHADS2Vasc et HASBLED respectivement. Devant un score de CHADS2Vasc à 0, le risque est considéré comme très faible et selon les recommandations ne justifie pas un traitement anticoagulant au long cours. Devant un score de CHADS2Vasc à 1, le risque est considéré comme intermédiaire et la question se pose de prescrire des antiagrégants plaquettaires ou un traitement anticoagulant au long cours. Au-delà d’un score de 1, le risque est considéré comme élevé et un traitement anticoagulant au long cours doit être envisagé. Un score de HASBLED supérieur à 3 identifie un risque significatif de saignement et doit faire envisager les risques d’une éventuelle anticoagulation. Tenant compte de tous ces éléments, les dernières recommandations européennes et nord-américaines(6-8) s’accordent pour considérer que le traitement anticoagulant au long cours après les 3 mois post-procédure doit être basé sur les facteurs de risque thromboemboliques du patient, en d’autres termes le score de CHADS2Vasc, et non sur l’apparent succès de la procédure d’ablation.    En pratique    Le traitement anticoagulant est absolument nécessaire dans les 3 mois suivant la procédure d'ablation. En cas d'échec évident de la procédure d'ablation, le traitement anticoagulant peut être reconduit pour entourer une éventuelle deuxième procédure. Dans les cas où la procédure a été apparemment un succès, l'arrêt des traitements anticoagulants peut s'envisager en cas de score CHADS2Vasc à 0 ; doit être continué en cas de CHADS2Vasc ≥ 2 ; en cas de risque thromboembolique intermédiaire (CHADS2Vasc à 1), il faut évaluer le risque de saignement chez le patient et effectuer un monitorage rapproché du rythme cardiaque en utilisant des enregistrements de longue durée. Quel que soit le score de CHADS2Vasc, il ne faut pas oublier de considérer le diamètre atrial et surtout la fonction atriale contractile (notamment après ablation de fibrillation atriale persistante). L'absence d'onde A au Doppler transmitral est un élément fort en faveur de la poursuite du traitement anticoagulant au long cours. 

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