Publié le 14 mar 2015Lecture 9 min
Anticoagulants oraux directs : actualités dans la vraie vie
P. ATTALI
JESFC
AOD : nouvelles données dans la pratique quotidienne
D’après la communication de G. Lip (Grande-Bretagne)
Dans la fibrillation atriale (FA) non valvulaire, les AOD sont préférables aux AVK à dose ajustée, car dans les études de phase III, ils ont été associés, d’une part, à des réductions du risque absolu d’AVC et, d’autre part, des saignements intracrâniens et de la mortalité(1). Mais, à condition de les utiliser correctement dans la vraie vie ! C’est-à-dire, en sélectionnant le patient approprié et en suivant rigoureusement les recommandations des sociétés savantes et le RCP (résumé des caractéristiques du produit) en provenance des firmes pharmaceutiques.
Une utilisation des anticoagulants de plus en plus fréquente, grâce aux AOD
L’arrivée des AOD sur le marché a certainement contribué à augmenter le nombre de patients en FA sous un traitement anticoagulant efficace, même si le registre GLORIA(1) (Huisman, ESC 2014) montre que 25 % des patients sont encore traités par de l’ASA seul. Cette augmentation est d’ailleurs directement à lier à l’avènement de ces nouvelles molécules, comme le montre le registre danois(2) dans lequel la proportion de l’introduction d’un traitement anticoagulant ne cesse de croître tous les ans en faveur des AOD vs les AVK depuis leur mise sur le marché en août 2011 (40 % sous dabigatran, 15 % sous rivaroxaban, 5 % sous apixaban, 40 % sous AVK).
De RE-LY à la vraie vie
Le Pr Lip est ensuite revenu sur les bénéfices cliniques prouvés par le dabigatran vs warfarine dans la prévention des AVC liés à la FA. Selon lui, l’expérience avec le dabigatran dans la « vraie vie » nous a procuré de nombreuses informations qui sont une garantie supplémentaire de l’efficacité et de la sécurité d’emploi de cet AOD, en accord avec l’étude pivot RE-LY.
Une nouvelle analyse effectuée par ce dernier sur les données de RE-LY a montré que les 2 dosages de dabigatran prescrit strictement selon son AMM, donc au plus proche de notre pratique quotidienne, permet à la fois de réduire significativement le nombre d’AVC/ES (-26 %), d’hémorragies majeures (-15 %) et la mortalité totale (-14 %) vs warfarine(3). La sécurité et l’efficacité du dabigatran ont d’ailleurs été confirmées ces 2 dernières années par de très nombreux registres dans la vraie vie incluant plus de 200 000 patients en FA.
Ainsi, outre-Atlantique, les données issues de la FDA (données de l’assurance maladie Medicare chez plus de 134 000 patients), celles issues du département de la Défense des États-Unis (chez plus de 25 000 patients) et celles issues des plus grandes sociétés d’assurance privées nord-américaines (chez plus de 40 000 patients) ont confirmé le profil bénéfice/risque favorable du dabigatran, corroborant les résultats de l’étude RE-LY(4) avec par exemple dans l’étude Medicare -20 % AVC ischémiques, -66 % HIC et -14 % mortalité sous dabigatran vs warfarine.
De même en Europe, le registre danois mené chez plus de 14 000 patients a confirmé les bénéfices du dabigatran avec des réductions significatives pour les 2 dosages de la mortalité, des hémorragies intracrâniennes, des embolies pulmonaires et des hospitalisations par rapport à la warfarine(5).
À noter que dans l’ensemble de ces registres réalisés chez plus de 200 000 patients, il y avait une incidence moindre du taux d’infarctus du myocarde chez les patients traités par dabigatran vs warfarine. Pour corroborer ce fait, le récent consensus de l’EHRA(6) (European Heart Rythm Association) paru dans l’European Heart Journal, sur la prise en charge des patients FA ayant un SCA stipule d’ailleurs que dans le cas de l’apparition d’un SCA chez les patients FA, il n’y a pas de raison de remplacer le dabigatran par un autre AOD. En cas d’association AOD+AAP (antiagrégants plaquettaires), les doses faibles des AOD doivent être envisagées.
Et à ce jour, d’après ce consensus d’experts présenté à l’ESC 2014, seul le dabigatran 110 mg a fait la preuve d’une réduction du risque hémorragique pour une efficacité sur la réduction d’AVC réellement comparable aux AVK, et ce quels que soient les profils et comorbidités des malades présentant un SCA (jeunes, vieux, insuffisants rénaux, etc.).
En conclusion, les données dans la « vraie vie » obtenues depuis 2 ans chez plus de 200 000 patients sont donc très rassurantes sur le dabigatran, cohérentes avec celles de l’étude RE-LY, avec une efficacité supérieure aux AVK tant sur la mortalité que sur les AVC et les saignements intracérébraux, et une sécurité d’emploi confirmée en termes d’hémorragies majeures et sur les IDM.
Comment améliorer l’éducation thérapeutique des patients
D’après la communication de P. Jourdain (Pontoise)
De façon générale, la mauvaise observance est à déplorer pour diverses classes médicamenteuses, avec un taux d’abandon assez précoce, dès la première année. À noter que l’observance en déclaratif par le patient est souvent surestimée.
Pour contrer la mauvaise observance, en particulier dans la FA, l’éducation thérapeutique, en plaçant le patient au centre de la prescription, est essentielle. La plupart des patients atteints de FA possèdent une connaissance très limitée de leur état cardiaque et de ses conséquences, et de la façon dont le traitement anticoagulant peut leur être bénéfique. Une étude pilote avait montré qu’au moins une brève intervention éducative avec remis d’une brochure d’information peut déjà améliorer quelque peu leurs connaissances à ce sujet(7).
Une bonne observance du traitement anticoagulant oral est cruciale pour atteindre les objectifs tant cliniques qu’économiques espérés avec ce traitement, mais cela doit être considéré comme un prérequis et non pas comme l’objectif ultime(8). L’éducation thérapeutique, selon l’OMS (1998), « devrait permettre aux patients d’acquérir et de conserver les capacités et les compétences qui les aident à vivre de manière optimale avec leur maladie… ». Elle a même été inscrite dans la Loi HPST. Un contrat éducatif est une étape préalable, avec une composante de sécurité concernant les limites à ne pas franchir et avec une démarche spécifique négociée.
Le but de la démarche n’est donc pas de donner des interdits mais de trouver des solutions. En permettant de responsabiliser le patient et de lui faire acquérir les bons réflexes face à son traitement anticoagulant, elle participe à la réduction de l’iatrogénie, et donc à la réduction des hémorragies graves ; ce qui a été prouvé récemment par un programme d’éducation thérapeutique pour la warfarine qui a permis de réduire la fréquence des saignements majeurs chez des patients âgés(9).
De même, l’auto-testing de l’INR, avec ou sans auto-gestion par le patient, a été associé à une réduction du nombre de décès et d’événements thromboemboliques, sans risque accru d’événements hémorragiques graves, chez des patients motivés(10).
Le temps « dépensé » à former les patients… nous économise donc du temps en fait ! L’éducation thérapeutique chez le sujet âgé est encore plus « rentable », surtout si les proches sont également formés, car ces patients âgés sont les plus à risque.
Un outil utile sous forme de jeu « sérieux » est disponible : la FA box. Il peut être utilisé en petits groupes de patients autour d’une infirmière formée au préalable ou être utilisé seul par le praticien lors d’une consultation. Au-delà de l’information transmise, ce qui compte c’est de faire devenir le patient acteur de la gestion de son traitement et de lui faire acquérir les bonnes réactions en cas de difficulté.
Protection des patients en fibrillation atriale
D’après la communication de O. Hanon (Paris)
Les AOD ont un profil bénéfice/risque favorable dans la FA selon une métaanalyse avec les études pivots des 4 AOD, avec une réduction significative des AVC (-21 %), des hémorragies intracrâniennes (-52 %) et de la mortalité totale (-10 %) ; avec un taux de saignements majeurs proche de celui de la warfarine, mais un taux de saignements gastro- intestinaux plus élevé (+25 %) dont la gravité est moindre par rapport aux hémorragies intracrâniennes. Ces ratios d’efficacité et de sécurité ont été cohérents chez un large éventail de patients(11). Mais qu’en est-il chez le sujet de plus de 75 ans ?
Dans l’étude menée par la FDA sur la population de l’assurance maladie Medicare (134 000 patients ≥ 65 ans dont 21 308 patients d’âge ≥ 85 ans), le dabigatran a démontré dans des conditions réelles d’utilisation une réduction significative des AVC ischémiques (-20 %), de la mortalité (-14 %) et des HIC (-66 %). Il est à noter que la diminution du risque d’hémorragie intracérébrale avec le dabigatran est encore plus marquée chez les patients de plus de 75 ans (HR = 0,10 vs HR = 1,00 pour celui < 75 ans)(12), qui sont pourtant les patients ayant le plus haut risque d’hémorragies intracérébrales.
De même, en France, dans leur étude NACORA parue en 2014, la CNAM et l’ANSM ont voulu évaluer en vie réelle le rapport bénéfice/risque à court terme des deux AOD (dabigatran et rivaroxaban) mis à disposition sur le marché. Ainsi, chez 71 589 patients (âge moyen 73,3 ans) débutant leur traitement par l’un des deux AOD et non traités auparavant par un AVK, l’incidence des hémorragies majeures a été significativement réduite de 32 % sous dabigatran par rapport à la warfarine (HR = 0,68 ; IC95 % : 0,52-0,89), de même que l’incidence des hémorragies majeures ou décès toutes causes (-18 % ; IC95 % : 0,70-0,95). À noter que ces résultats favorables n’ont pas été retrouvés avec le rivaroxaban (respectivement, HR = 0,95 ; IC95 % : 0,73-1,24 et HR = 0,87 ; IC95 % : 0,73-1,04).
Dans une autre étude française NACORA-Switch (2014), chez des patients en FA avec un relais AVK/AOD, l’incidence des décès a été moindre dans le groupe « switché vers un AOD » (0,6 % vs 0,8 % ; p = 0,04). Par ailleurs, dans NACORA et NACORASwitch, il n’y avait pas de différence significative sur les IDM entre le dabigatran et la warfarine.
Enfin, il est à noter que dans l’étude « ge_OD » chez les patients très âgées (âge moyen 86 ans), les saignements majeurs n’ont pas été plus fréquents sous dabigatran que sous warfarine (Hanon, JASFGG 2014). Un registre, SAFIR, dédié à la FA de patients de plus de 80 ans est d’ailleurs en cours en France.
Pour obtenir ces bénéfices, il est important de respecter quelques règles fondamentales sur la fonction rénale et les fonctions cognitives. Ainsi, l’ANSM préconise une évaluation systématique de la clairance de la créatinine selon Cockroft-Gault avant la mise en route du traitement (contre-indication aux AOD < 30 ml/min), avec des réévaluations régulières en fonction du statut rénal du patient, en cas de détérioration avérée ou suspectée (déshydratation, vomissements, diarrhées, hémorragie, etc.) et tous les 3 ou 4 mois chez les plus de 75 ans. Ce rappel est nécessaire car près de 10 % des patients ≥ 80 ans étaient sans surveillance de leur fonction rénale dans une étude menée par l’ANSM ! La formule de Cockroft doit être la seule utilisée puisque c’est celle qui a été validée dans les études (le MDRD surestimant la fonction rénale chez ces patients).
Pour augmenter l’observance chez le sujet âgé (qui est de 38 % à 1 an sous AVK), le Pr Hanon propose en outre d’évaluer les fonctions cognitives par le MIS (test bref de rappel libre d’une série de 4 mots), d’éduquer le patient et son accompagnant et d’utiliser un pilulier. Il faut noter que la persistance sous dabigatran est supérieure à celle sous warfarine, aussi bien à 6 mois (72 % vs 53 %) et à 1 an (63 % vs 39 %) et dans chaque cohorte, la persistance était plus élevée chez les patients à plus haut risque d’AVC(13).
En conclusion, pour les orateurs, les AOD doivent être préférés aux AVK, surtout chez les sujets âgés, le choix du traitement devant être adapté au patient suivant les recommandations. Les différentes études réalisées dans la « vraie vie » avec le dabigatran chez plus de 200 000 patients depuis 2 ans montrent des données rassurantes en termes d’efficacité et de sécurité, cohérentes à celles de l’étude RE-LY. Un palier supplémentaire devrait être franchi très prochainement avec l’arrivée de l’antidote du dabigatran, l’idarucizumab, qui est actuellement évalué dans l’étude de phase III RE-VERSE-AD dans 40 pays dont la France.
P. ATTALI
D’après G. Lip, P. Jourdain et O. Hanon lors d’un symposium présidé par A. COHEN et J.-Y. LE HEUZEY (Paris) avec le concours de Boehringer Ingelheim JESFC, 14-17 janvier 2015, Paris
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