Congrès et symposiums
Publié le 15 oct 2023Lecture 5 min
Maladies cardiovasculaires athérosclérotiques : encore plus loin !
Les statines puis les inhibiteurs de PCSK9 ont constitué une avancée majeure pour réduire le risque de maladie cardiovasculaire athérosclérotique. Il demeure cependant un risque résiduel malgré l’obtention de taux de LDL-cholestérol très bas. Cela explique l’intérêt porté aux triglycérides (TG) qui participent à la formation des particules apoB. Les études épidémiologiques ont montré que les TG sont associés au risque cardiovasculaire et constituent un facteur indépendant de risque cardiovasculaire. L’échec des fibrates s’explique par le fait qu’ils modifient le profil des particules riches en TG vers des particules encore plus athérogènes. A contrario, le traitement par icosapent-éthyl cible plusieurs paramètres du risque cardiovasculaire au-delà des TG.
L'étude REDUCE-IT a montré des bénéfices cliniques du traitement par icosapent-éthyl (IPE), qui paraissent indépendant de la baisse des TG, très inférieure à celle observée sous traitement par un fibrate (réduction des TG de 39 mg/dL comparativement à -84 mg/dL sous pémafibrate)(1). En outre, le bénéfice de l’IPE est indépendant du niveau des TG. La diminution des TG ne devrait pas constituer une cible pour la réduction du risque CV. On doit y substituer comme cible les lipoprotéines riches en TG et les TG, c’est-à-dire les apoB. L’objectif final doit être la réduction des bêta-lipoprotéines comprenant le C-LDL et le cholestérol des lipoprotéines riches en cholestérol.
Perspectives thérapeutiques
Il y a 10 ans étaient publiés les résultats d’une méta-analyse qui ne montrait aucun bénéfice significatif des oméga-3 sur le risque cardiovasculaire(2). Les doses et la composition des oméga-3 étaient assez hétérogènes, de même que les patients inclus dans les études, notamment en termes d’hyperTG. En revanche, l’étude japonaise JELIS, incluant plus de 18 000 patients avec un cholestérol total ≥ 6,5 mmol/L, recevant soit 1,9 g d’ac. eicosapentaénoïque soit le traitement habituel, avait montré une réduction de près de 20 % des événements coronariens en prévention primaire ou secondaire(3).
Les bénéfices démontrés par l’étude japonaise ont conduit à proposer l’étude REDUCE-IT chez des patients ayant une maladie cardiovasculaire établie ou des facteurs de risque tels qu’un diabète de type 2, une hypertriglycéridémie (1,35-4,99 g/L) et une hypercholestérolémie (LDL-C 1, 06-2,59 g/L)(1). Les patients ont été assignés par randomisation entre un traitement par icosapent-éthyl (IPE) 4 g/j ou un placebo. Au terme d’un suivi médian de 4,9 ans, les résultats de REDUCE-IT sont impressionnants : réduction de 25 % (HR = 0,75 ; IC : 0,68-0,83, p < 0,0000001) des événements cardiovasculaires majeurs (décès cardiovasculaire, IDM, AVC, revascularisation coronaire, angor instable) et de 26 % (IC : 0,65- 0,83) du critère secondaire (décès cardiovasculaires, IDM, AVC). En outre, la quasi-totalité des critères secondaires ont été significativement améliorés, en particulier la mortalité cardiovasculaire de 20 %. Les bénéfices du traitement sont retrouvés dans tous les sous-groupes.
Le principal effet indésirable du traitement par IPE est un risque modéré de saignements (11,8 % vs 9,9 % sous placebo), principalement gastro-intestinaux, mais il n’y a pas d’augmentation du risque d’hémorragie intracrânienne. Le deuxième signal de sécurité d’emploi concerne la survenue de troubles du rythme cardiaque, fibrillation atriale/flutter atrial, sans conséquences majeures. L’analyse récente d’un sous- groupe de REDUCE-IT mérite d’être mentionnée(4). Chez les patients ayant un antécédent de syndrome coronarien aigu datant de < 12 mois, le bénéfice du traitement par IPE est encore plus important : soit une réduction de 37 % du délai au premier événement versus placebo (IC : 0,48- 0,84 ; p = 0,002) et une réduction du risque absolue de 9,3 %. Le risque de FA/flutter est augmenté mais pas le risque de saignement majeur, y compris chez les patients recevant une bithérapie antiplaquettaire.
Les résultats préliminaires d’un deuxième essai japonais, RESPECT-EPA ont été présentés au congrès AHA en 2022. Il concerne des patients à haut risque cardiovasculaire randomisés sur la base du ratio EPA/AA (ac. eicosapentaénoïque/acide arachidonique) :
– EPA/AA < 0,4 : IPE 1,8 g/j + statine versus statine ;
– EPA/AA ≥ 0,4 : statine
À 8 ans de suivi, le risque d’événement cardiovasculaire majeur reste diminué de 22 % (HR : 0,785 ; IC : 0,616-1,001 ; p = 0,0547).
Si l’on compare les résultats des grands essais des oméga-3, il apparaît que les résultats favorables au traitement ont été obtenus uniquement dans les essais ayant évalué de fortes doses d’EPA, JELIS, RESPECT EPA et REDUCE-IT. Le bénéfice observé dans l’essai REDUCE-IT n’est pas corrélé au taux de TG, mais au taux sérique d’EPA sous traitement. Une analyse secondaire de l’essai OMEMI conforte cette corrélation(5).
Comment intégrer l’IPE dans les stratégies de réduction du risque cardiovasculaire
Le traitement par statine ± ézétimibe diminue le risque d’événements cardiovasculaires mais un risque résiduel demeure, lié à l’augmentation des triglycérides, de la Lp(a), du non-HDL-cholestérol, à l’hyperglycémie et/ou à d’autres facteurs de risque.
Dans une perspective de réduction du risque, il faut s’intéresser à la prévention primaire chez les sujets à haut risque et considérer que les patients diabétiques de type 2 en font partie. L’hypertriglycéridémie, même modérée (> 1 g/L), est toujours associée à une augmentation des lipoprotéines athérogènes. L’important est de ne pas se focaliser sur un seul marqueurs du risque.
Dans l’étude REDUCE-IT, le traitement par IPE a montré une réduction significative (p < 0,0001) de plusieurs paramètres métaboliques, au-delà de la réduction des TG et de l’augmentation des taux d’EPA, notamment une diminution des taux d’Apo B et de la CRPus.
Ainsi, les guidelines AHA/ACC/ ACCP/ASPC/NLA/PCNA 2023 considèrent que la prescription d’IPE est recommandée chez les patients coronariens à haut risque sous traitement par statine à forte dose + ézétimibe lorsque le taux de triglycérides reste élevé, entre 1,50 à 4,99 g/L.
Conclusion
Les triglycérides sont un marqueurs du risque cardiovasculaire, dès une augmentation des concentrations au-delà de 1 g/L.
Les essais cliniques où seuls les triglycérides étaient abaissés n’ont pas montré de bénéfices sur les événements cardiovasculaires. En revanche, une amélioration du pronostic cardiovasculaire est observée lorsque la baisse des triglycérides est associée à celle de l’ApoB.
Considérant les bénéfices démontrés par l’icosapent-éthyl au-delà de l’abaissement des triglycérides, cette thérapeutique devrait être considérée comme un agent utile pour réduire le risque cardiovasculaire global.
D’après un symposium PACE-CME avec la participation de P. Libby, E. Stroes, P.G. Steg et P. Taub
ESC 2023
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