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Diabéto-Cardio

Publié le 14 juin 2015Lecture 6 min

Effets cardiovasculaires des antidiabétiques oraux

A. SULTAN, Département Endocrinologie, Diabète, Nutrition, CHU Lapeyronie, Montpellier ; Université de Montpellier

Printemps de la cardiologie

Entre 1990 et 2010 aux États-Unis, le nombre d’infarctus du myocarde chez les diabétiques a régressé de près de 70 % et celui des AVC de plus de 50 %. Mais deux constats viennent ternir l’enthousiasme à l’égard de la prise en charge du diabète. Le premier est que les complications cardiovasculaires restent la première cause de décès dans cette population. Le second est qu’aucun traitement du diabète, n’a, à ce jour, montré un impact bénéfique sur le risque cardiovasculaire dans un essai prospectif randomisé de grande envergure. Ainsi, l’impact éventuel des hypoglycémiants oraux sur le risque coronarien ne peut être ignoré par le clinicien. Au-delà de la polémique sur la question du bénéfice cardiovasculaire conféré par un contrôle glycémique strict dans le diabète de type 2, il demeure important d’évaluer les effets cardiovasculaires de chaque classe d’antidiabétique afin d’orienter au mieux la stratégie thérapeutique. 

Certains médicaments ont été accusés d’avoir un effet délétère sur le risque cardiovasculaire. Ce débat est ancien, datant d’environ 35 ans, et remonte à l’étude UGDP (University Group Diabetes Program) qui avait semé le doute sur l’innocuité des sulfamides hypoglycémiants. Cette étude comportait cependant des erreurs méthodologiques importantes. Quelques années plus tard, ce sont les glitazones qui ont été accusées d’induire une augmentation du risque cardiovasculaire… Il est désormais logique de s’assurer de la sécurité cardiovasculaire des nouveaux antidiabétiques oraux…   La metformine   La metformine représente l’anti - diabétique pour lequel le niveau de preuves sur le bénéfice cardiovasculaire est le plus élevé. En outre, il s’agit de l’antidiabétique de référence dans ce domaine et avec lequel, depuis l’étude UKPDS, tous les autres antidiabétiques sont comparés. Il faut cependant noter que dans l’étude UKPDS, le bénéfice vasculaire de la metformine n’a été démontré que dans un sous-groupe peu important de 342 diabétiques de type 2 avec surpoids ou obésité. Comparativement aux patients traités par régime seul puis par sulfamides hypoglycémiants ou insuline, l’utilisation de la metformine en monothérapie était associée à une diminution significative du risque de mortalité totale (-36 %) et d’infarctus du myocarde (-39 %)(1). Cette étude a conduit à recommander de manière systématique la prescription de metformine chez les patients diabétiques de type 2 avec surpoids ou obésité. Le suivi à 10 ans des patients de l’UKPDS est venu renforcer ces recommandations. Ainsi, l’utilisation de la metformine pendant la durée de l’UKPDS était associée à une diminution significative du risque de mortalité toutes causes de 27 % et d’infarctus du myocarde de 33 %, 10 ans après, à niveau d’HbA1c comparable(2). Certains diront que l’UKPDS est déjà une « vieille » étude… Les résultats seraient-ils identiques en 2015 ? Suite à l’UKPDS, de nombreuses études rétrospectives à partir de grands registres ont confirmé le bénéfice cardiovasculaire sous metformine. La réduction a été le plus souvent observée versus sulfamides seuls(3,4). À titre d’exemple, le registre REACH retrouve une réduction de 24 % du risque relatif de mortalité toutes causes confondues, chez les patients sous metformine, après ajustement sur l’âge, le sexe, et plusieurs facteurs confondants éventuels. Ce bénéfice significatif a également été observé chez les diabétiques de type 2 présentant une insuffisance cardiaque et chez ceux avec une insuffisance rénale, cette dernière étant classiquement considérée comme une contre-indication à la metformine(5).   Les sulfamides hypoglycémiants   Dans l’étude UKPDS, aucune différence en termes d’incidence d’infarctus du myocarde ou de mort subite n’a été observée entre les patients traités par sulfamides hypoglycémiants et ceux traités par insuline(6). Cependant, l’analyse des bénéfices de chaque traitement hypoglycémiant est difficile, puisque au moins la moitié des patients ont eu une modification de leur traitement au cours de l’essai. Plusieurs études d’observation ont cependant montré une augmentation du risque de mortalité cardiovasculaire sous sulfamides par rapport à la metformine seule(3,7). Il semble cependant exister un effet molécule au sein de cette famille qui pourrait entre autres s’expliquer par la sélectivité pancréatique de l’action de certains sulfamides (liaison au récepteur SUR1), alors que d’autres molécules sont susceptibles de se lier également à SUR2, exprimé sur le myocarde(3,7). Ainsi, la liaison sulfamide à SUR2 entraîne l’ouverture du canal K-ATP-dépendant, associée à une diminution du préconditionnement ischémique. Il faut également rappeler le potentiel risque hypoglycémique associé à cette classe thérapeutique, hypoglycémie potentiellement associée au risque cardiovasculaire… Les données de l’essai randomisé prospectif ADVANCE ont montré qu’une stratégie de contrôle intensif de la glycémie fondée sur le gliclazide (sulfamide spécifique de SUR1) n’était pas associée à une réduction du risque cardiovasculaire après 5 ans, ni à une augmentation du risque(8)… Ces résultats sont concordants avec les études d’observation utilisant le glicazide. L’étude de suivi à 5 ans, « ADVANCE-ON », n’a pas montré de réduction du risque cardiovasculaire(9).   Autres antidiabétiques oraux   Depuis « l’histoire » de la rosiglitazone, la FDA a rapidement réagi en imposant aux nouveaux antidiabétiques de faire la preuve de leur innocuité à l’égard du risque cardiovasculaire. Ainsi, depuis 2008, de grands essais cliniques de sécurité (en non-infériorité) ont donc été conçus avec les nouvelles classes d’antidiabétiques. Plusieurs questions méritent d’être posées : quelle différence de morbi-mortalité doit-on accepter pour poser le critère de non-infériorité ? La FDA a finalement tranché pour 30 %. Pourquoi chercher à démontrer la non-infériorité plutôt que le bénéfice cardiovasculaire ? Faisabilité des études, en termes de nombre de sujets nécessaires, de durée de suivi ? Arguments financiers ? Ou autres ? À ce stade, deux inhibiteurs des DPP4 ont ouvert le bal : la saxagliptine avec SAVOR TIMI 53(10) et l’alogliptine avec l’essai EXAMINE(11). Les deux satisfont leur critère primaire prédéfini de sécurité à l’égard du risque cardiovasculaire. Malheureusement, ni la saxagliptine ni l’alogliptine n’ont réduit l’incidence des événements cardiovasculaires. Une augmentation de 27 % du risque relatif d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque est même observée sous saxagliptine par rapport au placebo, ce qui a conduit la FDA à demander des données complémentaires aux fabricants BMS, AstraZeneca et aux investigateurs à rechercher des facteurs de risque. Chez les patients combinant un antécédent de décompensation cardiaque, une insuffisance rénale et un BNP élevé, la saxagliptine majore effectivement le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Ces résultats récemment présentés ont conduit les experts à recommander la prudence chez certains patients. Cependant, l’interprétation des résultats de ces deux dernières études est difficile : y a-t-il un effet molécule au sein de cette famille ? Les résultats sont-ils liés au hasard ? Les prochains résultats de l’essai TECOS avec la sitagliptine devraient permettre d’en savoir plus sur la sécurité cardiovasculaire des gliptines. On attend également les preuves de la sécurité cardiovasculaire des agonistes GLP1 et des gliflozines. Avec cette dernière famille d’antidiabétiques qui réduit la pression artérielle et le poids, on est en droit d’espérer un effet préventif cardiovasculaire.   En conclusion, le débat est ouvert… et nous ne sommes pas près de conclure.   En termes de bénéfice cardiovasculaire, la metformine semble l’emporter devant la concordance des multiples études d’observation et des données de l’UKPDS. Faut-il se méfier des sulfamides ? On privilégiera les sulfamides de courte durée d’action, exposant moins les patients au risque hypoglycémique et d’action sélective au niveau du pancréas. L’effet cardiovasculaire des inhibiteurs des DPP4 sera précisé par les résultats imminents de l’étude TECOS. Pour les autres nouvelles classes, nous attendons les données… À suivre !   La 10e édition du Printemps de la Cardiologie s’est déroulée les 2 et 3 avril 2015 à Toulouse, sous l’égide du Groupe de réflexion sur la recherche cardiovasculaire (GRRC), filiale de la Société française de cardiologie. Ce congrès était coprésidé par Frank Lezoualc’h (Inserm 1048, Université Paul Sabatier, CHU de Toulouse) et Atul Pathak. Le Printemps de la Cardiologie a été créé à l’initiative du Pr Jacques Puel du CHU de Toulouse, premier médecin au monde à poser un stent sur l’homme en 1986. Les congressistes lui rendent hommage à chaque édition lors d’une conférence qui porte son nom. Le Printemps de la Cardiologie est un lieu privilégié pour favoriser l’expression de la recherche clinique et fondamentale cardiovasculaire et soutenir l’émergence de jeunes scientifiques et médecins intéressés par le « cardiovasculaire ». C’est dans le cadre de ce congrès qu’a été traité ce sujet par Ariane Sultan.

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