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Cardiologie générale

Publié le 31 déc 2015Lecture 7 min

Péricardites aiguës : les recommandations européennes 2015 - Des modalités de prise en charge enfin claires et justifiées

P. MEURIN, Les Grands Prés, Centre de réadaptation cardiaque de la Brie, Villeneuve-Saint-Denis

La rareté relative des maladies du péricarde a longtemps justifié l’absence de recherche clinique, et finalement une prise en charge empirique. Mais des travaux récents, et en particulier la conduite d’études randomisées, ont transformé nos connaissances concernant le péricarde en général, et les péricardites aiguës en particulier. Ceci a rendu nécessaire l’écriture de nouvelles recommandations européennes, qui ont été présentées et publiées en août 2015. En s’y référant, on peut répondre aux questions que se pose habituellement le praticien : quels risques à court et à long terme ? Faut-il rechercher une cause ? Comment traiter ? Combien de temps ? 

Quel patient hospitaliser ?   En France, pays où la prévalence de la tuberculose est faible, la plupart des péricardites aiguës sont « idiopathiques » ou virales, et leur évolution immédiate est quasiment toujours bénigne, le risque évolutif principal étant représenté par la récidive. Si on hospitalise un patient présentant une suspicion de péricardite aiguë c’est parce qu’on a peur d’une évolution rapidement défavorable (tamponnade ?) et/ou parce qu’on suspecte une étiologie inhabituelle. Or, on a pu individualiser des facteurs prédictifs communs pour ces deux risques. Il s’agit en particulier de l’existence d’une fièvre importante, d’un épanchement péricardique abondant, d’un début subaigu de la maladie et d’une mauvaise réponse au traitement anti-inflammatoire (tableau 1). Il est recommandé d’hospitaliser les patients porteurs d’au moins un de ces facteurs pour surveillance et bilan étiologique. En pratique, ils représentent moins de 10 % des patients souffrant d’une péricardite aiguë typique. Quel traitement ? Combien de temps ?   L’étude ICAP a été publiée dans le New England Journal of Medicine en 2013. Il s’agissait d’une étude prospective et multicentrique incluant 240 patients souffrant d’un premier épisode de péricardite aiguë : c’est un effectif impressionnant à l’échelle de cette pathologie. Les auteurs comparaient l’efficacité d’une association antiinflammatoire non stéroïdien (AINS) + colchicine à une monothérapie par AINS. Les résultats ont été spectaculairement en faveur de la bithérapie : division par 2 du risque de persistance des symptômes à la 72e heure (20 % versus 40 %) et du risque de récidive à 18 mois (10 % versus 20 %). Par ailleurs, le taux d’hospitalisations était divisé par 3 (5 % versus 15 %). Ces résultats confirment ceux de l’étude COPE (qui était une étude préliminaire réalisée en ouvert) en ce qui concerne les premiers épisodes de péricardite et viennent s’ajouter aux études CORE, CORP et CORP-2(6) qui ont démontré l’efficacité de la colchicine pour traiter les péricardites récidivantes. Le traitement d’une péricardite aiguë repose donc aujourd’hui systématiquement sur l’association d’un AINS ou d’aspirine pendant 4 à 8 semaines avec de la colchicine pendant 3 mois (tableau 2). La colchicine est un vieux médicament, longtemps perçu comme un produit anodin. En fait, il s’agit d’un poison du fuseau : elle se fixe aux microtubules (liaison à la tubuline, protéine ubiquitaire) empêchant ainsi leur polymérisation et bloquant la mitose en métaphase. Elle a une concentration très élevée dans les globules blancs, ce qui modifierait plusieurs de leurs fonctions (chimiotactisme, phagocytose, dégranulation, etc.) et serait responsable de son effet anti-inflammatoire. Mais, ce mécanisme d’action particulier, s’il explique l’efficacité du produit, peut aussi entraîner une toxicité multiviscérale en cas de surdosage, assez fréquent dans le traitement de la goutte en raison d’une fenêtre thérapeutique étroite. À ce propos, l’ANSM a publié deux mises en garde en 2011 et 2013. Il faut en particulier éviter d’associer la colchicine aux inhibiteurs du cytochrome P450-A4 (macrolides, antifungiques imidazolés, isoniazide, vérapamil, certains anti- HIV, etc.) ainsi qu’à la ciclosporine, et éviter de l’administrer aux insuffisants rénaux et hépatiques graves. Il faut aussi bien comprendre que la diarrhée n’est pas un effet indésirable inéluctable mais que c’est le premier signe de surdosage. Sa survenue doit donc absolument faire baisser la posologie et parfois stopper le traitement. Les véritables intoxications aiguës sont rares en France (plus fréquentes dans les pays méditerranéens où le produit est plus largement distribué dans le cadre du traitement chronique de la maladie périodique) mais sont graves. Elles associent des atteintes neurologiques (convulsions…), digestives (diarrhées, vomissements…), cardiaques (choc cardiogénique), hématologiques (toxicité médullaire entraînant leucopénie et thrombopénie). Néanmoins, dans le cadre du traitement de la péricardite aiguë, le risque de surdosage est très modeste en raison de la faiblesse des posologies utilisées (0,5 à 1 mg/j).   Les corticoïdes et immunosuppresseurs : une place la plus petite possible Il est bien démontré qu’une corticothérapie favorise le risque de récidives et de passage à la chronicité ; on doit donc éviter sa prescription dans l’immense majorité des cas. En première ligne, une corticothérapie n’est conseillée (en association à la colchicine) qu’en cas de très rare contre-indication à l’aspirine et aux AINS. La dose de corticoïdes doit alors être faible : 0,2 à 0,5 mg/kg/j de prednisone. Cette dose initiale est maintenue jusqu’à disparition des symptômes et normalisation de la CRP. On peut ensuite réduire progressivement les doses mais le processus de sevrage devra être extrêmement long : entre 25 et 50 mg/j, on réduira la posologie de 5 à 10 mg toutes les 1 à 2 semaines. Ensuite, lorsqu’on arrive 15 mg/j, on conseille de réduire encore plus lentement la dose de 1 à 2,5 mg toutes les 2 à 6 semaines : en effet, il s’agit d’un seuil critique de risque de récidive. Chaque baisse de dose ne pourra être réalisée qu’après avoir vérifié l’absence de symptômes et la normalité de la CRP. En deuxième ligne, c’est-à-dire en cas d’échec du traitement par AINS + colchicine, les corticoïdes doivent être utilisés (en association avec la bithérapie précitée) en utilisant les mêmes posologies et précautions que celles détaillées cidessus (sans oublier l’adjonction d’un inhibiteur de la pompe à protons pour protection gastrique). Exceptionnellement, en cas de péricardite « incessante » ou résistante à un traitement bien conduit, des équipes spécialisées pourront proposer un traitement immunosuppresseur (azathioprine, immunoglobulines), et même une péricardiectomie.   Quelle recherche étiologique ? Quel bilan ? Le bilan initial comporte systématiquement (recommandation de grade I) ECG, échocardiographie, radio de thorax, dosage de troponine (nécessaire mais qui peut introduire un doute diagnostique différentiel avec un infarctus si ce dosage est anormal dans le cadre d’une myopéricardite…) et de la CRP. Une NFS-plaquettes et une créatininémie sont aussi souhaitables. En ce qui concerne la recherche d’une étiologie, dans les pays développés, on estime que les 3 grandes étiologies dont le diagnostic est utile (car modifiant la prise en charge) sont la tuberculose, le cancer et les maladies auto-immunes. Elles représentent chacune environ 5 % des péricardites. Chacune d’entre elles a une présentation clinique différente : par exemple, existence d’un épanchement moyen à abondant et efficacité incomplète de la bithérapie AINS + colchicine pour les cancers et la tuberculose, maladie le plus souvent déjà connue pour les maladies auto-immunes… En France, dans la grande majorité des cas, en l’absence des facteurs péjoratifs détaillés au tableau 1, une recherche étiologique est donc inutile dans un premier temps, à l’exception, peut-être, d’une sérologie HIV et de l’hépatite C. En revanche, il est utile de revoir au 7e jour puis à 1, 3 et 6 mois, pour vérifier l’absence de symptômes, la normalité de la CRP et de l’échographie, organiser le sevrage en AINS et colchicine. Toute anomalie détectée dans ce cadre pourra justifier un bilan étiologique plus complet.   Une nouvelle entité : la constriction transitoire postpéricardite aiguë La description et le traitement de la constriction péricardique ne sont pas dans le champ de cet article. L’évolution vers une constriction péricardique est exceptionnelle (< 1 %) après une péricardite aiguë banale, plus fréquente (2-5 %) après une péricardite auto-immune ou cancéreuse et très fréquente (20 %) après une péricardite tuberculeuse. Il est intéressant d’insister sur l’existence des constrictions transitoires (rares) après péricardite aiguë : en effet, la prolongation du traitement antiinflammatoire peut les guérir et éviter à ces patients une chirurgie imméritée.   Les pathologies du péricarde après chirurgie cardiaque : le plus souvent, surveillance échographique et pas de traitement médicamenteux   En postopératoire, les épanchements péricardiques sont banals (20 à 50 % des patients en fonction du délai de l’échographie réalisée). Ils sont asymptomatiques (ce ne sont donc pas des péricardites mais bien des épanchements péricardiques) mais peuvent se compliquer, parfois brutalement, d’une tamponnade. La difficulté n’est donc pas de ne drainer que les patients qui en ont besoin, mais tous les patients qui en ont besoin : au moment où l’épanchement devient échographiquement très abondant et/ou compressif, si possible avant l’apparition de symptômes. Le « traitement médical» repose donc uniquement sur une surveillance armée, idéalement en centre de réadaptation cardiaque. Très logiquement, puisqu’il ne s’agit pas de péricardites aiguës, comme cela a été démontré par 2 études prospectives multicentriques prospectives randomisées initiées par l’équipe des Grands Prés et présentées en hotline à l’AHA (étude POPE en 2009) et à l’ESC (étude POPE-2 en 2014), les traitements médicamenteux par AINS ou colchicine sont tout à fait inutiles. En revanche, les très rares syndromes post-péricardiotomie (moins de 1 % des patients en postopératoire) sont de véritables péricardites aiguës : ils surviennent en général plusieurs semaines après la chirurgie et ressemblent en tous points au syndrome de Dressler postinfarctus du myocarde. Ils associent douleur, fièvre, syndrome inflammatoire, etc. et doivent être traités comme une péricardite aiguë par colchicine + aspirine (voire colchicine seule sur terrain fragile et/ou traitement anticoagulant associé).    En pratique    Tout épanchement péricardique n’est pas forcément une péricardite aiguë et toute péricardite aiguë ne s’accompagne pas forcément d’un épanchement péricardique. Toute péricardite aiguë doit être traitée par une bithérapie associant un AINS ou de l’aspirine (pendant 1 à 2 mois, avec réduction progressive des doses) et de la colchicine (pendant 3 mois). En l’absence de facteur péjoratif ou d’évolution défavorable, une hospitalisation est inutile. Un suivi régulier est nécessaire pendant 6 mois (clinique, CRP, écho) au moins. En l’absence de facteur péjoratif ou d’évolution défavorable, un bilan étiologique est inutile.

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