Publié le 14 jan 2016Lecture 5 min
« Dans l’insuffisance cardiaque, les hospitalisations trop courtes sont responsables des réhospitalisations »
Un entretien avec Alain Cohen-Solal, Hôpital Lariboisière, Paris
Entretien
Cardiologie Pratique. Après une hospitalisation, 25 % des patients insuffisants cardiaques sont réhospitalisés dans le mois qui suit. À quoi est-ce dû ?
A. COHEN-SOLAL. Si ces patients sont réhospitalisés, c’est parfois pour une arythmie ou une insuffisance rénale mais dans la très grande majorité des cas, c’est pour une rechute de l’insuffisance cardiaque. La responsabilité revient sans doute à notre système de santé qui privilégie une hospitalisation courte avec une sortie précoce. Au cours de cette hospitalisation, nous n’avons pas eu le temps d’optimiser la stratégie de traitement et le mode de suivi du patient. Aussi, quand le patient quitte l’hôpital, soit il ne bénéficie pas du traitement optimal, soit il est « surtraité », soit la sortie a été mal programmée en ce qui concerne le suivi en ville.
C. P. Y a-t-il un lien entre la fonction ventriculaire de ces patients et la réhospitalisation ?
A. C.-S. Une des causes de la réhospitalisation est que lors de la première hospitalisation nous n’avons pas eu le temps d’optimiser la fonction cardiaque. Ainsi, l’optimisation de la balance sodée est très importante et elle est insuffisante. De même qu’une première hospitalisation courte ne permet pas d’adapter les posologies d’IEC, de bêtabloquants, etc. de la meilleure façon possible ! Nous nous trouvons dans une situation où, lors des hospitalisations brèves, le patient quitte l’hôpital alors qu’il reste des choses à faire pour optimiser au mieux sa fonction cardiaque.
C. P. Quelles sont les molécules qui ont fait leur preuve dans l’amélioration de la fonction ventriculaire ?
A. C.-S. Nous disposons d’abord et avant tout des IEC, vasodilatateurs qui améliorent la performance en diminuant les pressions de remplissage et en augmentant la fraction d’éjection et le débit cardiaque. Les ARA II ont une action similaire. Nous disposons des bêtabloquants qui améliorent également la fonction cardiaque. En ce qui concerne les bêtabloquants, soit il s’agit d’un traitement préexistant à l’hospitalisation et il faut augmenter leur posologie, soit, s’ils ne sont pas présents avant l’hospitalisation, il faut les introduire en sachant que les premiers jours leur efficacité est loin d’être manifeste et qu’ils ne sont vraiment actifs qu’après quelques semaines (4 à 6). Nous disposons, enfin, de la digoxine, très peu utilisée et surtout de l’ivabradine. Il s’agit d’un médicament qui ralentit la fréquence cardiaque, qui a un effet bénéfique sur le couplage ventriculo-artériel, qui diminue les pressions de remplissage et améliore le débit cardiaque. Enfin, nous disposons des diurétiques et antialdostérones qui ont un effet bénéfique sur l’hémodynamique cardiaque par l’intermédiaire de la volémie.
C. P. Bien utilisées, les différentes classes thérapeutiques que vous venez d’évoquer doivent réduire la fréquence des réhospitalisations.
A. C.-S. Oui c’est le cas et c’est démontré pour les IEC. De même pour les diurétiques. Pour les bêtabloquants, comme je vous l’ai dit, c’est également démontré mais avec un temps de latence. L’effet bénéfique n’est pas immédiat sur l’insuffisance cardiaque mais il est très précoce en ce qui concerne les troubles du rythme et la mort subite. Enfin, l’intérêt de l’ivabradine sur la réduction des réhospitalisations a également été démontré avec un effet précoce dès le premier mois.
C. P. Peut-on administrer l’ivabradine à un patient stable chez qui on est en train de titrer le bêtabloquant ?
A. C.-S. C’est une question importante. La règle de base est l’utilisation des bêtabloquants à une dose optimale. Soit il est possible d’augmenter assez rapidement la dose de bêtabloquants et le problème est résolu, soit il existe une contre-indication aux bêtabloquants, une intolérance ou une difficulté à augmenter la posologie car la sévérité de la pathologie nécessite un temps assez long pour cette augmentation. Dans ces cas-là, l’ivabradine a toute sa place en association avec les bêtabloquants pour permettre d’améliorer l’hémodynamique et pouvoir ainsi titrer plus facilement les bêtabloquants.
C. P. Que peut-on faire d’autre pour réduire la fréquence des réhospitalisations ?
A. C.-S. Nous avons donc vu l’optimisation médicamenteuse, il faut ainsi s’assurer qu’avant la sortie de l’hôpital le maximum a été fait sur le plan thérapeutique. On travaille actuellement sur une sorte de « check-list » avant sortie. Enfin, il faut insister sur le bénéfice qu’il y a à bien organiser la sortie du patient avec une excellente coordination entre l’hôpital, les professionnels de santé en ville et le patient afin que ce dernier ne se trouve pas « lâché dans la nature ». Il faut que, au cours du premier mois après la sortie, soient prévues au moins une consultation avec le généraliste et une consultation avec le cardiologue. Si ce n’est pas possible, il faut organiser des consultations à l’hôpital, envisager de la réadaptation ambulatoire qui permet de suivre le patient dans les premières semaines ou confier le patient à un système de suivi comme le système PRADO organisé par la caisse d’Assurance maladie, en sachant que cette logistique de suivi de l’insuffisant cardiaque est encore très peu développée en France.
C. P. La télécardiologie peut être intéressante. Qu’en pensez-vous ?
A. C.-S. Oui, j’y crois beaucoup, d’une part, dans les réseaux de soins encore très peu développés et insuffisants dans notre pays, et je crois également beaucoup en la télémédecine. La télémédecine a ou aura une place indiscutable, notamment du fait de l’évolution du nombre d’insuffisants cardiaques, de la réduction des places à l’hôpital et de la diminution, tout au moins dans certaines régions, du nombre de généralistes et de cardiologues.
La difficulté est de savoir ce que l’on surveille dans cette télémédecine. Estce un simple entretien téléphonique hebdomadaire avec un médecin, voire une infirmière ou est-ce une transmission par télémétrie de multiples données ? Mais dans ce cas je redoute qu’on aboutisse à un système très compliqué beaucoup moins efficace qu’un simple contact, même téléphonique.
Propos recueillis par G. GERTNER
D’après une interview AXIS TV
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