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Congrès et symposiums

Publié le 14 mar 2016Lecture 5 min

AOD : de la théorie à la pratique

M. DEKER

JESFC

Deux questions au moins sont posées quant au choix d’un anticoagulant oral direct (AOD) pour la pratique : peut-on les comparer entre eux ? Les résultats en vie réelle sont-ils comparables à ceux des études cliniques ? 

Pas de comparaison « scientifique » des AOD   Nous ne disposons pas d’outils permettant de comparer les différents AOD entre eux, faute d’étude spécifique. Reste donc à rapprocher les études pivots quoique leur méthodologie varie un peu (3 études en double aveugle et une avec la méthodologie PROBE, ce qui pour les experts ne modifie pas sensiblement les résultats). Plusieurs métaanalyses ont rassemblé ces études avec des résultats homogènes en termes de bénéfice/risque, hormis pour les faibles doses. On note entre les études quelques différences concernant la définition des événements hémorragiques et les critères d’inclusion/exclusion des patients. Il en est de même des populations incluses, en termes de gravité et de comorbidités ; ainsi dans l’étude ROCKET-AF, le score CHADS2 était plus élevé en moyenne comparativement aux patients des autres études et il y avait davantage d’insuffisants cardiaques, ce qui pourrait avoir un impact sur les résultats sachant que l’insuffisance cardiaque est associée à des difficultés d’ajustement de l’INR. Autant de bonnes raisons pour ne pas comparer les études. Les AOD présentent des propriétés pharmacocinétiques différentes et des interactions médicamenteuses un peu différentes. Le choix entre monoprise et prise biquotidienne peut être un argument de choix, la monoprise étant associée à une meilleure adhérence au traitement et à un moindre risque d’oubli.   Le bas risque hémorragique n’est pas un argument pour prescrire un AVK   Les données des études observationnelles prospectives concernant les AOD devraient vaincre les dernières réticences à leur emploi. Les résultats en efficacité sur les événements ischémiques sont conformes à ceux des essais cliniques, soit environ 1,5 à 2 % par an. Avant l’arrivée des AOD, le taux d’événements hémorragiques chez les patients traités par anti-vitamine K (AVK) variait de 5 à 12 %. Dans les essais randomisés des AOD, ce taux est plus bas, reflétant sans doute le meilleur contrôle des patients inclus. Une étude a été réalisée auprès de médecins participant au registre de Dresde afin d’apprécier les raisons pour lesquelles ils avaient continué à traiter certains patients par AVK et évaluer le profil de risque de ces derniers. Deux raisons majeures sont évoquées : l’absence de complication et un INR stable sous AVK. En outre, le TTR a été calculé sur les INR avant l’étude et après. Les patients non switchés vers un AOD étaient considérés comme à risque ischémique et hémorragique réduit comparativement aux patients mis sous AOD. Avant l’inclusion, le TTR a été calculé à 71 %, la meilleure valeur jamais documentée dans une cohorte de ce type ; après l’inclusion elle est passée à 75 %. Malgré ces bonnes performances, l’augmentation du risque hémorragique est de 33 % sous AVK, ce qui signifie que le risque hémorragique faible ou une stabilité de l’INR ne constitue pas un réel critère de choix en faveur de la prescription ou du maintien d’un AVK. Dans les études cliniques, le suivi rapproché, garant de la stabilité de l’INR, n’empêche pas la survenue des accidents hémorragiques graves. En vie réelle, le bilan est encore plus lourd. Avant l’arrivée des AOD, la mortalité des hémorragies majeures survenant sous AVK était d’environ 15 % à 90 jours. Dans l’étude ROCKET-AF, dans une population âgée et à haut risque, la réduction du risque absolu d’hémorragie majeure était de 6 %. Cette réduction du risque hémorragique est retrouvée dans les données du registre allemand en vie réelle : 9,2 % sous AOD vs 14,1 % sous AVK. Les études en vraie vie montrent aussi que le pronostic des hémorragies majeures survenant sous AOD est meilleur que sous AVK. On pourrait conclure sur le fait que l’un des bénéfices annexes des AOD est d’avoir indirectement fait prendre conscience de la nécessité de mieux gérer l’INR des patients restés sous AVK. Toutefois, à efficacité au moins équivalente avec ces derniers et sans contrôle biologique, les AOD sont plus sûrs en vie réelle et la survie meilleure en cas de complication hémorragique.   XANTUS : des données complémentaires pour le rivaroxaban en condition réelle de prescription   L’étude observationnelle prospective XANTUS réalisée après la mise à disposition du rivaroxaban a inclus 6 784 patients avec une fibrillation atriale non valvulaire (FANV) de juin 2012 à décembre 2013. À noter que tous les événements survenus sous traitement ont été adjudiqués par un comité indépendant et que les résultats ont été analysés en intention de traiter, le suivi se poursuivant un mois après l’arrêt du traitement. La posologie de l’anticoagulant était laissée à la discrétion du prescripteur. Les patients ont en majorité reçu une dose de 20 mg (n = 5 336), les autres une dose de 15 mg de rivaroxaban. Il s’agit globalement d’une population relativement âgée (71 ans en moyenne), avec un score de CHADS2 de 2 en moyenne (CHA2DS2-VASc : 3-4 en moyenne), pour la moitié d’entre eux naïfs de traitement anticoagulant, avec une fonction rénale préservée pour la majorité (< 2 % avec ClCr < 30 ml/min). À 1,5 an de suivi, le pourcentage d’événements observés sous traitement n’est que de 4 % en vie réelle, soit < 1 % d’AVC/embolies systémiques, et < 2 % de mortalité toutes causes ou d’hémorragies majeures (< 0,2 %/an d’hémorragies fatales). L’étude XANTUS renseigne aussi, pour la première fois en vie réelle, sur les causes de décès chez les patients traités par AOD. Par ordre de fréquence décroissante, il s’agit de décompensation cardiaque, de cancer, d’autres causes (suicides, alcoolisme, etc.) et de mort subite (14 événements). Clairement, le lien entre FA et décompensation cardiaque mériterait d’être exploré. Les résultats de XANTUS sont complémentaires à ceux de l’étude pivot ROCKET-AF dans laquelle Xarelto® a été évalué dans une population à très haut risque : CHADS2 de 3,5 en moyenne et 55 % d’antécédents d’AVC/AIT vs 19 % dans XANTUS. Dans cette population particulière, les taux d’événements étaient plus importants que dans l’étude XANTUS. Ces résultats sont cohérents puisque le risque d’événement est d’autant plus élevé que les scores CHADS2 et CHA2DS2-VASc sont plus hauts. Ainsi les taux d’événements observés dans XANTUS avec le rivaroxaban sont comparables, voire inférieurs à ceux décrits avec les autres AOD dans des populations similaires. Enfin, la persistance du traitement a été de 80 % dans l’étude XANTUS à 1,5 an. Quelles que soient les limites inhérentes à une étude observationnelle, l’étude XANTUS confirme le bénéfice/risque du rivaroxaban (Xarelto®) en pratique clinique : très peu d’événements ischémiques et d’hémorragies graves sont à craindre sous traitement. D’après un symposium Bayer avec la participation de J.-C. Deharo, J. Bayer-Westendorf et Y. Cottin JESFC, Paris, janvier 2016

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