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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 14 oct 2016Lecture 8 min

STAR AF 2 doit-elle changer les pratiques concernant l’ablation de la FA persistante ?

J. SEITZ, C. BARS, M. BREMONDY, A. FERRACCI, A. PISAPIA, Unité de rythmologie interventionnelle, Hôpital Saint-Joseph, Marseille

Les résultats de l’étude STAR AF 2 publiée dans le NEJM(1) en 2015 par Verma et coll. ont été à l’origine de nombreuses discussions dans la communauté rythmologique mondiale. De nombreux messages et interprétations contradictoires ont pu être délivrés par la suite, mais quelles données objectives peut-on retenir de cette étude ?

Résumé de l’étude STAR AF 2 Cette étude randomisée portant sur 589 patients avec fibrillation atriale (FA) persistante comparait 3 techniques d’ablation de FA : - isolation des veines pulmonaires seule ; - isolation des veines pulmonaires associée à des lignes dans l’oreillette gauche ; - et isolation des veines pulmonaires associée à une défragmentation atriale. Étonnamment, aucune différence en termes de succès clinique après une procédure n’était observée à 18 mois (tableau) : proportion de patients sans FA documentée respectivement 59 %, 49 % et 46 % dans les 3 groupes (p = 0,15) et proportion de patients en rythme sinusal stable (sans FA ni tachycardie atriale) respectivement 49 %, 41 % et 37 % dans les 3 groupes (p = 0,15). Seule une différence en termes de temps de procédure était notée : 2,8 h, 3,8 h et 3,7 h respectivement (p < 0,001). La conclusion des auteurs était donc que la réalisation de lignes ou d’une défragmentation après une isolation des veines pulmonaires n’améliorait pas le résultat de l’ablation des FA persistantes. Efficacité de l’isolation des veines pulmonaires dans STAR AF 2 Après la présentation des résultats de cette étude randomisée bien conduite dans les grands congrès cardio/rythmologiques et leur publication récemment dans le NEJM(1), certains électrophysiologistes ont été amenés à conclure que l’isolation des veines pulmonaires était suffisante pour traiter les patients en FA persistante et qu’il était inutile de chercher à faire plus (« le mieux étant l’ennemi du bien »). Dans les 3 groupes (tous les patients ayant bénéficié d’une isolation des veines pulmonaires), après une séance, 49 % des patients (moyenne des 3 groupes) n’avaient plus de FA et 40 % (moyenne des 3 groupes) étaient en rythme sinusal stable (ni FA ni tachycardie atriale) à la fin du suivi. Après plusieurs procédures seulement 50 % des patients étaient en rythme sinusal stable avec ou sans antiarythmiques. L’endpoint de l’isolation des veines pulmonaires était atteint dans 97 % des cas. Notre première conclusion de cette étude est que l’isolation des veines pulmonaires est insuffisamment efficace pour traiter la FA persistante (un patient sur deux en rythme sinusal stable à 18 mois). Efficacité de la réalisation de lignes dans l’oreillette gauche d’après STAR AF 2 Dans ce groupe, deux lignes étaient réalisées dans l’oreillette gauche : une ligne sur le toit et une ligne sur l’isthme mitral. L’endpoint de la réalisation d’une ligne est la création d’un bloc de conduction complet à son niveau. Ces lignes étaient correctement réalisées puisque cet endpoint était atteint dans 74 % des cas. L’absence de bénéfice clinique malgré des lignes correctement réalisée est une des données très importante de cette étude. L’isolation des veines pulmonaires et la réalisation des lignes étant correctement réalisées, le caractère randomisé de cette étude donne des preuves solides à ce niveau et doit faire reconsidérer cette pratique de création de lignes systématique pour traiter la FA persistante. Efficacité de la défragmentation d’après STAR AF 2 Les conclusions concernant la défragmentation doivent, selon nous, être plus prudentes. L’endpoint de cette technique est l’arrêt de la FA par l’ablation (retour en rythme sinusal ou régularisation en tachycardie atriale). Dans cette étude, celui-ci n’était atteint seulement dans 45 % des cas. De nombreux auteurs (notamment l’équipe du Pr Michel Haissaguerre) ont bien démontré la corrélation entre le taux d’arrêt de FA par l’ablation et le succès clinique(2). Ce taux relativement bas d’arrêt de FA par défragmentation dans STAR AF 2 pourrait expliquer les mauvais résultats à long terme dans ce groupe. Les résultats de la défragmentation dans la littérature sont hétérogènes depuis leur publication en 2004(2) ; certaines équipes publiaient leur inefficacité(3) quand d’autres publiaient le contraire et insistaient sur l’importance de l’analyse des électrogrammes intracardiaques durant l’ablation(2-5). Ces publications, ainsi que les résultats de STAR AF 2, soulignent la faible reproductibilité de la défragmentation mais pas son inefficacité. Plus généralement, pourquoi l’isolation des veines n’est-elle que partiellement efficace ? L’importance de la région des veines pulmonaires dans l’initiation et le maintien de la FA est bien connue. Néanmoins, l’isolation des veines pulmonaires à elle seule est souvent insuffisante pour arrêter les FA persistantes (11 % dans l’approche stepwise bordelaise(3)). À long terme, l’isolation des veines pulmonaires seule donne de bons résultats dans le traitement de la FA paroxystique, mais insuffisants dans les formes persistantes ; d’après une métaanalyse publiée dans le JAMA en 2013(6), les taux de succès à 1 an respectivement pour les patients avec FA paroxystiques et non paroxystiques traités par isolation des veines pulmonaires seules étaient de 66,6 % et 51,9 % (patients sans FA ni TA). Ces résultats étaient d’ailleurs assez proches des résultats de STAR AF 2 . L’isolation des veines pulmonaires est donc une technique simple, reproductible, probabiliste mais plus ou moins efficace selon les patients. Par ailleurs, une étude évaluant le taux de reconnexion des veines pulmonaires après succès ou échec d’ablation (disparition ou persistance de FA)(7), retrouvait un taux de reconnexion comparable dans les 2 groupes (reconnexion veineuse chez 90 % de patients pour qui l’ablation avait été efficace). D’après cette étude, l’efficacité de l’isolation des veines pulmonaires ne serait donc pas liée à l’isolation électrique des veines pulmonaires mais plus à une modification du substrat arythmogène localisé dans la périphérie des veines pulmonaires. Dans une étude présentée à l ’ESC e t l ’HRS en 2013 e t publiée récemment dans le JACC EP(8) basée sur la défragmentation dans une population de FA persistantes, nous avons confirmé l’importance de la région des veines pulmonaires dans le maintien de la FA avec des applications de radiofréquence dans les régions des veines pulmonaires dans presque 100 % des cas (figure 1). Par contre, seulement 1/3 de la surface périveineuse semble impliquée dans le maintien de la FA et d’autres régions (septum, la périphérie de l’auricule gauche, le mur antérieur de l’oreillette gauche ou l’oreillette droite) sont indispensables à traiter pour arriver à 92 % d’arrêt de FA pendant la procédure (avec 26 ± 25 min de radiofréquence) (figure 2). Figure 1. Courbes de Kaplan Meier comparant la proportion de patients sans arythmie atriale (FA ou TA) sans ou avec antiarythmiques dans les 3 groupes (isolation des veines pulmonaires seule ou associée à des lignes ou à une défragmentation). Aucune différence n’était observée (p = 0,15) dans cette étude (d’après STAR AF 2(1)). Figure 2. A. À gauche, schématisation des 7 régions d’ablations d’après Haissaguerre et coll.(9) (7 régions). À droite, proportion des patients qui ont bénéficié d’application de radiofréquence dans chaque région. B. Représentation 3D des points cruciaux permettant l’arrêt de la FA (43 patients) dans les 2 oreillettes (CARTO). AT : atrial tachycardia ; CS : coronary sinus ; IVC : inferior vena cava ; LAO : left anterior oblique ; LIPV : left inferior pulmonary vein ; MA : mitral annulus ; PA : posteroanterior ; RAA : right atrial appendage ; RIPV : right inferior pulmonary vein ; RSPV : right superior pulmonary vein ; SVC : superior vena cava ; TA : tricuspid annulus L’intérêt de ce protocole d’ablation personnalisé basé sur l’analyse des signaux intracardiaques est avant tout son efficacité ; en comparaison avec l’isolation des veines pulmonaires dans l’étude STAR AF 2 (populations de FA persistantes) : 73 % vs 49 % de patients était en rythme sinusal stable à 1 an et demi avec ou sans antiarythmiques. La différence clinique entre nos résultats et ceux de l’étude STAR AF 2 dans le bras « isolation des veines pulmonaires + défragmentation » peut s’expliquer encore par la différence des taux d’arrêt de FA perprocédure (92 % vs 45 %) probablement liée à la supériorité de l’analyse visuelle sur l’analyse automatisée des signaux intracardiaques. De plus, la sécurité d’un protocole d’ablation personnalisé, comme décrit dans cette étude, n’est pas négligeable : d’après nos résultats, seulement 1/3 de la circonférence des veines pulmonaires joue un rôle dans le maintien de la FA, la plupart des applications sur le mur postérieur de l’OG réalisées systématiquement en cas d’isolation des veines pulmonaires sont donc a priori inutiles et potentiellement dangereuses (oesophage, sténose de VP...). Dans notre approche, l’ablation dans la région des veines pulmonaires est donc indispensable mais le plus souvent insuffisante. Cette étude démontre donc que l’isolation des veines pulmonaires n’est pas nécessaire mais qu’une « modulation » de celles-ci est suffisante pour traiter la FA persistante. Ablation « sur mesure » de la FA par ablation ciblée du substrat Comme toute technique probabiliste, l’isolation des veines pulmonaires peut être efficace mais peut « sur- ou sous-traiter » des patients. L’ensemble des applications réalisées lors d’un encerclement de veines pulmonaires n’est pas toujours indispensable et d’autres zones qui devraient être traitées ne le sont pas. Les complications potentielles d’applications de radiofréquence non indispensables doivent nous pousser à réfléchir à comment minimiser celles-ci afin de rendre l’ablation de FA moins agressive. L’équipe bordelaise, en utilisant un système de cartographie sophistiqué du substrat de la FA, a également confirmé l’importance de la région des veines pulmonaires. Dans une étude publiée en 2014(9), l’équipe a observé que la grande majorité des patients présentait des foyers ou des circuits dans ces régions (figure 3). Néanmoins, la circonférence complète des veines pulmonaires n’était pas le siège de foyers ou circuits (surface moyenne des zones de substrat = 7 ± 2 cm2) et d’autres régions méritaient d’être cartographiées et ablatées. De plus, dans cette étude, l’arrêt de la FA n’était pas obtenu par encerclement des veines pulmonaires mais plus par des applications ciblées dans certaines régions comme celle des veines pulmonaires, ou encore comme le septum interatrial, le mur antérieur de l’OG, la base de l’auricule gauche, le toit, etc. (figure 2). En ciblant spécifiquement le substrat de la FA, de très bons résultats immédiats et à long terme ont été démontrés. L’équipe a également démontré une réduction du temps de radiofréquence nécessaire pour arrêter la FA par rapport à son ancienne approche plus conventionnelle (approche « stepwise ») : 28 ± 17 min versus 65 ± 33 min. Figure 3. Distribution biatriale du substrat de la FA chez 103 patients (astérisque = foyers, flèche incurvée = circuits), d’après Haissaguerre et coll.(9). Cette approche beaucoup plus ciblée que ce qui était fait jusqu’alors, basée sur la cartographie du substrat de la FA, est de plus en plus populaire dans le monde de l’électrophysiologie. De nombreuses équipes travaillent à mieux comprendre les mécanismes de perpétuation de la FA et à développer des méthodes d’ablation acces sibles permettant de limiter les tirs d’ablation inutiles et ainsi passer d’une ablation probabiliste à une approche « sur mesure » plus moderne, moins agressive et probablement plus efficace à terme. En pratique STAR AF 2 a démontré une efficacité de l’isolation des veines pulmonaires autour de 50 % (ni FA ni tachycardie) chez des patients en FA persistante. L’adjonction de lignes correctement réalisées (74 % de lignes complètes) n’augmente pas le succès clinique et rallonge la procédure. Dans cette étude, le faible taux de l’endpoint de la défragmentation (arrêt de FA dans seulement 45 % des cas) n’est pas suffisant pour conclure à l’inefficacité de la technique mais souligne sa difficile reproductibilité. L’isolation des veines pulmonaires est donc partiellement efficace pour traiter la FA persistante, une ablation personnalisée basée sur une cartographie précise du substrat arythmogène de la FA est nécessaire avec l’arrêt de la FA comme critère d’efficacité opératoire et facteur pronostique de succès à long terme.  

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