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Insuffisance cardiaque

Publié le 15 déc 2016Lecture 7 min

L'insuffisance cardiaque au CNCF

J. GAUTHIER, Président du CNCF, Cannes

L’insuffisance cardiaque (IC) en France est un problème majeur de santé publique étant donné le nombre croissant de patients concernés (200 000 hospitalisations par an) résultant des avancées thérapeutiques proposées dans les affections cardiaques, en particulier les valvulopathies et les coronaropathies.

La nécessité d’une coordination hôpital-ville semble être la clé de voûte pour tenter d’endiguer les réhospitalisations précoces (27 % le 1er mois et 25 à 40 % dans les 6 premiers mois). Lors du congrès du Collège national des cardiologues français (Nice, 13-15 octobre 2016) une intéressante session parrainée par les laboratoires Servier a porté sur « Le suivi du cardiologue libéral garant d’un meilleur pronostic et de l’amélioration du quotidien du patient en insuffisance cardiaque ». Consultation de suivi : quelle est macheck-list ? D’après la communication de M. Galinier (Toulouse) M. Galinier a insisté sur la nécessité d’établir une check-list indispensable pour les cardiologues de ville, véritables chefs d’orchestre pour assurer le suivi du patient à sa sortie de l’hôpital et adapter la thérapeutique en surveillant tolérance et efficacité des traitements. Le but de la consultation de suivi consiste à améliorer le statut fonctionnel du patient par l’optimisation de ses capacités physiques et l’amélioration de la qualité de vie. L’objectif essentiel est la prévention des réhospitalisations qui grèvent le pronostic vital et fonctionnel. C’est l’application des nouvelles guidelines et l’optimisation des traitements disponibles qui vont permettre de diminuer les réhospitalisations (figure 1). Figure 1. Savoir adresser le patient vers un centre spécialisé à l’issue de la consultation de suivi. Il convient d’établir un calendrier de consultations de suivi en se souvenant que la phase la plus délicate demeure la sortie de l’hôpital. Une phase de transition lui succède qui nécessite des contrôles réguliers jusqu’à l’accès à la phase en plateau traduite par une stabilité fonctionnelle. La consultation de suivi nécessite un listing simple à réaliser en quelques minutes, en s’appuyant sur : - des données fonctionnelles (dyspnée, asthénie, œdème, etc.) ; - des données cliniques (poids, tension artérielle, fréquence cardiaque, etc.) ; - des données objectivées par l’ECG (rythme sinusal, FA, BBG, plus ou moins large). Le contrôle échographique évalue la fraction d’éjection (FE) et la fréquence des contrôles est déterminée par le stade fonctionnel du patient avec une évaluation au minimum tous les 6 mois, mais parfois davantage pour les sujets en stades II et III. À noter que le récent congrès Heart Failure de Florence a défini une nouvelle classe MID-RANGE pour les FE situées entre 40 et 50 %. Une surveillance des constantes biologiques est réalisée – fonction rénale, ionogramme, numération et désormais ferritine et taux de saturation – en s’appuyant sur le taux de BNP ou pro-BNP. Les peptides natriurétiques sont très utiles à la surveillance des insuffisants cardiaques à FE altérée aussi bien dans les formes sévères que dans la classe MID-RANGE. La valeur du BNP ou du pro-BNP doit toujours être référée à l’âge du patient et en association avec les constatations cliniques. À la sortie de l’hospitalisation, la valeur cible est rarement obtenue en raison des séjours courts (liés aux contraintes administratives) pendant lesquels le traitement n’a pas pu être optimisé, l’implémentation étant à la charge du cardiologue de ville qui assure le relais. Il est essentiel de noter que le temps passé à la zone cible a une valeur pronostique. Le suivi par le BNP permet l’optimisation du traitement de fond de manière référencée avec la possibilité de faire mieux comprendre au patient la nécessité de majorer les traitements, alors même qu’il ressent un certain confort (un peu comme les patients diabétiques qui comprennent la nécessité d’adapter leur traitement en fonction des valeurs de la biologie). Les posologies diurétiques devront rapidement être diminuées dès la régression du syndrome congestif (souhait fréquemment exprimé par le patient) et permettre la majoration des IEC, ARA2 et des bêtabloquants jusqu’à la dose cible maximale tolérée. En phase d’optimisation de traitement, les contrôles de BNP peuvent être espacés en gardant cependant au moins un contrôle tous les 6 mois. L’hypotension orthostatique symptomatique ou l’élévation d’une créatinémie avec une clairance inférieure à 30 et/ou à un potassium supérieur à 5 sont les facteurs limitant de cette adaptation. Parallèlement, les bêtabloquants peuvent être augmentés jusqu’à la fréquence de 60/min. Il est essentiel de lutter contre l’inertie thérapeutique et le cardiologue doit toujours tendre à optimiser les traitements dès lors que la tolérance est acceptable. Il ne faut pas se contenter d’un confort relatif ou d’un BNP moyen alors qu’aucune restriction à l’optimisation des posologies n’est présente. Très souvent, le patient peut être faussement asymptomatique en minimisant ses symptômes, ou en réduisant ses efforts en s’habituant à un palier d’exercices moindre. L’idéal serait de recourir à une éducation thérapeutique encore trop peu accessible dans la réalité. Pour en juger, un test de marche est souhaitable. Il est d’un mauvais pronostic s’il est inférieur à 300 m. L’étude du pic de VO2 à l’épreuve d’effort cardio-pulmonaire n’est possible que dans des centres de réadaptation auxquels accèdent moins de 15 % des patients en insuffisance cardiaque. Physiopathologie de l’IC : comment améliorer la performance cardiovasculaire ? D’après la communication de F. Carré (Rennes) F. Carré a insisté sur la nécessité de bien comprendre la physiopathologie de l’insuffisance cardiaque afin d’améliorer dans la pratique la prise en charge des patients. C’est la rupture des facteurs d’adaptation du débit cardiaque qui conduit à l’insuffisance cardiaque avec, comme conséquence, l’augmentation de la fréquence cardiaque sous l’effet du SNA et des catécholamines et la diminution progressive du volume d’éjection systolique dans ses deux composantes de télésystole, mais aussi de télé-diastole qui affectent la précharge comme la postcharge, et par voie de conséquence, la compliance et la contractilité. La tachycardie apparaît comme un facteur de compensation délétère à la longue chez l’insuffisant cardiaque et les métaanalyses publiées ont mis en évidence que chaque baisse de 5 bpm obtenue pharmacologiquement correspond à une chute de la mortalité de 18 % (figure 2). Figure 2. Métaanalyse : corrélation entre la réduction de la fréquence cardiaque et la mortalité totale. Cette baisse de fréquence cardiaque peut être obtenue par les bêtabloquants ou l’ivabradine qui peuvent être associés. Il est à noter qu’il n’existe pas de relation directe entre la dose de bêtabloquants et la baisse de mortalité. L’étude SHIFT a bien discerné l’importance de la fréquence cardiaque dans le suivi de ces patients ICC avec un impact pronostique traduit par une majoration significative des taux d’hospitalisations et de décès dès lors que la fréquence de base est supérieure à 75/80 bpm (figure 3). Figure 3. Valeur pronostique de la FC chez les patients insuffisants cardiaques : analyse du bras placebo de l’étude SHIFT. L’ivabradine est pourvue d’un effet bradycardisant pur n’affectant pas l’inotropisme et préservant le régime d’éjection systolique. En effet, la tachycardie diminue la durée de remplissage du ventricule gauche. L’allongement de la diastole sous l’effet de l’ivabradine est plus long que celui obtenu sous bêtabloquants et, outre la prolongation de la durée du remplissage ventriculaire, il entraîne une meilleure perfusion myocardique. D’où une meilleure précharge. La postcharge dépend essentiellement de l’élastance (inverse de la compliance) artérielle. Cette élastance dépend surtout du produit « résistances périphériques totales » par « fréquence cardiaque ». On comprend donc qu’une bradycardie diminue l’élastance et donc augmente la compliance artérielle. D’où une baisse de la postcharge sans modification des résistances périphériques totales. Au total : précharge, donc volume télédiastolique, augmentée et postcharge, donc volume télésystolique, diminuée expliquent un volume d’éjection systolique augmenté sous ivabradine (figures 4 et 5). Ce volume d’éjection systolique associé à une compliance artérielle améliorée aboutit à un meilleur couplage ventriculo-artériel chez le patient ICC. Figure 4. Bénéfice de l’ivabradine dans le traitement de l’insuffisance cardiaque. Figure 5. Mécanismes d’action de l’ivabradine. Tout ceci explique la diminution du taux de réhospitalisations et de mortalité que l’ivabradine apporte chez des patients insuffisants cardiaques pourtant déjà traités par bêtabloquants. Cas pratique D’après la communication de F. Mouquet (Lille) F. Mouquet a répondu à la question « Quand mon patient semble aller bien, pourquoi et comment modifier son traitement ? » Le cardiologue de ville est celui qui est consulté en priorité par le patient insuffisant cardiaque et les recommandations de l’ESC 2016 invitent a majorer les traitements pour prévenir efficacement toute décompensation. Un traitement optimal est atteint au terme des consultations d’implémentation dont le rythme peut varier, quand l’interrogatoire ne retrouve plus d’asthénie, que le poids est stabilisé et que le patient a regagné l’état fonctionnel du grade I de la NYHA. L’examen clinique doit vérifier l’absence de bas débit, une pression artérielle inférieure à 130/80 mmHg, sans hypotension orthostatique et s’assurer de l’absence de signes de rétention hydrosodée. L’ECG doit relever une fréquence cardiaque voisine de 60 bpm et la biologie doit vérifier un BNP inférieur à 100. Actuellement, il est important de traiter les comorbidités. Les études ont démontré que l’apport de fer IV s’accompagne d’une amélioration très sensible de la qualité de vie du patient en IC de même que la compensation éventuelle d’une anémie ou la prise en compte d’une apnée du sommeil. À côté des traitements actuels bien codifiés, on peut désormais faire appel a des molécules plus récentes, et pour endiguer ces réhospitalisations précoces (ivabradine, étude SHIFT 75 ; sacubitril, étude PARADIGM) et bien sûr recourir à la resynchronisation en respectant les recommandations désormais bien établies basées sur un BBG large. Les cardiologues désireux de partager leurs expériences et leurs pratiques sont invités à participer au registre OFIC-SEL sous la directive du Dr Thibaud Damy et/ou OBLIC 2 sous la directive du Dr Frédéric Mouquet. Un merci tout particulier au Pr François Carré qui a accepté de relire et corriger les données physiopathologiques de cet article.

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