Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 15 jan 2017Lecture 3 min
Une cause rare de BAV
B. JANTET, CHI Lucie et Raymond Aubrac, Villeneuve-Saint-Georges
Madame M., âgée de 82 ans, a été hospitalisée en USIC pour la prise en charge d’un tableau d’insuffisance cardiaque globale. Dans ses antécédents, on retrouve un asthme sous fluticasone et un angor spastique, non documenté, traité par vérapamil.
Son histoire a débuté un mois plus tôt par une première consultation aux urgences. La positivité des D-Dimères avait fait réaliser un angioscanner, éliminant une embolie pulmonaire. La patiente refusant l’hospitalisation, elle était rentrée chez elle. La dyspnée a continué de s’aggraver, et des oedèmes aux membres inférieurs sont apparus. Elle décide de consulter de nouveau aux urgences.
En USIC, elle présente alors des signes d’insuffisance cardiaque globale avec une oxygénodépendance à 4 litres. L’ECG retrouve un BAV 2 Mobitz 1 associé à un bloc de branche droit incomplet.
La patiente est hospitalisée en cardiologie et l’évolution est favorable après traitement diurétique IV. Une échoscopie réalisée en USIC ne décèle pas d’anomalie évidente. La surveillance télémétrique ne retrouve pas d’anomalie de conduction de plus haut degré. Le vérapamil est arrêté et la patiente rentre à domicile.
Quinze jours plus tard, la patiente réalise un holter ECG qui retrouve des épisodes de BAV complet (figure 1). Elle bénéficie de l’implantation d’un PM double chambre. Malheureusement, des signes d’insuffisance cardiaque droite réapparaissent. Trois semaines plus tard, son cardiologue en cabinet retrouve à l’échographie une élévation du gradient moyen antérograde tricuspide (9,8 mmHg) avec une image tissulaire enclavé dans la tricuspide (figure 2). La patiente est hospitalisée.
Figure 1. BAV complet.
Figure 2. ETT obstruction tricuspide.
L’échographie confirme l’obstruction tricuspide avec la présence d’une masse latéro VD paraissant comprimer la tricuspide et s’étendant vers les cavités gauches (figure 3). L’échographie de la précédente hospitalisation est relue, et il existait en fait déjà une masse ventriculaire droite, de taille bien inférieure (figure 4). Le scanner cardiaque retrouve une masse myocardique hétérogène nécrotique 96 x 57 mm développée essentiellement aux dépens de la paroi inférieure et latérale du VD et étendue jusqu’au niveau du septum interauriculaire et interventriculaire (figure 5).
Figure 3. ETT masse ventriculaire et oreillette droits.
Figure 4. ETT 1re hospitalisation.
Figure 5. TDM tumeur cœur droit, envahissant le septum interventriculaire.
L’anatomopathologie de la biopsie endomyocardique retrouve un aspect en faveur d’une hémopathie lymphoïde B agressive. Le bilan d’extension retrouve une adénomégalie sous-carénaire et mammaire interne gauche.
Le diagnostic retenu est celui de lymphome cardiaque primitif. Après RCP, la masse est jugée inextirpable chirurgicalement. Après 10 cures de chimiothérapie R CHOP ; le gradient tricuspide est redevenu normal ; et le scanner retrouve une régression complète de la tumeur (figure 6).
Figure 6. TDM disparition de la tumeur.
Discussion
Les tumeurs primitives cardiaques sont très rares. On estime leur prévalence entre 0,001-0,003 %, dont 75 % sont bénignes. Parmi elles, le lymphome est exceptionnel (5 % des cas(1)), surtout chez les patients immunocompétents. La majorité d’entre eux sont des lymphomes de type B diffus à grandes cellules.
L’aggravation peut être rapide. Dans notre observation, il existait déjà une masse ventriculaire droite au cours de la première hospitalisation ; mais trop petite, elle n’avait pas été décelée (figure 2).
Ce sont les cavités cardiaques droites qui sont préférentiellement atteintes(2). Le péricarde peut aussi être atteint, et plus rarement, le septum interventriculaire ou les cavités gauches. Les signes cliniques sont ainsi peu spécifiques et peuvent entraîner un retard diagnostique. Ici l’insuffisance cardiaque droite avait été mise sur le compte du BAV ; qui lui-même avait été étiqueté secondaire au vérapamil.
Les troubles de conduction sont souvent retrouvés (19 % des cas(3)), en cas de lymphome avec invasion septale. Si le traitement a lieu à temps, il est possible d’observer des guérisons complètes des troubles de conduction(4).
Ici, la patiente présentait malheureusement toujours un BAV (du 1er degré) malgré la disparition de la tumeur.
Si l’échographie est l’examen clé du diagnostic, les TDM, PET TDM et IRM permettent d’évaluer l’extension loco-régionale et à distance. Et la certitude diagnostique est apportée par la biopsie endomyocardique. Le traitement du lymphome cardiaque rejoint celui des lymphomes de haut grade et repose sur la chimiothérapie. Le traitement chirurgical n’a habituellement pas de place dans la stratégie thérapeutique, à l’exception de la résection urgente indispensable en cas d’obstruction menaçante.
En pratique
L’insuffisance ventriculaire droite doit faire rechercher l’obstruction tricuspide en échographie.
Le lymphome cardiaque est une maladie rare, dont l’évolution est très rapide.
Si ce lymphome est chimio-sensible, l’évolution sans chirurgie est favorable à court terme.
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