Cardiopathies congénitales
Publié le 15 mar 2017Lecture 10 min
Quelles sont les bonnes indications de la fermeture percutanée dans la CIA ?
Claire DAUPHIN, Aurélie CHALARD, Jean-René LUSSON, Cardiologie et maladies cardiovasculaires, CHU de Clermont-Ferrand
La fermeture par cathétérisme interventionnelle est maintenant proposée en première intention pour le traitement des communications interauriculaires ostium secundum(1). L’évolution du matériel disponible, le développement de techniques modifiées pour la mise en place de prothèse dans les cas complexes, font dire à certains que les contre-indications à la fermeture des CIA par voie percutanée sont maintenant « difficiles à trouver », et qu’il faut « fermer les petites CIA, car elles sont petites, et les grandes, car elles sont grandes »(2) !
Que disent les recommandations(1-3) ?
• La fermeture par cathétérisme interventionnel des CIA est la méthode de choix, lorsqu’elle est possible (IC) : diamètre des CIA < 38 mm, et rebords de plus de 5 mm, sauf en rétro-aortique.
• Il faut fermer par voie percutanée les CIA « hémodynamiquement significatives », ayant une anatomie « favorable » et si les résistances pulmonaires sont basses (RP < 5 UW) (IB).
• Il faut fermer les CIA quelle que soit leur taille :
- si elles ont été responsables d’embolie paradoxale (IIa-B) ;
- ou si elles entraînent une cyanose, et que le shunt droit-gauche n’est pas nécessaire au maintien du débit cardiaque (IIa-B) ;
- ou s’il existe des facteurs de risque d’embolie paradoxale (IIc-B).
• Il ne faut pas fermer (III C) :
- les petites CIA non hémodynamiquement significatives et asymptomatiques ;
- les CIA avec élévation des résistances pulmonaires (Eisenmenger).
• La fermeture des CIA est bénéfique quel que soit l’âge, surtout si elle est réalisable par voie percutanée.
Actualités
Plusieurs études ont comparé l’efficacité, et la morbi-mortalité de la technique interventionnelle et de la chirurgie. À efficacité quasi égale, la fermeture de CIA par voie percutanée permet un séjour hospitalier moins long, et une nette diminution du taux de complications hospitalières (7,2 vs 24 % dans l’étude de Du(4)).
L’intérêt de la fermeture précoce des CIA a été montré par des séries chirurgicales déjà anciennes : Murphy(5) rapporte que les patients opérés avant 25 ans ont une espérance de vie égale à celle de la population générale et Konstantinides(6) a montré que la fermeture chirurgicale est supérieure au traitement médical, même après 40 ans.
Actuellement, la plupart des prothèses sont de type « Amplatzer » : double disque de Nitinol, assemblé autour d’un moyeu central (Amplatzer Septal Occluder, St. Jude Medical, Figulla ASD Occluder – Occlutech, Ceraflex ASD Occluder – Lifetech). Elles nécessitent, pour être positionnées et stables, l’existence de berges autour de la CIA.
Une analyse échographique précise et systématique doit donc être réalisée : taille de la CIA, nombre de défects, taille et qualité des berges, qui ont été bien décrites par Amin(7). Seule la berge rétro-aortique peut être absente.
On peut ainsi décrire la CIA idéale pour la fermeture par voie percutanée (figure 1) : CIA ostium secundum isolée, ronde, unique, bien centrée, pas trop large, et avec des berges solides… et un patient idéal : jeune, pesant plus de 15 kg, ayant moins de 25 ans, en rythme sinusal, avec des résistances pulmonaires normales et un accès veineux fémoral possible…
Figure 1. CIA « idéale » : CIA ostium secundum isolée, ronde, unique, bien centrée, pas trop large, et avec des berges solides (ETO, vue de face de la CIA, à partir de l’oreillette gauche).
Il s’avère que dans la « vraie vie », 25 à 30 % des CIA sont « complexes » (figure 2) : ovales, larges, multiples, avec des berges déficientes et un septum anévrismal et que les patients symptomatiques sont parfois très jeunes mais souvent âgés, en FA, avec des pressions pulmonaires élevées…
Figure 2. CIA « complexe » : CIA ostium secundum de type c-ASD (ETO, vue de face de la CIA, à partir de l’oreillette gauche).
Complications
L’étude des complications à court et long terme des fermetures par voie percutanée de CIA(8,9) a permis de définir des groupes de patients « à risque » : la complication la plus redoutée est l’érosion (0,04-0,28 %), qui peut entraîner le décès par tamponnade ; 89 % surviennent chez des patients sans rebord rétro-aortique. Les autres facteurs de risque sont la mise en place d’une prothèse surdimensionnée, une protrusion de la prothèse dans l’aorte, une prothèse restant « mobile » contre l’aorte, un épanchement péricardique précoce.
Les thromboses sur prothèses surviennent dans 0,8 à 2 % des cas, favorisées par le type de prothèse et la fibrillation atriale. Les troubles de conduction sont rares (> 1 %), habituellement précoces et possiblement réversibles après ablation/repositionnement de la prothèse et ou corticoïdes. Les facteurs de risque sont le jeune âge et la taille de la prothèse (ø prothèse/ø septum ≥ 0,45).
Le passage en arythmie complète par fibrillation atriale est une complication fréquente des CIA, même fermées précocement, et l’impact de la fermeture de CIA sur la fibrillation atriale est encore controversé(10). La fermeture de CIA larges (la définition de ce terme varie de > 25 à > 40 mm en fonction des auteurs) et complexes est maintenant souvent possible grâce au développement de prothèses de grande taille, à l’utilisation de techniques modifiées, et pour les CIA multiples, à l’imagerie 3D du septum interauriculaire permettant de planifier les procédures(11).
Variations anatomiques
L’analyse des résultats des différentes séries de fermeture de CIA larges et complexes publiées révèle que plus les CIA sont larges, plus les rebords sont déficients (en particulier rétro-aortiques), et a permis de définir des facteurs de risque de difficultés, d’échec ou d’embolisation : la taille elle-même, un septum interatrial anévrismal, un rebord postéro-inférieur déficient, un malalignement septal (figure 3), une CIA « spiroïde » (MASP : malattached septum primum)(12). Dans ces cas complexes, l’ouverture du disque gauche dans l’OG peut se faire « perpendiculairement » au défect (figure 4), et sa réorientation parallèlement au SIA peut être difficile, d’autant plus que l’OG est de petite taille(11).
Plusieurs techniques « d’ouverture modifiée » ont été décrites pour parer à cette difficulté dont les plus connues sont l’ouverture à partir d’une veine pulmonaire(13), ouverture en appui sur un guide, un dilatateur ou un ballon : BAT : balloon assisted technique(14) (figure 5).
Nous utilisons actuellement de préférence la technique à 4 mains (figure 6) : ouverture incomplète du disque gauche dans l’OG, redressement du guiding, qui est « maintenu » par l’aide, permettant l’ouverture dans l’axe de l’ensemble de la prothèse. Les différents types de CIA multiples ont été bien décrites par Butera(15), et peuvent être classés en 3 groupes : d-ASD : 2 défects, f-ASD : septum multiperforé (avec ou sans anévrisme), c-ASD : CIA complexes (figure 2).
L’échographie transœsophagienne, et en particulier l’imagerie 3D du septum interauriculaire permettent d’avoir une vue de face du SIA, et donc de planifier la procédure : utilisation d’une ou plusieurs CIA pour les d-ASD (figure 7), en fonction de leur distance, utilisation de prothèse « cribriforme » dans les f-ASD (figure 8)…
Figure 3. Malalignement septal (ETO).
Figure 4. Ouverture perpendiculaire du disque gauche, dans la CIA (ETO).
Figure 5. Ouverture de la prothèse « appuyée » sur un ballon, permettant son placement correct sur le SIA. À droite : fluoroscopie OAG crâniale, à gauche : ETO : coupe bicavale.
Figure 6. Technique d’ouverture à 4 mains. A : ouverture « en biais » du disque gauche, B : ouverture complète du disque gauche après « ré-axation », guiding maintenu par l’aide, C : ouverture complète de la prothèse.
Figure 7. CIA de type f-ASD : ETO, zoom 3D, vue en face du SIA, de l’OG. A : septum multiperforé, guide passant à travers le SIA. B : CIA fermée par une prothèse cribriforme.
Figure 8. CIA d-ASD. A et B : coupe bicavale, en ETO bidimensionnelle. A : 2 CIA distantes, B : fermeture par 2 prothèses.
L’enfant
Chez l’enfant, les CIA sont habituellement fermées après 2 ans, le plus souvent avant l’entrée en CP, entre 4 et 6 ans, avec un poids de plus de 15 kg.
Certains enfants sont symptomatiques (hypotrophie, difficultés respiratoires), avant 2 ans, et requièrent une prise en charge plus précoce : il s’agit souvent d’enfants ayant des comorbidités : syndromiques, anciens prématurés… La fermeture précoce de la CIA est efficace sur les symptômes respiratoires. Son rôle sur la croissance est plus aléatoire, n’intervenant que si la CIA est seule responsable de l’hypotrophie, ce qui est finalement rare.
L’évolution naturelle des CIA avant 2 ans est variable selon les études, et n’est pas toujours prévisible : d’un diamètre de moins de 10 mm, elles peuvent se fermer spontanément, à un âge moyen allant jusqu’à 4,2 ans. Cependant, elles peuvent également grandir lorsqu’elles mesurent initialement plus de 3 à 4 mm, et d’autant plus qu’elles sont initialement grandes(16). Leurs berges peuvent également grandir.
Plusieurs auteurs ont publié leur expérience de la fermeture de CIA chez des enfants de poids de plus en plus faible (5,5 kg pour la série de 68 patients de Bishnoi(17)), mais avec des temps de scopie plus longs (jusqu’à 22 min en moyenne dans cette même série), et un taux de complications également un peu plus élevé : 6,25-14,28 %.
Le risque essentiel chez l’enfant est la survenue de BAV (0,85-1 %), avec pour facteur de risque le jeune âge, la taille de la CIA et de la prothèse, et le rapport de taille entre les 2 (> 0,45-0,58).
Lorsque la CIA mesure plus de 20 mm, et que l’enfant pèse moins de 20 kg, le risque relatif de complication est de 44,87(18)…
L’évolution avec la croissance est favorable : le SIA continue de grandir autour de la prothèse, et ainsi l’éloigne progressivement des structures adjacentes. Cette croissance peut fermer un éventuel petit shunt résiduel(19).
Symptômes
Les symptômes augmentent avec l’âge : insuffisance cardiaque, fibrillation atriale, HTAP… probablement par majoration progressive du shunt gauche-droit liée à l’apparition de comorbidités (HTA, insuffisance rénale) et d’une dysfonction ventriculaire gauche diastolique secondaire(20).
Toutes les études rapportent une amélioration fonctionnelle et de la qualité de vie, objectivée par une augmentation du temps d’exercice et de la VO2 max(21,22). La fermeture par voie percutanée offre l’avantage de réduire la morbi-mortalité et la durée du séjour hospitalier (pouvant s’élever respectivement à 24 %, 6 %, 11 j après chirurgie)(22).
Dans cette population, il faut se méfier de l’élévation des pressions dans l’oreillette gauche en post-procédure, liée à la dysfonction diastolique. Pour éviter de fermer une petite CIA de « décharge », on peut réaliser en cas de doute un test d’occlusion. La fermeture de la CIA sera contre-indiquée en cas de pression OG ou capillaire dépassant 20 mmHg, ou s’élevant de plus de 10 mmHg lors de ce test(23). Dans les cas limites, la CIA peut être fermée avec une prothèse fenestrée, et/ou la procédure peut être encadrée par un traitement diurétique.
Les FA
La fibrillation atriale est une complication classique des CIA « vieillies ».
Elle n’est pas totalement prévenue par la fermeture de la CIA, et survient chez 21 % des patients opérés avant l’âge de 25 ans.
Les études concernant le rôle préventif de la fermeture percutanée sont contradictoires(10) : elle préviendrait la récidive (RR 0,49), mais favoriserait les nouveaux accès (RR 8,2)(24).
Du fait du développement des techniques d’ablation de la FA, on peut les proposer maintenant aux patients de moins de 75 ans, ayant une oreillette gauche de moins de 50 mm, avant la fermeture par voie percutanée(25).
L’HTAP
La conduite à tenir vis-à-vis des patients ayant une hypertension artérielle pulmonaire associée à leur CIA est guidée par les recommandations des « GUTCH » (contre-indication si RP > 5 UW) et de l’HTAP (contre-indication si RP > 4,6 UW)(26).
Toutes s’accordent pour contreindiquer la fermeture dans le syndrome d’Eisenmenger (HTAP juxta- ou supra-systémique avec inversion du shunt). Dans les cas moins sévères, elles diffèrent un peu sur le niveau des résistances conduisant à la contre indication. Les recommandations « Gutch » sont plus permissives et autorisent la fermeture au-delà de 5 UW, si le rapport de résistance (pulmonaire/systémique) ou de pression est inférieur à 2/3, et s’il persiste un shunt gauche-droit significatif (rapport de débit > 1,5), et ceci à l’état basal ou sous vasodilatateur pulmonaire. Rappelons que la mesure du débit et des résistances, en cas de shunt, ne peut se faire que par la méthode de Fick.
On peut distinguer chez ces patients ayant une HTAP associée à une CIA deux populations : la première, plus jeune et moins nombreuse, ayant des résistances pulmonaires très élevées, la deuxième plus âgée, plus nombreuse, ayant des résistances augmentant de façon progressive avec l’âge.
Dans ce deuxième groupe, les pressions pulmonaires baissent de la même façon après fermeture de la CIA, quel que soit leur niveau de départ, et donc sans se normaliser pour les plus élevées(27).
Lorsque le niveau des pressions pulmonaires contre-indique la fermeture de la CIA, Kijima a proposé de donner un traitement vasodilatateur pulmonaire, et de fermer la CIA après réévaluation du patient quelques semaines après(28).
Contre-indications
Les contre-indications à la fermeture de CIA par voie percutanée sont donc maintenant rares, mais doivent être connues :
• Contre-indications absolues :
- CIA avec HTAP sans shunt significatif, syndrome d’Eisenmenger ;
- CIA de « décharge » : dysfonction diastolique (OG-OD), Ebstein (OD-OG)…
- rebord postéro-inférieur déficient (rebord de la VCI).
• Certains patients doivent être traités avant la procédure :
- vasodilatateurs pulmonaires en cas d’HTAP, pour rendre le patient « éligible » ;
- ablation de fibrillation atriale si elle est possible, et fermeture de la CIA après 3 mois de stabilité rythmique, pour optimiser les chances de maintien du rythme sinusal en post-procédure.
• Chez l’enfant, le risque de complication étant plus important, l’indication de fermeture de la CIA doit être retenue en fonction du rapport bénéfice/risque, et en se souvenant des chances de fermeture spontanée. En cas de grande CIA, avec un rapport taille de la CIA sur taille du septum trop important, la fermeture chirurgicale est préférable.
L’ETT suffit habituellement
Pour retenir l’indication de fermeture de CIA par voie percutanée et dépister les CIA complexes, l’échocardiographie transthoracique est habituellement suffisante. La planification de la procédure se fait par contre en échographie transœsophagienne, au mieux, à l’aide de l’imagerie 3D, et par l’équipe interventionnelle. Certaines particularités anatomiques : rebords rétro-aortiques déficients, malalignement ou malattachement septal ne contre-indiquent pas la procédure mais doivent rendre plus vigilants en raison du risque plus élevé de complication per ou post-procédure.
Références sur demande à la rédaction : biblio@axis-sante.com
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