Publié le 01 nov 2017Lecture 5 min
Évaluation de l’insuffisant cardiaque en réadaptation cardiovasculaire
Michèle DEKER, Paris
Un nombre croissant de patients souffrant d’insuffisance cardiaque (IC) sont accueillis en réadaptation cardiovasculaire, avec pour objectifs de poursuivre l’évaluation, d’optimiser les traitements, d’améliorer la qualité de vie et de fournir un accompagnement socio-professionnel.
Améliorer la performance ventriculaire en ralentissant la FC
La fréquence cardiaque (FC) joue un rôle clé dans l’adaptation du débit cardiaque. Sa diminution permet d’améliorer la performance ventriculaire, comme l’a montré l’étude SHIFT où l’ajout d’un bradycardisant pur, l’ivabradine, au traitement bêtabloquant s’est traduit par un effet bénéfique synergique avec une réduction des hospitalisations pour IC. En effet, bien que les bêtabloquants et l’ivabradineagissent tous deux sur la FC, leurs modes d’action sont différents mais complémentaires, d’où les résultats de l’étude SHIFT. Pour rappel, la FC est, avec le volume d’éjection systolique (VES), l’un des deux facteurs permettant l’adaptation du débit cardiaque (Qc) qui est fonction des volumes télédiastolique et télésystolique. Le seul moyen pour le cœur de s’adapter en cas d’IC est d’augmenter sa fréquence via l’activation neurohormonale, laquelle a des conséquences délétères. Les bêtabloquants et l’ivabradinediminuent la FC ; chaque baisse de 5 bpm s’accompagne d’une réduction de 18 % de la mortalité démontrée pour les bêtabloquants, mais sans relation dose/effet ; le ralentissement de la FC sous ivabradine quant à lui est associé à une augmentation rapide du VES comparativementau placebo, effet observé plus tardivement avec le bêtabloquant.
De plus, le bénéfice du ralentissement de la FC passe par un allongement du temps de diastole, donc du temps de remplissage ventriculaire. L’effet de l’ivabradine, là encore, diffère de celui des bêtabloquants : alors que ces derniers prolongent la relaxation isovolumique, ce qui a pour effet de diminuer la capacité de remplissage, l’ivabradine ne modifie ce paramètre ni au repos ni à l’effort. L’ivabradine raccourcit la contraction post-systolique sans modifier l’épaississement pariétal. Il s’ensuit une prolongation de la diastole efficace permettant une meilleure perfusion myocardique alors que les bêtabloquants allongent la contraction isovolumique.
Enfin, deux facteurs conditionnent la vidange ventriculaire : la contractilité des fibres myocardiques et la postcharge. Chez le patient IC, les fibres myocardiques sont incapables de répondre à la stimulation générée par la FC, alors qu’elles recouvrent une force de contractilité par le seul fait du ralentissement de la FC sous ivabradine. La diminution de la FC impacte aussi la composante pulsatile de la postcharge, à savoir la compliance artérielle qui est améliorée par l’action bradycardisante de l’ivabradine, sans modification des résistances périphériques totales. Il en résulte un meilleur couplage ventriculo-artériel.
L’ensemble des effets bénéfiques exercés par la bradycardie induite par l’ivabradine aboutit à une amélioration rapide du volume d’éjection systolique, d’où une meilleure perfusion tissulaire, une réduction de l’activation neurohormonale, et à long terme un moindre remodelage inverse.
La mesure de VO2 en réadaptation
Le test d’effort avec mesure de VO2 est une exploration intégrée des fonctions pneumo-cardiomusculaires dans des conditions où l’organisme doit faire appel à ses réserves. Elle a pour objectifs principaux d’évaluer et quantifier la tolérance à l’effort, de déterminer les mécanismes de l’intolérance à l’effort, d’évaluer la réponse aux traitements, d’initier un réentrainement à l’effort. Le VO2 est le produit de la fréquence cardiaque, du volume d’éjection systolique et de la quantité d’oxygène disponible : VO2 = FC x VES x (CaO2 – CvO2). Par conséquent, la VO2 permet d’explorer les pathologies cardiaques qui modifient le débit cardiaque (Qc), ainsi que les maladies respiratoires ou le déconditionnement musculaire. Son évaluation doit tenir compte de l’âge et du sexe, en adaptant les valeurs de référence au poids et à la masse musculaire du patient.
L’interprétation des résultats demande à répondre à plusieurs questions :
– le VO2 est-il cohérent avec la puissance développée pendant l’exercice ? Chez le sujet sain, la relation entre VO2 et puissance est linéaire et la pente est d’environ 10,3 ± 2 ml O2/min/W ;
– l’exercice est-il maximal (ou symptôme-limité, ce qui est fréquemment observé en pneumologie, du fait de la dyspnée et de la fatigue) ? Ainsi, certains patients souffrant de BPCO développent une hyperventilation dynamique caractérisée par une limitation des débits expiratoires ; pour augmenter sa ventilation, le patient augmente son volume courant en se rapprochant de la capacité résiduelle fonctionnelle, le temps expiratoire s’allonge, ce qui constitue un facteur limitant.
Une limitation cardiovasculaire lors de l’exploration de VO2 se caractérise notamment par la persistance de la réserve ventilatoire (rapidement épuisée en cas de limitation respiratoire), une atteinte rapide de la FC max et une diminution du seuil ventilatoire (corrélé au seuil de dyspnée chez le patient BPCO).
Retour sur les recommandations dans le traitement de l’IC
Les nouvelles recommandations ESC ont précisé la place des différentes thérapeutiques dans le cadre du traitement médical optimal. Dans cette stratégie, il est possible de prescrire en 1re ligne simultanément un bêtabloquant et un IEC, au lieu de débuter par un IEC avant d’introduire un bêtabloquant. Si ces deux thérapeutiques ne suffisent pas, on peut ajouter un antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes. En 3e ligne, viennent l’ivabradine et le sacubitril/valsartan en cas de persistance des symptômes, qui ont tous deux montré des bénéfices d’ampleur comparable sur la mortalité cardiovasculaire ou les hospitalisations pour aggravation de l’IC : -18 % pour l’ivabradine dans l’étude SHIFT chez les patients en rythme sinusal dont la FC demeurait > 70 bpm ; -20 % pour le sacubitril/valsartan dans l’étude PARADIGM, chez les patients ayant toléré une pleine dose d’IEC et dans la limite d’une PAS > 100 mmHg. Le choix entre ces deux thérapeutiques est donc fonction des comorbidités et des valeurs de FC et PA ; cependant les deux peuvent être combinés.
Évaluation multiparamétrique de l’IC en réadaptation
Cette évaluation est basée sur :
– la symptomatologie, appuyée sur des questionnaires d’incapacité fonctionnelle, de qualité de vie et de troubles cognitifs (pour apprécier la capacité du patient à gérer son traitement) ;
– l’examen clinique et l’ECG ;
– l’échocardiographie (Simpson biplan) ou l’IRM ;
– la biologie (peptides natriurétiques, en préférant le NT-pro-BNP au BNP),
– l’évaluation à l’effort, après un bilan pneumologique : test de marche de 6 min, épreuve d’effort cardiorespiratoire — FC et PA à l’effort, pic de VO2, 1er seuil ventilatoire (SV1) ; et paramètres pronostiques ;
– appréciation rythmologique.
Cette évaluation permet tout au long du programme de réadaptation de réaliser le programme éducatif et les adaptations posologiques, d’optimiser le réentrainement physique, tout en conseillant le patient pour son avenir et envisager la réinsertion professionnelle.
D’après un symposium avec la participation de A. Cohen-Solal, M. Ovize, F. Carré, D. Piperno, P. Meurin et J.-P. Van de Walle
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :