Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 01 jan 2018Lecture 7 min
AHA - Quoi de neuf en rythmologie ?
Walid AMARA, Unité de rythmologie, GHI Le Raincy-Montfermeil
Le congrès de l’American Heart Association à Anaheim a été riche en données présentées. Outre, deux late-breaking trials qui étaient attendus : ABRIDGE J et BRUISE CONTROL 2, plusieurs autres études ont été présentées avec un premier sujet, la fibrillation atriale.
BRUISE CONTROL 2 : pose de PM ou DAI sous AOD
D’après Birnie DH et coll.
L’étude BRUISE CONTROL 2 s’est intéressée à la question de gestion du traitement anticoagulant oral direct (AOD) en cas d’implantation d’un stimulateur ou d’un défibrillateur cardiaque. En effet, deux bras ont été évalués : la réalisation de l’intervention sous AOD non arrêtés ou suspendus. Pour rappel, la même équipe avait publiée dans le New England Journal of Medicine (Birnie DH et al. N Engl J Med 2013 ; 368 : 2 08493), une étude randomisée évaluant la pose de stimulateurs cardiaques sous AVK non arrêtés ou relayés par héparine. La réalisation de l’intervention sous AVK était associée à une réduction du risque d’hématome de loge de 80 %.
La survenue d’un hématome de loge reste une question importante car la présence d’hématome de loge a été associée à une augmentation du risque d’infection à long terme qui atteint 10 %.
L’étude BRUISE CONTROL 2 est une étude prospective randomisée multicentrique qui a inclus des patients prenant un des trois AOD, dabigatran, rivaroxaban ou apixaban, pour une FA et ayant score CHA2DS2VASc de 2 ou plus, et adressés pour la pose d’un stimulateur ou défibrillateur cardiaque. Dans le groupe suspension, le traitement par apixaban et rivaroxaban était arrêté 48 h avant la procédure. Le délai d’arrêt du dabigatran dépendait de la clairance de la créatinine en Cockroft. L’AOD était repris 24 h après la procédure.
Le critère primaire de jugement était la survenue d’un hématome de loge d’implantation nécessitant une réintervention, une prolongation de l’hospitalisation et/ou la suspension du traitement anticoagulant d’au moins 24 h.
L’étude a inclus des patients âgés en moyenne de 73 ans, et dont le score CHA2DS2VASc moyen était de 4. L’étude a été interrompue précocement après n’avoir inclus que 662 patients. Après 4 ans de suivi, il n’a pas été retrouvé de différence sur le critère primaire de jugement dont le taux était proche de 2 % (tableau 1).
De même, il n’a été noté aucune différence sur les critères secondaires de jugement qui sont notés dans le tableau 2. À noter 2 AVC ischémiques dans cette étude : un dans chaque bras. Dans le bras maintien un hématome ayant justifié l’arrêt du traitement anticoagulant qui a été suivi pendant la phase d’arrêt d’un AVC ischémique, un dans le bras AOD suspendu alors que l’AOD était justement suspendu.
Au total, cette étude montre que le risque d’hématome de loge après pose de stimulateur ou défibrillateur cardiaque reste faible. Aucune stratégie de maintien ou de suspension du traitement AOD n’a montré sa supériorité.
Cette étude vient montrer que si le patient est à haut risque d’AVC et/ou s’il nécessite une intervention urgente, qu’il est possible d’effectuer l’intervention sous AOD. Elle montre aussi que la stratégie de suspension transitoire du traitement AOD est sûre et bien tolérée.
ABRIDGE J : ablation de FA sous dabigatran brièvement suspendu
D’après Nogami A (late-breaking trials)
L’étude ABRIDGE J est une étude randomisée monocentrique japonaise qui a inclus 504 patients adressés pour ablation de FA. Les patients ont été randomisés entre une interruption transitoire et brève d’au moins 8 heures du dabigatran et la réalisation de l’ablation sous warfarine non interrompue. Le critère principal de jugement comprenait les hémorragies majeures (selon les critères ISTH) à 3 mois de suivi. L’ensemble des critères de jugement ont été évalués à 12 mois.
Cette étude fait suite à l’étude multicentrique RE-CIRCUIT présentée à l’ACC et publiée dans le New England Journal of Medicine, et qui a randomisé des patients adressés pour ablation de FA entre réalisation de l’ablation sous dabigatran non arrêté versus AVK non arrêtés.
L’étude RE-CIRCUIT a inclus 704 patients. Le traitement anticoagulant a été débuté 4 à 8 semaines avant l’ablation et maintenu jusqu’à 8 semaines après.
Les patients sous dabigatran ont présenté significativement moins d’hémorragies majeures durant l’ablation ou dans le mois qui a suivi, en comparaison à la warfarine (1,6 % vs 6,9 %, p < 0,001) qui était le critère primaire de jugement (figure 1).
Figure 1. Critère primaire de l’étude RE-CIRCUIT.
Ce sont particulièrement les taux de tamponnade et d’hématome au point de ponction qui étaient significativement moindres sous dabigatran. Il n’y a pas eu de différence sur le taux d’hémorragies mineures. Concernant, les événements thromboemboliques, il n’en a été noté qu’un dans le groupe warfarine.
Revenons à l’étude ABRIDGE J. Dans cette étude, sous dabigatran, la majorité des patients ont été interrompus moins de 24 heures et la majorité d’entre eux n’ont pas eu de relais par héparine (à l’exception de l’héparine per-procédure). Pour la majorité des patients traités par dabigatran, l’interruption de l’AOD est inférieure à 24 heures (près de 60 %). Une faible proportion (14 %) reçoit une héparinothérapie de relais. En cas d’interruption d’au moins 24 heures, la majorité des patients recevaient un relais par héparine (figure 2).
Figure 2. Délai d’arrêt du dabigatran avec ou sans relais par héparine.
Il a été noté significativement moins d’hémorragies majeures sous dabigatran (figure 3) soit 3 événements (1,4 %) dans le groupe dabigatran versus 11 événements (5 %) dans le groupe warfarine. Ce résultat s’observe dans tous les sous-groupes de patients. Ce bénéfice se maintient à 12 mois sans augmentation des accidents thromboemboliques.
Figure 3. Hémorragies majeures dans l’étude ABRIDGE J.
Au total, l’étude ABRIDGE J montre que l’ablation de FA sous dabigatran temporairement suspendu en comparaison à sa réalisation sous AVK non suspendu est associée à une réduction du risque d’hémorragie majeure sans augmentation du risque d’événement thromboembolique.
À noter que le dernier consensus d’experts HRS/EHRA/ECAS/APHRS/SOLAECE autorise l’ablation de FA sous dabigatran et rivaroxaban non arrêtés (classe I) et sous apixaban non arrêté (classe IIa).
TNT-POAF : toxine botulique peropératoire pour prévenir la FA postopératoire
D’après Waldron NH et coll.
Cette étude a été présentée en late-breaking trials également. Elle a inclus des patients pris en charge en chirurgie pour pontage ou remplacement valvulaire. Les patients ne devaient pas avoir d’antécédent de FA persistante prolongée. On note même que < 5 % avaient un antécédent de FA. Les patients ont été randomisés pour recevoir une injection per-opératoire de toxine botulique dans le graisse entourant les 4 veines pulmonaires et l’auricule gauche ou une injection de sérum physiologique (figure 4).
Figure 4. Sites d’injection de la toxine botulique.
Le critère primaire de jugement était le délai de survenue d’une FA paroxystique d’au moins 30 secondes avant et après ajustement pour différents facteurs de risque (traitement IEC, antécédent de BPCO, de FA, type de chirurgie valvulaire, âge).
L’étude a inclus 130 patients. L’âge moyen était de 67 ans et la majorité des patients ont eu un pontage seul. S’il était noté une tendance à moins d’épisodes de FA dans le groupe traité (figure 5), cette différence n’était cependant pas significative.
La durée du premier épisode de FA était cependant plus courte : 1,9 heure versus 5,5 heures (p = 0,01).
Figure 5. Critère primaire de jugement : délai de survenue d’une FA paroxystique.
Au total, cette étude fournit une piste de prévention des épisodes de FA qui justifiera de plus larges études avant d’être démontrée.
Phénotypes de la FA et risque cardiovasculaire et hémorragique
D’après Inohara T. (JAMA Cardiology 2017)
La FA est habituellement classée en forme paroxystique, persistante ou permanente, mais cela ne semble pas affecter le pronostic. Les auteurs ont classé les patients du registre ORBIT-AF en 4 clusters :
– 1. les patients avec les niveaux de facteurs de risque et de comorbidités les plus bas ;
– 2. les patients jeunes avec comorbidités ;
– 3. les patients avec syndrome de tachy-bradycardie qui ont nécessité la pose d’un stimulateur cardiaque ;
– 4. les patients avec coronaropathie, infarctus du myocarde ou athérosclérose en général.
En comparaison aux patients du cluster 1, tous les autres étaient associés à une augmentation significative du risque d’événement cardiovasculaire ou neurologique majeur (figure 6).
Figure 6. Risque d’événement cardiovasculaire et neurologique majeur.
Le risque d’hémorragie majeure selon l’ISTH était également augmenté de manière significative dans les clusters 2, 3 et 4 (HR respectifs de 1,35 [1,05-1,73] ; 1,24 [1,05-1,47] et 1,13 [0,96-1,33]). La catégorie de FA et la taille de l’oreillette n’affectaient pas le pronostic.
Au total, cette étude montre que le phénotype de la FA affecte le pronostic. Celui-ci est influé par des facteurs autres que la catégorie de la FA et la taille de l’oreillette gauche mais plutôt par les comorbidités.
En pratique
Au total, je reviens de l’AHA avec le message pratique suivant : le pronostic de mes patients en FA est lié à leurs comorbidités.
Lorsque les patients sont sous AOD, nous avons maintenant de plus en plus de données quant aux procédures de rythmologie.
Il est possible de mettre un stimulateur ou défibrillateur cardiaque sans arrêter le traitement et sans augmenter le risque du patient.
Il est possible d’effectuer une ablation de FA sous traitement AOD avec ou sans arrêt avec là aussi des données très rassurantes.
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