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Insuffisance cardiaque

Publié le 01 jan 2018Lecture 7 min

AHA - Quoi de neuf dans le domaine de l’insuffisance cardiaque ?

Olivier LAIREZ, Fédération des services de cardiologie ; Département de médecine nucléaire ; Centre d’imagerie cardiaque, CHU de Rangueil, Toulouse ; Faculté de médecine, Toulouse-Rangueil, Université Paul Sabatier, Toulouse

À seulement deux mois du congrès de l’ESC où ont été présentés la plupart des résultats des grandes études de l’année dans le domaine de l’insuffisance cardiaque, l’AHA 2017 ne promettait pas de grandes annonces sur le papier. Pourtant, malgré l’absence de résultats majeurs dans le domaine, les travaux qui ont été présentés à Anaheim reflètent assez bien l’état des lieux en insuffisance cardiaque en 2017.

Prévenir avant de guérir Les difficultés que l’on connaît à trouver de nouvelles cibles thérapeutiques pour diminuer la mortalité de l’insuffisance cardiaque amène légitimement à s’interroger sur l’impact des thérapeutiques de prévention. Chinese BP L’étude Chinese BP s’est intéressée à l’impact du temps passé aux objectifs tensionnels (c’est-à-dire une pression artérielle inférieure à 140/90 mmHg) parmi 169 082 patients nouvellement hypertendus (pression artérielle ≥ 140/90 mmHg ou ≥ 150/90 mmHg pour les personnes de 60 ans et plus, en l’absence de diabète ou d’insuffisance rénale) et indemnes de maladie cardiovasculaire sur un suivi médian de 4,9 ans. Les résultats de cette étude montrent que le temps médian passé aux objectifs tensionnels est de 2,8 mois par an et par patient, et que seulement 0,6 % des patients atteignent les 11 mois par an aux objectifs. Le temps passé aux objectifs tensionnels a un impact direct sur les événements cardiovasculaires définis par un critère composite associant décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral puisqu’en comparaison aux patients aux objectifs durant 1 à 2 trimestres, les patients aux objectifs durant 2 à 3 trimestres et 3 à 4 trimestres voient une réduction de leur risque de 27 et 30 %, respectivement (odds ratios ajustés 0,73 et 0,70, respectivement). Un temps aux objectifs à moins de 3 mois et à moins d’un mois augmente le risque cardiovasculaire d’un ratio de 1,8 et 4,5, respectivement. L’augmentation du risque d’insuffisance cardiaque qui figure parmi les critères primaires de l’étude pour ces mêmes patients est de 1,7 et 3,5, respectivement (figure 1). Figure 1. Risque relatif d’insuffisance cardiaque en fonction du temps passé aux objectifs de pression artérielle (étude Chinese BP). Ces résultats nous montrent qu’il existe encore un champ d’action dans l’optimisation du profil tensionnel de nos patients, qui nécessite un contrôle rapproché des chiffres tensionnels tout au long de l’année, permettant de réduire l’incidence de l’insuffisance cardiaque. EMPA-REG OUTCOME Deux ans après la présentation des résultats de l’étude EMPAREG OUTCOME qui avait montré le bénéfice sur la morbimortalité cardiovasculaire de l’empagliflozine, un inhibiteur du cotransporteur sodium-glucose 2, chez les patients diabétiques à haut risque cardiovasculaire(1), c’est une sous-étude reprenant les 7 018 patients inclus qui s’est intéressée aux effets de la molécule sur la morbi-mortalité cardiovasculaire chez les patients les plus à risque atteints d’artériopathie des membres inférieurs. On se souviendra que le bénéfice de la molécule sur la mortalité était essentiellement à attribuer à une réduction du risque d’insuffisance cardiaque de 35 %(1). Un cinquième des patients de l’étude étaient atteints d’une artériopathie des membres inférieurs à l’inclusion. Après un suivi médian de 3,1 ans, les patients atteints d’une artériopathie des membres inférieurs randomisés dans le groupe empagliflozine ont vu une réduction de leurs mortalités totale et cardiovasculaire de 38 % (HR 0,62 [IC95% 0,44-0,88]) et 43 % (HR 0,57 [IC95% 0,37-0,88]), respectivement. Ici encore, ce bénéfice en termes de mortalité passe essentiellement par une réduction du risque d’insuffisance cardiaque de 44 % (HR 0,56 [IC95% 0,35-0,92]). Ces deux études démontrent que le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire reste encore un des domaines d’intervention essentiels dans la diminution de la mortalité attribuable à l’insuffisance cardiaque. Quelles avancées pour les techniques de régénération ? Chaque année voit de nouveaux résultats dans le domaine des biothérapies avec ses lots de succès et d’échecs. Cette année, deux essais cliniques de thérapie cellulaire dans le domaine de l’insuffisance cardiaque ont été rapportés lors de ce congrès de l’AHA. Ces deux essais randomisés contre placebo ont étudié l’effet de l’administration intracoronaire de cellules souches allogéniques, l’un sur des cardiomyopathies ischémiques (étude ALLSTAR), l’autre sur des cardiomyopathies dilatées associées à la maladie de Duchenne (étude HOPE-Duchenne). ALLSTAR L’étude ALLSTAR a randomisé 142 patients entre 1 et 12 mois après un infarctus du myocarde avec pour critère primaire l’évolution de la taille d’infarctus mesurée par IRM à 12 mois. À l’issue des 12 mois, les 2 groupes ont vu diminuer la taille de l’infarctus sans différence entre le groupe cellules souches et le groupe placebo. Bien que le résultat de cette étude soit négatif sur le critère primaire, les auteurs ont pu constater une moindre augmentation du volume télédiastolique du ventricule gauche à 12 mois, témoignant d’un possible effet préventif des cellules souches sur le remodelage ventriculaire post-infarctus. HOPE-Duchenne De son côté, l’étude HOPE-Duchenne a randomisé 25 hommes d’un âge moyen de 18 ans atteints de cardiomyopathie dilatée associée à une myopathie de Duchenne. Les patients ont été randomisés en 2 groupes : cellules souches ou soins standards avec ici encore, un critère primaire basé sur l’évolution structurelle du myocarde à 12 mois en IRM. À l’issue des 12 mois, les patients du groupe cellules souches ont vu une diminution de la taille de la cicatrice fibreuse (figure 2) et une augmentation de l’épaisseur de la paroi postérieure du myocarde en IRM, non retrouvée dans le groupe de soins standards. Ces modifications structurelles du myocarde s’accompagnent d’une amélioration des performances musculaires des membres supérieurs dans le groupe cellules souches, paramètre qui figure parmi les critères secondaires de l’étude. Figure 2. Effets des cellules souches sur la taille du rehaussement tardif en IRM (étude HOPE-Duchenne). Ces résultats en demi-teinte, sans apporter la preuve d’un bénéfice tant sur le plan de la fonction myocardique que de la mortalité, laissent entrevoir la possibilité d’un ralentissement voire d’une réversibilité du remodelage ventriculaire dans l’insuffisance cardiaque avec dysfonction systolique. Où en est-on avec l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée ? Devant le constat d’échec des essais cliniques pharmacologiques dans le domaine de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée, les thérapeutiques interventionnelles tentent d’avancer. Un stent inter-atrial Lors du congrès de l’AHA 2016 avaient été présentés les résultats à 12 mois de la mise en place d’un dispositif implantable pour la création d’un shunt inter-atrial chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (figure 3). Ces résultats encourageants montraient que la création d’un shunt interatrial permettait une amélioration du débit cardiaque qui se traduisait par une amélioration des paramètres fonctionnels et de la qualité de vie(2). Un an après cette étude de faisabilité et de sécurité, ce sont les résultats à 1 mois de l’étude randomisée REDUCE LAP-HF I qui ont été présentés cette année. Cette étude a randomisé 44 patients en 2 groupes : mise en place d’un shunt interatrial et groupe contrôle. La mise en place du dispositif ne s’est accompagnée d’aucune complication (événements cardiaques majeurs, cérébraux-vasculaires et rénaux) et a permis la réduction des pressions capillaires pulmonaires à l’effort -3,2 ± 5,2 contre 0,9 ± 5,1 mmHg à 20 watts, -1,0 ± 4,5 contre -1,9 ± 4,3 mmHg à 40 watts et -2,3 ± 4,9 contre -1,3 ± 4,9 mmHg à 60 watts (p = 0,028). Figure 3. Dispositif inter-atrial testé dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (étude REDUCE LAP-HF I). Ces seuls résultats confirment la faisabilité et la sécurité de mise en place d’un tel dispositif mais sont probablement encore trop préliminaires pour apporter une réponse au problème du traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée. Les effets à long terme du dispositif, notamment sur le lit capillaire pulmonaire, restent encore inconnus. Seule une étude randomisée avec un critère primaire de morbimortalité permettra de valider ce dispositif dans le traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée. Le coup de cœur Dans le domaine de l’insuffisance cardiaque aiguë, la cardiomyopathie de stress (syndrome de Tako-tsubo) fait figure d’une pathologie bénigne une fois passée la phase aiguë. En effet, une évolution spontanément et rapidement favorable sans séquelle était jusqu’à présent considérée comme l’histoire naturelle de cette cardiomyopathie atypique. Une étude dans le domaine présentée lors de ce congrès de l’AHA apporte une vision nouvelle de cette cardiomyopathie dont la physiopathologie reste vraisemblablement mal connue. Cette étude prospective a comparé les évolutions clinique et fonctionnelle de 32 patients ayant présenté une cardiomyopathie de stress à celles de 37 sujets contrôles appareillés pour l’âge, le sexe et les comorbidités. À plus d’un an de la scène clinique ayant inaugurée leur cardiomyopathie, et malgré des fractions d’éjection du ventricule gauche comparables et une absence d’ascension des biomarqueurs de l’insuffisance cardiaque, les patients ayant présenté une cardiomyopathie de stress avaient plus de symptômes et des capacités fonctionnelles diminuées (pic de VO2) en comparaison aux sujets contrôles. Ces anomalies fonctionnelles s’accompagnaient d’une altération des indices de déformation myocardique, d’une augmentation du volume extracellulaire en IRM et d’une altération du statut énergétique myocardique en spectroscopie du Phosphore 31 par résonnance magnétique(3). Ces résultats surprenants démontrent que l’évolution naturelle de la cardiomyopathie de stress amène à l’apparition d’anomalies myocardiques infracliniques qui se traduisent sur le plan fonctionnel par une diminution de capacités d’effort et une exacerbation des symptômes… un tableau qui ressemble étrangement à celui d’une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée.

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