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Échocardiographie

Publié le 01 mar 2018Lecture 8 min

Peut-on mesurer les pressions pulmonaires en échocardiographie ?

Christine SELTON-SUTY, Olivier HUTTIN, Clément VENNER, Laura FILIPPETTI, Yves JUILLIÈRE, CHU de Nancy-Brabois

L’estimation des pressions pulmonaires en échocardiographie est une information importante dans la prise en charge de toutes les cardiopathies et aussi de nombreuses autres pathologies. Elle permet de mettre en évidence une hypertension pulmonaire (HTP) définie en hémodynamique par une PAPm > 25 mmHg(1).

Comment estimer les pressions pulmonaires en échocardiographie ? Depuis l’avènement du Doppler dans les années 80, tous les cardiologues savent estimer une pression systolique dans l’artère pulmonaire (PAPs) à partir de la vitesse maximale du flux d’insuffisance tricuspide (IT). Le principe de Bernoulli permet à partir de celle-ci de calculer la différence de pression entre le ventricule droit (VD) et l’oreille droite (OD). En ajoutant l’estimation de la pression auriculaire droite (POD) à ce gradient, on estime la PAPs en l’absence de sténose pulmonaire (figure 1). L’estimation de la PAPs nous permet ensuite d’approcher la PAP moyenne, ainsi que la PAP diastolique, car ces différentes pressions sont reliées par des relations linéaires quasi parfaites. Par les formules simples telles que celle de Chemla (PAPm = 0,61 x PAPs +2)(2), on peut donc estimer la PAPm. Une autre approche consiste à mesurer le gradient moyen du flux d’IT (en en traçant le contour) et à ajouter à celui-ci l’estimation de la POD (figure 1). En l’absence de flux d’IT de qualité suffisante, l’enregistrement du flux d’insuffisance pulmonaire (IP) permet aussi d’estimer la PAPd à partir du gradient télédiastolique et la PAPm à partir du gradient protodiastolique et d’utiliser la formule empirique PAPs = 3 PAPm-2PAPd pour obtenir la PAPs. Enfin la morphologie du flux sous pulmonaire et notamment son temps d’accélération raccourci, tout comme l’allongement du TRI en Doppler tissulaire enregistré à l’anneau tricuspide, sont des moyens indirects de suspecter une élévation des pressions pulmonaires. Figure 1. Mesure des gradients maximal et moyen à partir du flux d’IT. Les estimations échocardiographiques sont-elles fiables ? Bien évidemment, tous les cardiologues sont conscients qu’ils ne font qu’estimer et non mesurer les PAP en échocardiographie et que, pour être pertinentes, toutes ces mesures de vitesses de flux nécessitent d’être faites avec des bons réglages et avec beaucoup de rigueur, car elles ont des limites. Durant ces dernières années, plusieurs articles ont critiqué la fiabilité de l’échocardiographie dans l’estimation des pressions pulmonaires à l’échelon individuel(3-5). En effet, malgré des corrélations significatives entre hémodynamique et écho, la concordance entre les différentes mesures telle qu’évaluée par la méthode de Bland et Altman n’est pas parfaite. Selon les séries, les limites d’agrément peuvent atteindre 30 voire 40 mmHg de part et d’autre de la moyenne, sans biais important toutefois. Certains auteurs rapportent des discordances entre écho et hémodynamique de plus de 10 mmHg dans plus de la moitié des cas. Néanmoins, une certaine partie de ces études sont critiquables, soit parce qu’elles s’adressent à des patients insuffisants respiratoires(4), qui sont bien évidemment très difficiles en échocardiographie ; soit parce qu’elles sont issues de registres, avec des échographies souvent enregistrées par des techniciens d’écho(5,6) et relues par des médecins de manière non spécifiquement dirigée sur le cœur droit, soit enfin parce qu’un délai relativement long s’est écoulé entre l’échocardiographie et le cathétérisme(3). Par ailleurs, bon nombre de ces études incluent de manière quasi exclusive des patients avec HTP importante, ce qui limite la diffusion de leurs résultats à des populations tout venant. Une étude plus récente(7) avec des mesures quasi simultanées effectuées par des cardiologues experts dans une population d’HTP retrouve un intervalle de limites d’agrément de l’ordre de 20 mmHg. Les auteurs soulignent avec justesse dans leur discussion qu’une telle marge d’erreur reste encore importante et peut être nuisible pour la prise en charge de patients à l’échelon individuel, notamment par exemple dans le domaine de la prise en charge thérapeutique spécifique des hypertensions artérielles pulmonaires (HTAP). Cependant, ces auteurs s’interrogent aussi, et à juste titre, sur la pertinence clinique d’un seul paramètre pour une prise en charge thérapeutique et soulignent que l’échocardiographie apporte de nombreux autres éléments qui permettent un « contrôle interne » de cette estimation unique de la PAPm. L’examen doit être rigoureux Par ailleurs, d’autres auteurs se sont intéressés aux causes d’erreur et ont montré qu’une grande partie des sous-estimations est liée à une mesure de vitesse sur un flux dont l’enveloppe est insuffisamment définie, et que, a contrario, une partie des surestimations est liée à la prise en compte des franges d’un flux « baveux »(8,9). Il faut donc être particulièrement rigoureux sur les réglages d’échelle et de gain et sur la qualité des mesures effectuées. Une de ces études(9) insiste sur l’impact de l’expérience du relecteur d’écho ; ainsi, des mêmes images enregistrées par des techniciens d’écho ont été interprétées une première fois au moment de leur réalisation dans le cadre du fonctionnement standard du laboratoire d’échocardiographie, puis une deuxième fois par un fellow dédié à cette étude et une troisième fois par un expert. Ceci a permis de passer le cœfficent de corrélation r entre hémodynamique et échocardiographie de 0,84 à 0,96 et de réduire l’intervalle des limites d’agrément de [- 33,7 ± 33,3] à [- 12,6 ± 19,3] au prix d’une diminution de 10 % du pourcentage d’IT considérées comme interprétables. Par ailleurs, le fait d’effectuer la mesure de la vitesse maximale de l’IT sur le meilleur des flux enregistrés dans 5 incidences différentes centrées sur la tricuspide (parasternale grand et petit axe, apicale 4 et 2 cavités, et sous-costale) améliore l’aire sous la courbe de 0,85 à 0,89 et la sensibilité de 80 à 87 % sans baisser la spécificité qui reste élevée à 91 % pour la détection d‘HTP en comparaison à l’hémodynamique(10). Enfin, il faut reconnaître qu’une des limites reconnues dans l’estimation des pressions pulmonaires réside dans l’estimation de la POD à partir de la veine cave inférieure. Une étude récente(11) insiste sur la faible fiabilité de cette estimation en comparaison avec l’hémodynamique. L’avenir nous dira si le fait de prendre en compte l’aspect morphologique de l’OD (dilatation, bombement du SIA vers l’OG, etc.) et éventuellement sa fonction évaluée par le strain comme le suggère une étude récente, peut améliorer notre exactitude dans l’évaluation de la POD. Quoi qu’il en soit, Hellenkamp(12) dans une étude comparative des différentes approches d’évaluation des pressions pulmonaires a montré que la meilleure approche permettant de prédire une PAPm hémodynamique ³ 25 mmHg était d’ajouter l’estimation de la POD au gradient moyen du flux d’insuffisance tricuspide et c’est donc celle que nous devons préférer et qui est très facile à appliquer en pratique quotidienne puisqu’il suffit de faire la trace du flux d’IT (figure 1). Ainsi donc, sous réserve de flux de qualité suffisante, de réglages optimisés et de rigueur à la fois dans l’acquisition et dans les mesures, l’échocardiographie est parfaitement capable d’estimer les pressions pulmonaires avec une fiabilité tout à fait acceptable(13). Quelle est la fiabilité de la référence hémodynamique ? Bien évidemment, le cathétérisme qui est considéré comme le gold standard souffre lui aussi de certaines limites. Une variabilité spontanée des mesures de pressions pulmonaires a été démontrée en hémodynamique(14) de l’ordre de 8 % pour la PAPm et de 12 % pour les résistances vasculaires pulmonaires (RVP) lors de mesures répétées toutes les heures pendant six heures. Une mauvaise position du zéro peut entraîner elle aussi des variations significatives du niveau de pression avec à la clé de mauvaises « classifications » cliniques des patients(15). Enfin, l’étude publiée par Halphen en 2009(16) montre bien que l’estimation de la pression télédiastolique ventriculaire gauche à partir de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion est elle aussi sujette à un certain nombre d’erreurs. Néanmoins, le cathétérisme reste pour l’instant indispensable pour confirmer le diagnostic d’HTAP justifiant de traitements spécifiques onéreux et pouvant être délétères dans d’autres formes d’HTP(1). Il reste aussi très utile dans les cas où l’échocardiographie ne permet pas de préciser de manière certaine le type d’HTP. Les recommandations de prise en charge des valvulopathies préconisent aussi la confirmation par le cathétérisme en cas d’indication chirurgicale uniquement liée au niveau de PAP dans les insuffisances mitrales organiques(17). Peut-on se limiter à l’estimation des pressions pulmonaires ? L’évaluation de l’unité cardiopulmonaire ne se limite bien évidemment pas à l’estimation des pressions pulmonaires. Au niveau de la circulation pulmonaire, l’échocardiographie doit estimer les RVP à partir du ratio (Vitesse maximale IT /ITV du flux sous-pulmonaire [figure 2]) (18). Cette formule a toutefois montré qu’elle sous- estimait les RVP chez les patients avec HTP, notamment précapillaire et ce même rapport, avec la vitesse maximale de l’IT élevée au carré comme dans l’équation de Bernoulli, peut être utilisée pour estimer les RVP avec plus de précision chez ces patients(19). Figure 2. Élévation du rapport V max IT/ ITV sous-aortique à 0,29 traduisant une élévation des RVP chez un patient avec HTAP. Notez la morphologie typique du flux sous-pulmonaire, avec un pic précoce, un aspect de notch et un ITV bas. Retenons pour une approche du quotidien qu’un rapport V max IT/ITV ss pulm > 0,2 est fortement évocateur d’une élévation des RVP et donc plutôt en faveur d’une HTP précapillaire. Notons aussi que le flux sous-pulmonaire est un élément très important dans l’appréciation de la circulation pulmonaire(20,21). Sa morphologie à pic précoce et la présence d’un notch mésosystolique reflètent la réflexion anormale de l’onde de flux pulmonaire dans une artère trop rigide et sont donc des arguments forts en faveur d’une HTP. De plus, son ITV est un bon reflet du débit pulmonaire et doit nous alerter dès lors qu’il est inférieur à 15. Cela dit, il est bien évidemment impossible d’évaluer la circulation pulmonaire sans analyser le ventricule droit en amont. Avec l’avènement de l’échographie tridimensionnelle, nous avons maintenant accès aux volumes du VD et nous pouvons utiliser ceux-ci dans des équations simplifiées permettant d’approcher l’élastance artérielle (» PAPm/volume d’éjection VD), mais aussi de l’élastance ventriculaire (» PAPm/VTSVD), ainsi que le rapport des deux permettant d’évaluer le couplage ventriculo artériel(22). Dans cette même idée d’approcher l’adaptation du ventricule droit à sa post-charge, plusieurs auteurs ont développé des paramètres combinés – l’un évaluant la post-charge, l’autre évaluant soit la morphologie du ventricule droit, soit sa dimension longitudinale et ses variations (tableau)(23). Ces différents paramètres semblent particulièrement prometteurs sur le plan pronostique, notamment dans l’insuffisance cardiaque. Enfin, sous réserve d’une échogénicité et d’une fuite tricuspide de qualité suffisante, on peut suivre l’évolution de la pression pulmonaire à l’effort et en parallèle, apprécier l’évolution du débit cardiaque et de paramètres de fonction ventriculaire droite(24). Même si la faisabilité est imparfaite, les résultats rapportés semblent très intéressants pour quantifier la réserve contractile du VD et l’adaptation de la circulation pulmonaire à l’effort. En pratique L’échocardiographie permet une approche globale de l’unité cardio-pulmonaire et plus précisément une estimation fiable des pressions pulmonaires. C’est donc l’examen clé dans le dépistage et le diagnostic de l’hypertension pulmonaire, domaine dans lequel elle apporte en outre des éléments d’orientation quant au caractère pré ou post-capillaire de celle-ci et des informations morphologiques et fonctionnelles à propos de la tolérance du VD face à cette élévation de sa post-charge. Références sur demande à la rédaction : biblio@axis-sante.com

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