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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 01 sep 2018Lecture 4 min

FA : quelle durée nécessaire pour craindre un événement embolique ?

Laurent FAUCHIER, Tours

La fibrillation atriale (FA) se définit sur un ECG de surface par la disparition des ondes P remplacées par des ondes f sur un ECG de surface, sur une durée de plus de 30 secondes. Elle est associée à un risque accru d'accident vasculaire cérébral (AVC), d'insuffisance cardiaque et de mortalité. La durée de la FA peut être importante sur le plan pronostique : la meilleure preuve en est que la FA permanente est associée à un risque accru d'accident vasculaire cérébral par rapport à la FA paroxystique(1). Pour autant, la durée de la FA quel que soit son type n’est pas un critère modifiant l’indication ou non d’un anticoagulant oral qui est seulement basée sur le score CHA2DS2-VASc, supérieur ou égal à 1 chez l’homme et 2 chez la femme(2). En d’autres termes, le sur-risque possiblement lié à la durée plus longue de la FA ne justifie pas d’instaurer un anticoagulant lorsque le score CHA2DS2-VASc est faible, et il est encore plus inapproprié de penser que la durée plus courte de la FA diminue suffisamment le risque d’AVC pour se dispenser d’un anticoagulant lorsque que le score CHA2DS2-VASc est intermédiaire ou élevé.

Arythmies atriales détectées par les prothèses électriques Quelle est la durée témoignant d’un sur-risque thromboembolique chez les patients sans fibrillation atriale par ailleurs ? Parallèlement, les cardiologues sont de plus en plus confrontés à des diagnostics d’arythmies atriales « infracliniques » (atrial high rate épisode ou AHRE) détectés par les pacemakers ou défibrillateurs. On ne peut actuellement considérer ces anomalies comme de la FA à proprement parler, puisqu’il ne s’agit pas là d’événements enregistrés sur un ECG de surface, et que le diagnostic par la prothèse se fait en comparant le nombre d’événements atriaux et ventriculaires, sans analyse de la morphologie des ondes P ou f. L’étude ASSERT est le principal essai prospectif ayant évalué les AHRE et le risque d’AVC chez les patients sans antécédents de FA clinique(3). Dans cette étude, 2 580 patients avec un pacemaker ou un défibrillateur récemment implanté ont été inclus. Tous les patients avaient 65 ans ou plus et une hypertension. Les dispositifs de ces patients ont été interrogés à intervalles réguliers tous les 6 mois afin de détecter des AHRE, définis comme une fréquence atriale d’au moins 190 bpm pendant au moins 6 minutes. Trois mois après l’inclusion, 261 patients (10,1 %) ont eu au moins un diagnostic d’AHRE. Après un suivi moyen de 2,5 ans, ceci était le cas pour 35 % des patients. Au cours du suivi, le taux d’événements thromboemboliques annuels a été de 1,7 % chez les patients avec AHRE dans les 3 mois suivant l’inclusion, et de 0,7 % chez les patients sans AHRE (hazard ratio 2,49 ; IC95% ; 1,28-4,85 ; p = 0,007). Dans les analyses en sous-groupes, le risque thromboembolique n’était augmenté que chez les patients avec AHRE > 24 heures (HR 3,24 ; IC95% : 1,51-6,95 ; p = 0,003) par rapport aux patients sans AHRE. Pour les AHRE d’une durée < 24 heures, le risque thromboembolique paraissait comparable à celui des patients sans AHRE. De même, chez les patients avec AHRE durant 6 à 24 heures, le risque thromboembolique n’était pas augmenté (HR 1,32 ; IC95% : 0,40-4,37 ; p = 0,65) (figure). Figure. Durée des AHRE et incidence des AVC et embolies systémiques dans l’étude ASSERT. Point important, et au contraire de la durée des AHRA, le nombre d’AHRE n’a pas affecté le risque thromboembolique. Le sur-risque d’AVC en cas de AHRE dont la durée est supérieure à 24 heures a été confirmé dans la métaanalyse de Rahimi en 2017(4). Faut-il commencer un traitement anticoagulant chez les patients avec AHRE sans FA documentée par ailleurs ? En tenant compte de cette littérature, il pourrait sembler raisonnable d’envisager un traitement anticoagulant chez les patients sans FA documentée mais avec un diagnostic d’AHRE > 24 heures et un risque thromboembolique significatif. Concernant le niveau du score CHA2DS2-VASc, le traitement anticoagulant chez les patients ayant un score ≥ 1 pour les hommes et 2 pour les femmes semblerait approprié dans ce contexte, comme pour les patients avec FA, mais il ne faut pas perdre de vue que le score CHA2DS2-VASc n’a à ce stade pas été validé dans des cohortes de sujets avec AHRE. Chez les patients avec AHRE de durée plus brève, les données actuelles ne sont pas en faveur d’un traitement anticoagulant en l’absence de FA documentée de manière traditionnelle. La durée devrait être la seule caractéristique de l’AHRE à prendre en considération pour un éventuel traitement anticoagulant. En effet, le nombre d’AHRE ne semble vraiment pas utile pour identifier les patients à haut risque d’AVC. Néanmoins, les recommandations 2016 de l’ESC ne retiennent pas d’indication formelle de traitement anticoagulant pour ces patients avant les résultats des essais en cours. Elles indiquent en revanche que les patients avec AHRE devraient avoir des évaluations complémentaires afin de rechercher la FA par des méthodes traditionnelles (ECG 12D ou Holter ECG répétés) ce qui permet alors de les traiter le plus tôt possible lorsque la FA est confirmée(2). Les essais ARTESiA avec l’apixaban et NOAH-AFNET avec l’edoxaban nous donneront des réponses sur le bénéfice éventuel des traitements anticoagulants chez les patients avec AHRE sans FA documentée par ailleurs. Dans le cadre de ces essais prospectifs randomisés en double aveugle, les patients avec AHRE recevront un placebo ou un anticoagulant oral direct. Dans ARTESiA, les AHRE sont définies comme une fréquence atriale > 175 bpm d’une durée ≥ 6 minutes, alors que dans NOAH-AFNET, la définition est légèrement différente, avec une fréquence atriale ≥ 180 bpm sur une durée ≥ 6 minutes. Les analyses en sous-groupes pourront éclairer sur les durées d’arythmies associées à des bénéfices plus ou moins marqués du traitement par AOD. En pratique Les AHRE sont fréquentes chez les patients avec stimulateurs cardiaques ou défibrillateurs sans antécédent de FA. Les AHRE sont associées à un risque thromboembolique accru (mais plus faible que dans la FA clinique), et ce risque semble pour partie fonction de la durée de l'AHRE. Il semblerait raisonnable d’envisager un traitement anticoagulant chez les patients sans FA authentique avec un score CHA2DS2-VASc augmenté chez qui au moins un épisode de l'AHRE > 24 heures a été détecté mais cette stratégie n’est pas validée à ce jour ni retenue dans les recommandations ESC de 2016, dans l’attente des résultats des essais randomisés en cours avec les AOD.

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