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Coronaires

Publié le 01 sep 2018Lecture 5 min

Lésions coronaires avant TAVI : un sujet essentiel

Pierre DEHARO, Thomas CUISSET, service de cardiologie adulte, Hôpital la Timone, Marseille

Le traitement des sténoses aortiques a nettement évolué depuis une décennie. En effet, l’arrivée du TAVI (Transcathéter aortic valve implantation) a révolutionné la prise en charge de cette maladie. Après avoir été réservée aux patients contre indiqués à la chirurgie de remplacement valvulaire aortique, cette technique est actuellement recommandée pour les patients à haut risque chirurgical et s’impose aujourd’hui également comme une alternative valide pour les patients à risque intermédiaire(1). La coexistence de lésions coronaires est fréquente dans les cas de sténoses aortiques serrées du fait de l’âge moyen de cette population (> 50 % pour les TAVI de plus de 70 ans et 65 % si > 80 ans)(2). De plus, la coronarographie systématique, qui fait partie du bilan pré-interventionnel d’un TAVI, aboutit à la découverte de lésions coronaires, parfois asymptomatiques, angiographiquement significatives. Dans ce contexte, il est difficile de distinguer la part de la coronaropathie et du rétrécissement aortique dans la symptomatologie des patients.

De ce fait, devant l’augmentation constante du nombre de patients traités par TAVI et leur âge de plus en plus jeune, la prise en charge des lésions coronaires associées devient un sujet essentiel. La problématique dans le cadre du TAVI est l’accessibilité aux artères coronaires après implantation du TAVI. En effet, les 2 valves les plus utilisées actuellement (Sapien® 3 et CoreValve®) rendent parfois l’accès aux artères coronaires plus complexe. De ce fait le traitement des lésions significatives est en général réalisé avant la procédure de TAVI, ce qui facilite la procédure coronaire percutanée. Néanmoins la problématique est de déterminer quelles lésions doivent être traitées dans cette population particulière (âgée, avec souvent multiples comorbidités…), chez qui la mise en route d’une bithérapie antiplaquettaire post-stent peut poser des problèmes hémorragiques, notamment pendant la procédure de TAVI. Recommandations actuelles Les recommandations concernant la prise en charge des lésions coronaires associées à une sténose aortique serrée devant bénéficier d’un TAVI sont anciennes et reposent sur des consensus d’experts(1). En effet aucune étude randomisée n’est disponible dans cette thématique. Les données de larges registres observationnels sont discordantes. En effet, D’Ascenzo et coll. ne montrent pas de lien entre coronaropathie et surmortalité après TAVI alors que Stefanini et coll. montrent un sur-risque chez les patients avec atteinte coronaire complexe définie par un SYNTAX score > 22(3,4). L’impact bénéfique de l’angioplastie coronaire en cas de coronaropathie et TAVI associés est, elle encore discutée(5-8). La plupart des registres montrent un pronostic à 1 an identique pour les patients revascularisés complétement ou non(5,9). Les recommandations de 2014 sur la revascularisation coronaire recommandaient en grade IIa C la revascularisation percutanée des lésions coronaires de plus de 70 % angiographiquement dans un segment coronaire proximal. Le timing de la revascularisation (même procédure ou différée) est laissé à l’appréciation du clinicien. L’actualisation des recommandations de la société européenne de cardiologie sur les valvulopathies (ESC 2017) n’apportent aucune modification à ces données. Lésions critiques avant TAVI La revascularisation des lésions critiques (angiographiquement > 90 %) dans des troncs coronaires proximaux paraît une recommandation acceptable. Malgré l’absence d’études spécifiques au TAVI, il est généralement admis que la revascularisation des lésions de 90 % ou évaluées angiographiquement entre 50 et 90 % avec évidence d’ischémie (test non invasif ou FFR) est bénéfique pour le patient. Dans les recommandations, l’absence de nécessité de mise en évidence d’ischémie coronaire dans les cas de lésion > 70 % s’explique par les difficultés anticipées de traitement coronaire percutané après implantation du TAVI. Néanmoins, le bénéfice de cette attitude n’est pas prouvé chez des patients en général âgés avec athérome le plus souvent calcifié et plaques coronaires stables. Une étude randomisée spécifique est nécessaire pour la prise en charge des lésions non critiques (50-90 %) asymptomatiques chez le sujet devant bénéficié de TAVI. Celle-ci randomiserait les patients en traitement par TAVI + traitement médical optimal versus TAVI + angioplastie des lésions > 70 %. La figure 1 donne un exemple de lésion ostiale IVA critique revascularisée avant le TAVI du fait de la sévérité angiographique de la lésion et de l’importance du territoire d’aval. À l’inverse, la figure 2 donne un exemple de lésion modérée distale circonflexe qui sera respectée du fait du caractère non critique angiographique de la lésion. Il est nécessaire d’évaluer la faisabilité d’un TAVI par voie fémorale percutanée avant de prendre la décision d’une angioplastie coronaire. En effet, les voies non percutanées imposent une monoantiagrégation plaquettaire qui ne peut se faire que 1 mois après le stenting coronaire. À l’inverse, une voie transfémorale percutanée est possible sous double anti agrégation plaquettaire. De ce fait, la voie d’abord est un paramètre à prendre en compte lors de l’évaluation des lésions coronaires. Figure 1. Homme, 85 ans. Angor et dyspnée NYHA 3 ; RAO serré 0,5 cm2/m2, FE 60 % ; candidat au TAVI TF ; lésion 80 % IVA ostiale. Figure 2. Femme, 82 ans. NYHA 3 et syncope ; RAO serré : 0,35 cm2/m2, G 90 mmHg, FE 50 % ; candidate mais sans accès fémoraux ; lésion 70 % circonflexe distale. Lésions intermédiaires et place de la FFR L’évaluation des lésions intermédiaires devient donc un enjeu capital dans le cadre du TAVI. En pratique clinique courante la FFR s’est imposée comme la technique de référence pour l’évaluation et la prise en charge des lésions intermédiaires (50-90 %) et est recommandée avec un grade IA. Il est donc logique de penser que l’évaluation des lésions intermédiaires par FFR pourrait guider la stratégie de revascularisation percutanée des patients en attente de TAVI. Les données de Stanojevic et coll. confirment la faisabilité de la FFR dans les patients pré-TAVI(10). Pesarini et coll. ont démontré la fiabilité des valeurs de FFR, sans modification significative des chiffres de FFR, avant et après TAVI pour une même lésion(11). Néanmoins plusieurs obstacles à la généralisation de la FFR avant TAVI existent : • La population devant bénéficier d’un TAVI diffère des patients inclus dans les études ayant validé la FFR (DEFER, FAME et FAME 2) et ses seuils. En effet, le bénéfice conféré par la revascularisation ou l’absence de revascularisation selon le seuil de FFR est démontré sur le long terme avec une baisse des revascularisations jusqu’à 5 ans. La population devant bénéficier d’un TAVI présente le plus souvent une espérance de vie plus faible. • L’applicabilité même de la technique de FFR et la validation du seuil dans la sténose aortique sévère est discutable. Aucun seuil n’a été évalué dans cette population. La mesure risque d’être faussée par les anomalies de la micro-circulation qui perturbent l’hyperhémie optimale et par une pression élevée dans l’oreillette droite en cas de décompensation cardiaque. Ceci peut conduire à un chiffre de FFR plus élevé donc à une sous-estimation de la lésion. Ce risque d’erreur doit être pris en compte chez ces patients. Il existe d’après les dernières études une « zone d’ombre » pour les chiffres de FFR entre 0,80 et 0,88. Lorsque la FFR est inférieure à 0,80, elle peut être considérée comme significative. Lorsqu’elle est supérieure à 0,88, elle est négative, mais entre ces deux chiffres, l’interprétation est soumise à caution. Une redéfinition et validation à large échelle du chiffre seuil de FFR chez les patients porteurs de RAO serrée est en attente. En pratique Il apparaît raisonnable de traiter les lésions coronaires > 90 % dans des troncs proximaux avant de réaliser un TAVI. L’absence de recommandations claires concernant la stratégie antithrombotique post-TAVI autorise un traitement par aspirine et Plavix® pour la réalisation du TAVI. En cas de lésion 50-90 % une revascularisation est discutable et la décision doit être prise en Heart Team en fonction de la complexité anatomique, des symptômes, de l’âge du patient, de la réalisation éventuelle d’une FFR. Des études randomisées sont nécessaires pour clarifier la stratégie de revascularisation de ces patients.

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