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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 29 jan 2019Lecture 7 min

Myocardiopathie rythmique - Pour quelles raisons survient-elle ?

Pascal DEFAYE, Adrien CARABELLI, CHU de Grenoble

C’est une question à laquelle il est très difficile de répondre, le diagnostic de myocardiopathie rythmique (MR) n’étant pas toujours évident à poser et le caractère un peu aléatoire et dépendant du patient n’aidant pas à cela. On peut dire que l’identification, la stabilisation et la correction de l’étiologie d’une cardiomyopathie dilatée sont essentiels pour améliorer la qualité de vie des patients et leur pronostic.

Une arythmie (supraventriculaire persistante -ou des ESV) peut être à l’origine ou être responsable de l’aggravation d’une cardiopathie. Dépister précocement l’arythmie comme élément majeur responsable de la cardiomyopathie va permettre de supprimer ou améliorer les symptômes et la FEVG. Comment définir la myocardiopathie rythmique ? Il s’agit d’une situation où on peut mettre en cause une arythmie atriale ou ventriculaire ou des ESV comme responsable de la survenue d’une myocardiopathie. Le critère majeur, c’est la réversibilité partielle ou complète quand l’arythmie a été résolue. On peut classer les MR dans 2 cadres : • quand l’arythmie est seule responsable de la dysfonction VG ; • quand l’arythmie aggrave une myocardiopathie préexistante. Son incidence est très difficile à préciser car souvent sous-évaluée. Celle-ci a été retrouvée chez 10 % des patients suivis pour tachycardie atriale(1). La FA est présente chez environ 50 % des insuffisants cardiaques et les symptômes ainsi que la FEVG sont fréquemment aggravés par la FA. En cas d’extrasystole ventriculaire (ESV), il est assez fréquent de voir survenir une dysfonction VG : jusqu’à 50 % des patients adressés pour ablation(2). Pour quelles raisons ? Physiopathologie Il a été montré il y a déjà longtemps sur des modèles animaux qu’une stimulation rapide pouvait entraîner une insuffisance cardiaque. Pendant une première phase de stimulation rapide qui dure 3 à 7 j survient une dilatation du VG avec diminution de la FEVG. Le débit est préservé. Durant la 2e semaine, la dilatation VG se poursuit, la FEVG chute associée à une élévation de la pression capillaire et des résistances(3). Des modifications neuro-humorales sont associées : augmentation du BNP, activation du sympathique et du système rénine-angiotensine-aldostérone(4). Arythmies et caractéristiques des patients Les caractéristiques des arythmies pouvant induire une cardiopathie rythmique incluent le type d’arythmie (tableau), sa persistance, la fréquence, la durée, l’irrégularité du rythme et l’éventualité d’une maladie cardiaque sous-jacente. Une tachycardie insidieuse, peu symptomatique avec rythme irrégulier et persistante est plus propice à générer une MR. Il n’y a pas de seuil de fréquence plus en faveur de la MR. Il n’y a pas de susceptibilité génétique bien qu’une publication ait montré que certains patients avec polymorphisme de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (DD) ont une plus grande sensibilité à développer une MR(5). De même en cas d’ESV, ce sont les patients avec les QRS les plus larges qui ont un risque augmenté. Signes cliniques et diagnostic Les caractéristiques de la MR sont l’association entre une tachycardie pathologique ou une arythmie persistante et la survenue d’une myocardiopathie inexpliquée (figure 1). Le diagnostic n’est jamais facile selon la théorie : « qui est arrivé en premier : l’œuf ou la poule ? ». Le diagnostic peut être tardif. Les MR ont certaines caractéristiques : diamètre télédiastolique VG plus petit ainsi qu’index de masse myocardique plus faible. En IRM, un réhaussement tardif est en faveur d’une myocardiopathie sous-jacente(6). Certains ont même effectué des cartographies montrant l’existence de zones de voltage unipolaire anormales et étendues en cas de myocardiopathie préexistante. D’autres ont montré que sur le plan biologique, une rapide normalisation du BNP après traitement de l’arythmie est en faveur de la MR(7). Figure 1. Myocardiopathie rythmique : mécanismes, prise en charge et pronostic. Quelles arythmies sont en cause ? La FA C’est la cause la plus fréquente de MR chez l’adulte. Jusqu’à 50 % des patients en insuffisance cardiaque font de la FA et la plupart vont avoir une composante de MR. C’est la fréquence rapide, irrégulière avec perte de la contraction atriale qui va être la cause principale. La perte de la contraction atriale va altérer le remplissage VG. Associée à des altérations cellulaires et neurohormonales, un cercle vicieux va se développer associant augmentation des pressions VG, insuffisance mitrale, perpétuation de la FA et myocardiopathie. La stratégie thérapeutique associe contrôle du rythme et de la fréquence. Pour les patients en FA permanente, un contrôle de fréquence au repos aux alentours de 80 batt/min et de 110 batt/min à l’exercice modéré est nécessaire. L’ablation du nœud atrioventriculaire (AV) avec mise en place d’un système de resynchronisation peut être une stratégie quand le contrôle du rythme est impossible. Dans la stratégie de contrôle du rythme, l’ablation par radiofréquence (RF) ou cryothérapie prend une place de plus en plus importante, après la publication cette année de AF-CHF mais surtout de CASTLE-AF, montrant l’amélioration de la FEVG après ablation de la FA, surtout après isolation large des veines pulmonaires(8, 9). L’étude CASTLE-AF montre que l’ablation par rapport au traitement médical réduit significativement la mortalité toutes causes/hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque. De même, l’ablation de la FA réduit la mortalité cardiovasculaire. À la fin de l’étude, la fraction d’éjection du VG est améliorée (8 % vs 0 % ; p = 0,005) ainsi que la survie sans arythmie (68 % vs 21 %). Dans le bras ablation, 65 % des patients ont une amélioration de la FEVG à plus de 35 %, critère majeur contribuant au bénéfice de l’ablation sur le plan morbi-mortalité. Il est maintenant clair que l’ablation est la meilleure stratégie dans la MR induite par la FA, évitant les effets indésirables des antiarythmiques au long cours. Le flutter Dans ce cas aussi la stratégie de l’ablation est de première intention, d’autant plus que dans le flutter, le rythme est souvent encore plus difficile à contrôler et la MR est liée au rythme rapide. Autres tachycardies supraventriculaires Les MR sur tachycardie réciproque nodale ou liées à une voie accessoire sont rares chez l’adulte. Elles ne peuvent survenir qu’en cas de tachycardie permanente ou quasi-permanente ce qui n’est pas fréquent (figure 2). Figure 2. Mr D., 58 ans. Tachycardie permanente depuis l’enfance bien tolérée pendant très longtemps (1 000 m de dénivelé) ayant finalement abouti à une dysfonction VG (FEVG = 30 %). Récupération totale après ablation d’une réentrée intranodale fast-slow après 58 ans de tachycardie. ESV et TV Les TV idiopathiques et les ESV fréquentes peuvent être responsables de MR sur cœur sain ou sur cardiopathie préexistante. Par quel mécanisme des ESV peuvent-elles induire une MR ? Probablement par la désynchronisation induite par les ESV, par la morphologie des ESV qui va entraîner des retards de contraction et par la précocité des ESV modifiant le remplissage ventriculaire. Le critère prédictif le plus important de MR est la charge en ESV. On définit un seuil de risque de MR à partir d’un nombre > 10 000 ESV/j ou > 10 % des contractions cardiaques. La fonction VG s’améliore généralement quand ce nombre est réduit < 5 000/j. Cela peut être un but à atteindre quand il est impossible d’être totalement curatif par le traitement(10). Les facteurs favorisant le développement d’une MR en cas d’ESV sont : le sexe masculin, un IMC élevé, des ESV asymptomatiques, des couplages variables et des ondes P rétrogrades. En cas de charge d’ESV importante, il est recommandé de répéter régulièrement l’échocardiographie. Le traitement peut être médicamenteux : les bêtabloquants ou calcium bloquants sont peu efficaces. Le sotalol et l’amiodarone sont plus efficaces mais ne sont pas sans effets secondaires. C’est l’ablation qui est la référence avec des taux de succès de 70 à 90 %. L’ablation peut améliorer l’effet de la resynchronisation en cas d’ESV fréquentes. Particularités des enfants Deux types de tachycardies peuvent être responsables d’une MR chez l’enfant : les tachycardies atriales ectopiques et les tachycardies jonctionnelles permanentes de type long R-P’ (tachycardie de Coumel ou PJRT). Une MR peut survenir d’emblée chez un nouveau-né à la suite d’une TSV. Le pronostic est excellent après récupération d’un rythme sinusal (figure 3). Les MR chez l’enfant sont bien différentes de celles de l’adulte, la récupération après traitement étant très prédictible. La médiane de temps pour obtenir une récupération de la fonction VG est d’environ 2 mois et cette récupération n’est pas dépendante du traitement employé : médical ou ablation. Figure 3. Enfant de 8 mois avec tachycardie de Coumel (PJRT), traité par amiodarone et bêtabloquant. Myocardiopathie rythmique avec FEVG à 30 %. Récupération sous traitement médical. Récupération et pronostic, risque de récidive Habituellement, la récupération après réduction de l’arythmie peut prendre plusieurs semaines à plusieurs mois. Il y a un certain nombre de critères qui peuvent prédire une récupération complète. L’amélioration de plus de 25 % à 1 mois de la FEVG après ablation d’ESV est un critère important(11). De même, la diminution des ESV < 5 000/24 h. En revanche, un diagnostic trop tardif de la MR peut parfois engendrer une amélioration incomplète après traitement curatif. La récupération est également tributaire de la récidive d’arythmie, notamment en cas de FA. Parfois, après récupération, l’échographie peut révéler des volumes télédiastoliques et télésystoliques encore élevés alors que la FEVG est normale. Conclusion Les ESV répétées et la FA sont les causes les plus fréquentes de myocardiopathie rythmique. Par définition, une MR est partiellement ou totalement réversible après traitement de l’arythmie. Ces MR sont souvent sous-diagnostiquées entraînant alors une aggravation de l’IC et une détérioration de la fonction VG. Les MR peuvent atteindre tout patient quel que soit son âge avec une présentation clinique des plus variables : de l’ESV associée à une dysfonction VG asymptomatique à l’insuffisance cardiaque sévère. Le diagnostic précoce est essentiel et un traitement adapté la plupart du temps curatif médical et surtout par ablation va éliminer l’arythmie causale. Il paraît impossible de prédire chez un patient donné le risque de MR hormis l’existence d’une myocardiopathie préexistante qui pourrait s’aggraver. On peut simplement parler de « cut-off » sur la fréquence des ESV ou sur la rapidité et la persistance de la FA. "Publié dans RythmologieS"

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