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Insuffisance cardiaque

Publié le 01 nov 2019Lecture 4 min

DAPA-HF : un moment historique !

Michèle DEKER, Paris

Depuis 20 ans, les ressources thérapeutiques n’ont cessé de s’accroître dans l’insuffisance cardiaque (IC) ; après les IEC, les ARA-2, les bêtabloquants, les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes et les systèmes de resynchronisation et défibrillation, un nouveau pas vient d’être franchi avec la démonstration d’efficacité d’un inhibiteur de SGLT2, la dapagliflozine, dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite (ICFEr) en présence comme en absence de diabète. La dapagliflozine, thérapeutique ayant fait ses preuves comme hypoglycémiant dans le traitement du diabète de type 2 et ayant déjà montré un effet bénéfique en prévention de l’IC chez les patients diabétiques (étude DECLARE-TIMI), devient un médicament de l’insuffisance cardiaque à part entière, comme le démontre l’étude DAPA-HF.

DAPA-HF a inclus 4 744 patients ayant une ICFEr (classe NYHA II à IV) avec ou sans diabète de type 2, randomisés pour recevoir 10 mg de dapagliflozine ou un placebo, en plus des traitements de référence optimisés de l’IC. L’objectif était d’évaluer la dapagliflozine versus placebo, en plus du traitement de l’IC, sur l’aggravation de l’IC (hospitalisation ou consultation en urgence due à l’IC) ou la mortalité cardiovasculaire. Sur un suivi médian de 18,2 mois, la dapagliflozine a réduit significativement de 26 % (HR 0,74 ; IC95 % : 0,65-0,85, p = 0,00001) le critère composite (mortalité cardiaque ou aggravation de l’IC). Le bénéfice est tiré par la réduction du critère aggravation de l’insuffisance cardiaque de 30 % (p = 0,00003) ; la mortalité cardiovasculaire est significativement réduite de 18 % et la mortalité toutes causes de 17 %. Le nombre de patients à traiter pour éviter 1 événement (NNT) est de seulement 21. L’analyse par sous-groupe a révélé un bénéfice équivalent que les patients aient ou non un diabète ou qu’ils soient traités ou non par inhibiteur de néprilysine/ARA2. En outre, une amélioration significative de la qualité de vie a été observée dans le groupe dapagliflozine. La tolérance du traitement est bonne et le pourcentage d’arrêts de traitement est bas. Comment expliquer les bénéfices des iSGLT2 ? Les premiers grands essais des iSGLT2 ont été effectués sur des populations de patients diabétiques de type 2 majoritairement en prévention cardiovasculaire secondaire, dans les essais EMPA-REG (empagliflozine) et CANVAS (canagliflozine). L’essai DECLARE-TIMI 58 se distingue par la population incluse — plus de 17 000 patients diabétiques suivis durant plus de 4 ans, parmi lesquels seulement 41 % avaient une atteinte cardiovasculaire établie. Dans cette population en prévention primaire ou secondaire, la dapagliflozine a réduit le risque de mortalité cardiaque et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, le bénéfice étant tiré par la réduction de l’insuffisance cardiaque. De même une réduction des événements rénaux a été observée dans le groupe dapagliflozine. Les bénéfices démontrés des iSGLT2 sur la fonction cardiaque et rénale conduisent à s’interroger sur la place de cette classe thérapeutique : s’agit-il de thérapeutiques visant à prévenir la dysfonction cardio-rénale et qui accessoirement contrôlent la glycémie ou bien l’inverse, des hypoglycémiants également capables de traiter la dysfonction cardio-rénale ? L’insuffisance cardiaque n’est pas seulement une maladie de la « pompe » cardiaque. C’est aussi une maladie qui implique l’insulinorésistance et la dysglycémie. L’axe cardio-rénal est probablement au centre de l’insuffisance cardiaque et les effets des iSGLT2 sur le rein pourraient en grande partie expliquer leurs bénéfices. L’un des premiers mécanismes avancés pour expliquer le bénéfice des iSGLT2 est l’amélioration de la charge ventriculaire consécutive à l’effet diurétique et natriurétique. Leur effet sur la diurèse ne suffit pas cependant pour expliquer les bénéfices de iSGLT2. Comparativement aux diurétiques de l’anse, les iSGLT2 réduisent davantage les fluides interstitiels que le volume plasmatique, ce qui pourrait avoir pour effet de limiter la stimulation neuro-hormonale observée avec les diurétiques en réponse à la contraction du volume vasculaire. Par ailleurs, les iSGLT2 pourraient agir directement au niveau du myocarde sur l’expression des échangeurs Na+/H+ (NHE). L’insuffisance cardiaque associée au diabète est caractérisée par une augmentation de l’expression des NHE, qui entraîne une augmentation des concentrations cytoplasmiques de sodium et de calcium, pouvant participer à la physiopathologie de l’insuffisance cardiaque. Un autre mécanisme invoqué est l’effet des iSGLT2 sur la protéine kinase calcium/calmoduline dépendante II (CaMKII), impliquée dans l’hypertrophie myocardique. À cet égard, il a été montré expérimentalement que le traitement par empagliflozine augmente la production énergétique du myocarde via l’utilisation du glucose, chez des souris diabétiques (db/db). Cette même expérimentation invalide l’hypothèse du « fuel énergétique » liée à la contribution des corps cétoniques initialement émise pour expliquer le bénéfice myocardique de cette classe thérapeutique. Il est également probable que les iSGLT2 modulent le système nerveux sympathique via la signalisation cardio-rénale dans la mesure où il est démontré que ces thérapeutiques réduisent l’hypoxie et le stress au niveau du rein, d’où une inhibition du système sympathique afférent et une réduction de l’activation du système nerveux central qui peut avoir un impact bénéfique sur l’insuffisance cardiaque. Ainsi, en amélioration la fonction rénale, les iSGLT2 auraient un effet protecteur myocardique. Enfin, il a été récemment montré que les iSGLT2 atténuent l’expression des marqueurs de fibrose dans les myocytes chez l’homme. Les mécanismes mis en évidence avec les iSGLT2 sont observés chez les sujets non diabétiques comme chez les sujets diabétiques. Au total Nous disposons aujourd’hui de preuves incontestables en faveur d’un bénéfice des iSGLT2 dans le traitement et la prévention de l’insuffisance cardiaque chez les patients diabétiques. L’étude DAPA-HF va encore plus loin en démontrant que ce bénéfice est retrouvé d’une ampleur équivalente chez les sujets souffrant d’ICFEr, y compris chez des patients recevant les traitements de référence de l’insuffisance cardiaque. Il restera à déterminer, lesquelles sont les plus pertinentes parmi toutes les hypothèses mécanistiques avancées pour expliquer cet effet. D’après un symposium satellite AstraZeneca avec la participation de F. Ruschitzka, M. Bonaca et M. Kosiborod

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