Publié le 01 déc 2019Lecture 5 min
Détecter la viabilité myocardique : quel(s) outil(s) choisir ?
Gilles BARONE-ROCHETTE*/**, Marjorie CANU**, CHU de Grenoble
La recherche de viabilité myocardique est discutée, car les dernières recommandations européennes sur la revascularisation myocardique la classent en rang IIb B(1). Ce faible niveau de preuve s’explique par le fait que les études randomisées sur le sujet n’ont pas montré de bénéfice à rechercher la viabilité dans une stratégie de revascularisation(2,3). Cependant, ces études sont critiquables sur plusieurs points dont le principal est l’absence de prise en compte rigoureuse des données de viabilité dans la stratégie de revascularisation.
Ainsi, il n’est pas rare que nous recherchions et mesurions la viabilité myocardique chez nos patients pour intégrer cette information aux côtés d’autres éléments pour décider de la stratégie de revascularisation. Ainsi, les symptômes sous traitement optimal, l’anatomie coronaire, la présence d’un diabète, la fragilité du patient, la fraction d’éjection et le remodelage sont autant d’éléments à prendre en considération pour décider de la stratégie thérapeutique. L’imagerie cardiaque offre un nombre important d’outils permettant la mesure de la viabilité myocardique. On peut se demander quel(s) outil(s) choisir ? Nous allons essayer de répondre à cette question selon les données de la littérature à notre disposition.
Quatre techniques à notre disposition
Nous disposons de 4 techniques validées permettant de mesurer la viabilité. Chacune utilise des principes physiques différents et donc présente des forces et faiblesses propres à chaque technique.
La tomographie par émission de positon (TEP)
Cette imagerie est métabolique. La figure 1 représente un exemple de protocole d’acquisition. La technique complète vise à repérer le mismatch qui représente un segment myocardique viable. Il s’agit d’une zone non vascularisée visualisée par un traceur de perfusion et une zone avec un métabolisme du glucose conservé. Les analyses en post-hoc de l’étude PARR-2 montrent que si les patients bénéficiaient d’une stratégie de revascularisation en accord avec des données de viabilité notamment avec quantification du mismatch (> 7 % de la surface du ventricule gauche), les résultats étaient statistiquement significatifs en faveur du groupe avec recherche de la viabilité par imagerie(3,4). Ce bénéfice se retrouvait à 5 ans(5). Cela montre la probable nécessité de réaliser d’autres études randomisées où la stratégie de revascularisation devra être bien standardisée et guidée par les données de la viabilité dans le groupe imagerie ce qui n’était pas le cas dans STICH et PARR-2(6).
Figure 1. Protocole d’acquisition en tomographie par émission de positon pour mesure de la viabilité myocardique.
La SPECT Cette technique évalue l’intégrité membranaire ou cellulaire des myocytes en utilisant le thallium ou les traceurs technétiés. Les figures 2 et 3 montrent les protocoles d’acquisition. Un cut-off de viabilité est donné par une captation du traceur > 50 %. La représentation en œil-de-bœuf est très pratique pour l’analyse de la viabilité en SPECT en fonction des segments myocardiques (figure 4).
Figure 2. Protocole d’acquisition en scintigraphie myocardique thallium - redistribution thallium pour mesure de la viabilité myocardique.
Figure 3. Protocole d’acquisition en scintigraphie myocardique avec traceurs technétiés pour mesure de la viabilité myocardique.
Figure 4. Représentation en oeil-de-boeuf avec % de captation du traceur par le myocarde en scintigraphie myocardique.
L’échographie cardiaque
La fonction myocardique est évaluée sous dobutamine faible dose (Dobutamine stress echocardiography [DSE]) (20 gamma/ kg/min). Une augmentation > 2 mm de la contraction sous faible dose dobutamine est le cut-off de viabilité. Le protocole d’acquisition est présenté sur la figure 5.
Figure 5. Protocole d’acquisition en échographie et IRM cardiaque de stress avec injection de dobutamine pour mesure de la viabilité myocardique.
L’IRM cardiaque
Elle permet d’analyser la viabilité en mesurant l’épaisseur myocardique (segment non viable si < 5,5 mm d’épaisseur télédiastolique), en utilisant aussi exactement le même principe de l’échographie sous faible dose de dobutamine et enfin, et c’est la plus utilisée, l’évaluation de la cicatrice myocardique par les séquences de viabilité avec la mesure de la transmuralité de la prise de contraste au gadolinium ou transmuralité de l’extension de la cicatrice de l’infarctus (TEI). Le protocole est présenté sur la figure 6. Un cut-off de TEI > 50 % marque une zone comme non viable.
Figure 6. Protocole d’acquisition en IRM cardiaque avec injection de chélate de gadolinium pour mesure de la viabilité myocardique.
Quel(s) outil(s) choisir ?
Si les études randomisées sont restées décevantes, les données observationnelles montrent quant à elles que de ne pas donner la chance à une revascularisation par angioplastie ou pontage à un patient avec un myocarde viable est le plus délétère pour le pronostic cardiovasculaire. Ces données observationnelles en SPECT et DSE ont été confirmées dans une étude utilisant l’IRM cardiaque avec le TEI et l’apport de données supplémentaires par l’utilisation d’un score de propension(7). Il faut donc se donner toutes les chances de dépister les patients avec un myocarde viable et utiliser pour cela les techniques les plus sensibles. Cette technique est la TEP qui est malheureusement non disponible dans la plupart des centres. La deuxième technique la plus sensible est la SPECT utilisant le thallium repos avec redistribution à 4 h. Le TEI > 50 % est la technique la plus sensible sur les 3 techniques possibles en IRM pour détecter une zone non viable.
Cette sensibilité est par contre moins bonne dans la borne de transmuralité de 25-50 %. Les chances de récupération contractiles sont d’un peu moins de 50 % dans cette borne selon les patients(8,9). C’est dans cette borne qu’une autre technique complémentaire pourra être utilisée plus sensible par exemple. Ainsi il faudra savoir en fonction du contexte choisir les tests les plus sensibles ou spécifiques et savoir coupler les examens dans certains cas. Les tests fonctionnels (dobutamine écho et dobutamine IRM) étant les plus spécifiques.
Vous aurez compris que notre centre privilégie les techniques les plus sensibles à savoir la SPECT utilisant le thallium repos avec redistribution et le TEI en IRM.
Il faut noter que dans l’analyse des images, le nombre de segments viables est important à prendre en considération pour espérer une amélioration de la fraction d’éjection du ventricule gauche (VG). Ainsi, un nombre supérieur à 5/17 segments viables est recommandé pour considérer le myocarde comme hibernant et pouvant récupérer.
Bien sûr un myocarde ischémique est par définition viable.
Ainsi il peut être intéressant dans certains cas de réaliser un protocole d’acquisition couplant le stress et le repos. Les patients avec une atteinte coronarienne sévère pourront bénéficier uniquement d’une recherche de la viabilité. Les autres présentant des lésions coronaires moins sévères devront bénéficier d’une évaluation de l’ischémie ainsi que de la viabilité myocardique. Il sera donc important de réaliser une analyse conjointe de l’anatomie coronaire ainsi que des segments viables pour décider de la stratégie de revascularisation(10). L’évaluation du remodelage est aussi importante, car malgré la présence de viabilité, le taux d’événements augmente parallèlement au volume systolique malgré une revascularisation(11). Ainsi la décision d’une revascularisation demande de considérer plusieurs éléments d’imagerie au côté de l’ensemble des éléments du dossier du patient qui seront analysés par la Heart Team.
En pratique
L’échographie sous dobutamine, la TEP, la SPECT et l’IRM cardiaque sont des techniques efficaces pour la détection de la viabilité myocardique.
Aucun test n’est le meilleur sur tous les plans, les performances de l’imagerie dépendent des caractéristiques du patient, du contexte clinique et des habitudes des équipes. Les tests doivent être interprétés par des équipes expertes.
Les techniques de médecine nucléaire sont les techniques les plus sensibles et permettent de ne pas manquer des segments myocardiques viables. La revascularisation myocardique d’un patient avec une fraction d’éjection < 35 % reste une décision d’une Heart Team.
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