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Coronaires

Publié le 15 jan 2020Lecture 24 min

Parcours de trois domaines de réflexion et de pratique quotidienne

François DIÉVART, ELSAN, Clinique Villette, Dunkerque

Congrès très riche et instructif que celui de l’American Heart Association qui s’est tenu du 16 au 18 novembre 2019 à Philadelphie. Trois domaines y ont retenu notre attention avec des résultats majeurs mais qui ont tous leurs limites : la maladie coronaire et la revascularisation coronaire, avec les études ISCHEMIA et COMPLETE OCT, les valvulopathies, avec les études RECOVERY et GALILEO et la prévention secondaire, avec les études COLCOT et TST. Quelles réponses ces études apportent-elles pour la pratique ? Quelles questions suscitentelles ? Parcourons-les pour les entrevoir.

ISCHEMIA : coro ou pas coro quand ischémie myocardique ? L’étude ISCHEMIA (International Study of Comparative Health Effectiveness With Medical and Invasive Approaches) devait être une étude majeure par son enjeu. D’ailleurs, la présentation de ses résultats a fait l’objet d’une session spéciale de l’AHA. Cependant, ses résultats ou plutôt les interprétations qu’ils permettent et qui sont proposées pourraient ne pas conduire à modifier les pratiques, et ce, alors que son résultat principal y incite. Quel enjeu ? L’étude ISCHEMIA avait comme objectif d’évaluer si, chez des patients ayant une maladie coronaire stable avec une ischémie myocardique documentée, une stratégie de revascularisation coronaire précoce, par rapport à une stratégie exclusivement médicale initiale, pourrait réduire le risque d’événements cardiovasculaires (CV) majeurs. Pourquoi ISCHEMIA ? Préalablement à cette étude, les essais thérapeutiques comparant diversement trois stratégies de prise en charge de la maladie coronaire (traitement médical, revascularisation par angioplastie et revascularisation par pontages), ont été conduits chez des patients ayant eu une coronarographie. Ces essais, notamment l’étude COURAGE, ont globalement montré que la revascularisation coronaire, notamment par angioplastie, ne réduisait pas les risques de décès CV ou d’infarctus du myocarde (IDM) mais qu’elle pourrait toutefois avoir un effet clinique favorable en cas d’ischémie myocardique documentée et supérieure à 10 % du territoire myocardique. Ce résultat est issu d’une sousétude de l’étude COURAGE, tous les patients inclus dans cet essai n’ayant pas d’ischémie myocardique. Si le même essai a montré que la revascularisation coronaire améliorait les symptômes, un essai plus récent, l’étude ORBITA, conduit avec une procédure d’angioplastie simulée contre une angioplastie coronaire effective, a indiqué que l’amélioration symptomatique pourrait être un effet placebo. La question centrale évaluée par l’étude ISCHEMIA était donc de déterminer l’attitude à avoir en amont d’une coronarographie, face à un patient stable ayant une ischémie myocardique documentée : coronarographie ou pas ? Son principe a donc été de randomiser des patients ayant une ischémie myocardique démontrée, par épreuve d’effort ou échocardiographie de stress ou scintigraphie ou IRM de stress, modérée à sévère, en deux groupes, l’un devant avoir une coronarographie dans l’objectif d’effectuer une revascularisation coronaire si possible, l’autre, suivi sous traitement médical seul, n’ayant une coronarographie qu’en cas d’aggravation clinique. Un protocole original Une particularité essentielle du protocole de l’étude ISCHEMIA était que tous les patients sélectionnés devaient avoir un coroscanner et que son résultat n’était pas communiqué au médecin investigateur. Si, à ce coroscanner, il y avait une lésion du tronc commun coronaire gauche, le patient était orienté vers la revascularisation coronaire et non inclus dans l’essai. Et, s’il n’y avait pas de lésion coronaire, de même, le patient n’était pas inclus dans l’étude. Ainsi, le médecin investigateur savait tout à la fois qu’il avait en face de lui un patient, éventuellement symptomatique, ayant une ischémie myocardique documentée et ayant des lésions coronaires sans lésion du tronc commun coronaire gauche. Le médecin investigateur était donc comme tout cardiologue praticien dans sa pratique mais avec comme différence principale de savoir qu’il lui était inutile de faire (ou faire faire) une coronarographie « systématique » pour vérifier s’il y a une lésion du tronc commun, ou s’il y a des lésions coronaires ou non. La stratégie évaluée était donc celle de la revascularisation par rapport à l’absence de revascularisation coronaire précoce en cas d’ischémie documentée et de lésions coronaires avérées. Pour être inclus dans l’étude, les patients ne devaient pas avoir de syndrome coronarien aigu, devaient avoir une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) > 35 % et un débit de filtration glomérulaire (DFG) ≥ 60 ml/min. Le critère primaire comprenait les décès CV, les IDM non fatals, les arrêts cardiaques ressuscités ou les hospitalisations pour angor instable ou insuffisance cardiaque. L’essai a été conduit en ouvert. L’hypothèse évaluée était que la revascularisation devait pouvoir réduire de 18,5 % le risque des événements du critère primaire à 4 ans. Paramètres multiples à étudier mais conclusion binaire potentielle On comprend que cette étude offre de multiples possibilités d’analyses complémentaires, tels divers modes d’analyse des méthodes de documentation de l’ischémie, de la valeur du coroscanner, du devenir des patients ayant une ischémie sans lésion coronaire (le suivi spécifique de ces patients est d’ailleurs programmé)… ISCHEMIA continuera donc d’alimenter les congrès et les publications dans les années à venir. Surtout, on comprend que dès qu’une ischémie myocardique est documentée chez un patient stable, si le résultat de l’étude est positif, il validera l’attitude de revascularisation précoce, alors que si la revascularisation est neutre ou délétère, l’étude validera le recours au coroscanner comme examen de première intention dans cette situation clinique afin d’adapter la stratégie de prise en charge : revascularisation si tronc commun, traitement médical si lésions coronaires, et prise en charge différente (mais non encore validée) en cas d’absence de lésion coronaire. Résultats Le nombre de patients inclus a été inférieur à celui prévu : 5 179 patients, âgés en moyenne de 64 ans dont 29 % avaient un angor apparu ou aggravé lors des 3 derniers mois. Dans le groupe intervention, une coronarographie a été effectuée chez 95 % des patients et une revascularisation coronaire chez 76 %. Les revascularisations ont été faites par angioplastie dans 74 % des cas et par pontage dans 26 % des cas. Dans le groupe contrôle, lors du suivi, 28 % des patients ont eu une coronarographie et 23 % une revascularisation coronaire. Le suivi moyen a été de 4 ans à l’issue desquels les taux d’événements du critère primaire ont été de 15,5 % dans le groupe contrôle et de 13,3 % dans le groupe intervention, sans différence significative entre les groupes (HR = 0,93 ; IC95% : 0,80-1,10 ; p = 0,34). Concernant les autres critères évalués, il n’y a pas eu de différence significative entre les groupes concernant la mortalité CV (HR = 0,87 ; IC95 % : 0,66- 1,15), la mortalité totale (HR = 1,05 ; IC95% : 0,83-1,32), les IDM (HR = 0,92 ; IC95% : 0,76- 1,11) et les AVC (HR = 1,22 ; IC95% : 0,79-1,88). Dans le groupe intervention, par rapport au groupe contrôle, il y a eu une amélioration modeste mais significative de la qualité de vie et moins d’angor chez les patients initialement symptomatiques. Concernant les analyses en sous-groupes préspécifiés (figure 1), il n’y a pas eu d’hétérogénéité de résultats, en d’autres termes aucun sous-groupe n’a eu un résultat paraissant différent du résultat global concernant le critère primaire : diabète ou non, apparition ou aggravation récente d’un angor ou pas, lésions mono- ou bi- ou tritronculaires, atteinte de l’IVA proximale ou pas, et ischémie sévère ou modérée. Figure 1. Étude ISCHEMIA : principales analyses en sous-groupes concernant le critère primaire. Concernant les analyses complémentaires (figure 2), le taux des événements du critère primaire a été plus élevé lors des deux premières années de suivi dans le groupe intervention (différence absolue entre les groupes : 1,9 %) et plus faible entre la deuxième et la quatrième année (différence absolue : 2,2 %), les courbes d’événements se croisant après 2 ans de suivi moyen. Figure 2. Résultat de l’étude ISCHEMIA sur le critère principal. Les courbes d’événements se croisent à 2 ans. Quelles conclusions ? Dans l’absolu, le résultat de l’étude est que, chez des patients ayant une maladie coronaire stable, une ischémie myocardique documentée, une fonction cardiaque non altérée et pas d’insuffisance rénale, une stratégie de revascularisation coronaire précoce n’est pas supérieure à une stratégie de prise en charge pharmacologique initialement exclusive, ne réservant la revascularisation qu’en cas d’aggravation clinique. Cette étude pourrait donc modifier les pratiques et conduire à envisager le coroscanner comme examen de première intention dans la situation clinique évaluée. Cependant, ce résultat a été nuancé par deux éléments principaux qui vont très probablement concourir à ne pas modifier les pratiques de façon significative pour un grand nombre de cardiologues. Ainsi, certains commentateurs ont mis en avant l’avantage de la revascularisation en matière d’amélioration de la qualité de vie et des symptômes, le cas échéant. Ces éléments sont à considérer avec prudence car l’effet est modeste et l’étude étant conduite en ouvert, un effet placebo ne peut être exclu dans le groupe intervention. Surtout, l’élément le plus troublant du résultat observé est qu’il y a plus d’événements du critère primaire dans les deux premières années suivant la revascularisation et moins ensuite. On peut alors penser qu’il y a un effet adverse des méthodes employées (complications spécifiques des procédures mais aussi potentiellement des traitements utilisés dans les suites, comme la double antiagrégation plaquettaire par exemple) puis qu’ensuite la revascularisation aurait un effet bénéfique qui peut pleinement apparaître. Ainsi, pour certains commentateurs, le résultat actuel de l’étude ISCHEMIA ne serait que transitoire et justifie qu’un suivi plus prolongé, qui est d’ailleurs en cours, soit disponible pour mieux évaluer la valeur respective des deux stratégies comparées. Il est très probable que ce soit cet argument qui contribuera à ne pas modifier la pratique des cardiologues partisans de la stratégie invasive précoce dans la situation clinique évaluée par cet essai. ISCHEMIA-CKD : coro ou pas coro quand insuffisance rénale évoluée ? L’étude ISCHEMIA-CKD (International Study of Comparative Health Effectiveness With Medical and Invasive Approaches- Chronic Kydney Disease) est une étude complémentaire et parallèle de l’étude ISCHEMIA qui en diffère par les principaux éléments suivants : – pour être inclus, les patients devaient avoir une insuffisance rénale évoluée définie par, soit  un DFG inférieur à 30 ml/min/1,73 m2, soit une dialyse rénale en cours – ils n’avaient pas de coroscanner préalable à l’inclusion : ils étaient donc d’emblée randomisés pour avoir, soit précocement une coronarographie dans l’objectif d’effectuer une revascularisation coronaire, soit une surveillance sous traitement médical exclusif, la coronarographie n’étant effectuée qu’en cas d’aggravation ; – le critère primaire évalué comprenait les décès CV et les IDM ; – le nombre de patients inclus a été beaucoup plus faible (n = 777). Quels enjeux ? Chez les patients dialysés, le taux d’événements CV est très élevé, de l’ordre de 10 % par an dans plusieurs registres et représente la principale cause de mortalité. Aucun traitement évalué jusqu’à présent, y compris les statines, n’a démontré pouvoir améliorer le pronostic CV de ces patients. Si la revascularisation coronaire permettait d’améliorer le pronostic, alors elle deviendrait une option thérapeutique essentielle. Chez les patients en insuffisance rénale évoluée mais non dialysés, la pratique d’un coroscanner (avec injection), d’une coronarographie et d’une revascularisation coronaire percutanée peuvent conduire le patient vers la dialyse plus précocement que le cours naturel de la maladie et comporte donc un risque rénal. Toutefois, ce risque potentiel pourrait être acceptable s’il est faible, et surtout, si la revascularisation coronaire apporte un bénéfice ample. Si l’étude est positive, notamment en matière de rapport bénéfice-risque, de même, la revascularisation coronaire deviendra une option thérapeutique essentielle. Résultats décevants Or, l’étude ISCHEMIA-CKD a démontré que chez des patients cliniquement stables et ayant une insuffisance rénale évoluée et une ischémie myocardique documentée, la revascularisation coronaire n’apporte pas de bénéfice clinique, voire est délétère. Dans cette étude, les 777 patients inclus étaient âgés en moyenne de 63 ans et la moitié (53 %) étaient dialysés. Au terme d’un suivi moyen de 2,3 ans, le taux d’événements du critère primaire a été de 36,4 % dans le groupe contrôle et de 36,7 % dans le groupe intervention, sans différence significative entre les groupes (HR ajusté : 1,01 ; IC95% : 0,79- 1,01). Dans le groupe intervention par rapport au groupe contrôle, il y a eu significativement plus d’AVC (HR ajusté : 3,76 ; IC95% : 1,52-9,32 ; p = 0,004) et, chez les patients non dialysés à l’inclusion, il y a eu significativement plus de décès et de nouvelles hémodialyses (HR ajusté : 1,48 ; IC95% : 1,04-2,11 ; p = 0,02). Parmi les analyses en sousgroupes préspécifiés, il a été observé une hétérogénéité d’effet (p = 0,02 pour l’interaction) dans un seul sous-groupe, l’analyse indiquant un potentiel effet favorable dans le groupe intervention par rapport au groupe contrôle chez les patients ayant une ischémie myocardique sévère. Quelles conclusions ? Si le taux d’événements CV majeurs est extrêmement élevé chez des patients ayant une insuffisance rénale évoluée et une ischémie myocardique documentée, avec plus de 15 % de décès CV et d’IDM par an dans cette cohorte âgée en moyenne de 63 ans, une stratégie de prise en charge reposant sur une coronarographie précoce avec si possible une revascularisation coronaire (en sus d’une stratégie médicale) ne réduit pas le risque d’événements CV majeurs par rapport à une stratégie médicale initiale exclusive. Il s’agit encore d’un échec dans la réduction du risque CV chez les patients ayant une insuf - fisance rénale évoluée. Plus encore, la stratégie invasive précoce fait courir un sur-risque d’AVC et aussi, un sur-risque de passage en dialyse chez les patients qui n’étaient pas dialysés. Que faire alors de l’analyse en sous-groupe indiquant qu’il pourrait y avoir un bénéfice ischémie myocardique sévère ? Faire comme Peter Sleight le proposait il y a plusieurs années en matière d’analyses en sous-groupes (a fortiori dans une étude négative) : « la regarder avec amusement mais ne pas en tenir compte ». Elle n’est que génératrice d’hypothèse et si l’on veut en tenir compte, il faudrait en évaluer le bien-fondé prospectivement par un essai spécifique. Ce d’autant plus que, si cette analyse indique un bénéfice potentiel sur le critère primaire dans ce sous-groupe, elle ne permet pas de dire si ce bénéfice est annulé par un taux important d’AVC ou une augmentation de la mortalité totale ou un taux de passage en dialyse rédhibitoire par exemple… Et pourtant, l’angioplastie coronaire pourrait potentiellement être bénéfique sur le pronostic… Le résultat de l’étude ISCHEMIA s’applique en cas de maladie coronaire stable. Qu’en est-il en cas de syndrome coronarien aigu ? En d’autres termes, l’angioplastie coronaire apporte-telle un bénéfice clinique, notamment en matière de réduction du risque d’IDM ? La réponse à la première partie de la question est oui, concernant l’angioplastie primaire en phase aiguë d’IDM, elle augmente la survie par rapport à l’absence de traitement de perfusion (angioplastie ou fibrinolyse). Cet effet est-il exclusivement lié à l’ouverture de l’artère coupable ? En phase précoce certainement, au long cours, la question est ouverte. Pour la deuxième partie de la question (l’angioplastie coronaire permet-elle de réduire le risque d’IDM), nous avons depuis septembre 2019 une réponse, si l’on peut dire clinique, et, depuis l’AHA, un complément de réponse mécanistique. Mais, tout en constituant une grande avancée théorique, le résultat maintenant disponible ne s’applique qu’à une situation clinique particulière. En effet, une analyse complémentaire d’un essai thérapeutique contrôlé, l’étude COMPLETE montre que, chez les patients ayant eu un IDM et ayant des lésions coronaires pluritronculaires, la moitié des plaques d’athérome significatives et présentes en dehors de la plaque responsable de l’IDM a des caractéristiques d’une plaque instable. Ceci pourrait expliquer que leur angioplastie systématique permette de réduire le risque d’IDM ultérieur. Pour mémoire, dans l’étude COMPLETE, parue en septembre 2019, il a été démontré que chez des patients venant d’avoir un IDM, ayant eu une angioplastie primaire réussie et ayant des lésions significatives sur d’autres artères coronaires, réaliser une angioplastie systématique de ces lésions et jusqu’à 45 jours après l’IDM, réduisait significativement le risque de décès CV et d’IDM à 3 ans, essentiellement par une réduction significative du risque d’IDM, comparativement à ne traiter que l’artère coupable. Dans cet essai ayant enrôlé 4 041 patients, une analyse des lésions coronaires de toutes les artères par tomographie de cohérence optique a été effectuée dans un sous-groupe de 93 patients. Ses résultats spécifiques, présentés à l’AHA, ont montré que 50 % des lésions coronaires significatives ont une morphologie de plaque instable et qu’il en est de même pour 20 % des lésions coronaires non significatives. Cette constatation suggère donc que le bénéfice de l’angioplastie des lésions significatives, en matière de réduction du risque ultérieur d’IDM pourrait provenir d’une efficacité, en quelque sorte mécanique de la pose d’un stent coronaire, à limiter la rupture ultérieure de ces plaques instables. RECOVERY : rétrécissement aortique (très) serré asymptomatique, à opérer rapidement L’étude RECOVERY (Randomized comparison of early surgery versus conventional treatment in very severe aortic stenosis) a montré que, chez des patients ayant un rétrécissement valvulaire aortique (RAo) serré, la chirurgie de remplacement valvulaire dès le diagnostic posé, diminuait la mortalité par rapport à une attitude plus conservatrice (surveillance avec intervention en cas d’aggravation clinique et/ou hémodynamique). Cette étude est importante car il s’agit du premier essai thérapeutique contrôlé et randomisé évaluant l’apport du remplacement valvulaire aortique chez des patients ayant un RAo asymptomatique. Il s’agit d’une petite étude n’ayant inclus que 145 patients dans cet essai pour obtenir une telle démonstration tant la différence de pronostic a été importante entre les deux groupes comparés. Ainsi, au terme du suivi de 6,2 ans, l’incidence des événements du critère primaire (décès dans les 30 jours suivant la chirurgie et décès CV durant le suivi) a été de 1 % dans le groupe intervention et de 15 % dans le groupe contrôle, avec une réduction significative du risque de 91 % (HR = 0,09 ; IC95% : 0,01-0,67). L’incidence de la mortalité totale a été significativement réduite chez les patients du groupe intervention par rapport à ceux du bras contrôle (respectivement 7 et 21 % ; HR = 0,33 ; IC95% : 0,12-0,90). Spectaculaire ou particulier ? Un tel résultat peut paraître spectaculaire et potentiellement généralisable, mais il n’est en fait que particulier. D’abord à l’étude : obligatoirement conduite en ouvert ; conduite dans un seul pays, la Corée du Sud ; et ayant enrôlé un faible nombre de patients, ce qui peut tendre à majorer (dans un sens ou d’autre l’autre) l’ampleur des résultats observés. Ensuite, à la population enrôlée : RAo très serré et non pas seulement serré, car défini à l’inclusion par une surface valvulaire aortique < 0,75 cm2 et, soit un pic de vélocité aortique ≥ 4,5 m/s, soit un gradient moyen ≥ 50 mmHg ; population relativement jeune, car définie à l’inclusion comme devant être âgée de moins de 80 ans, l’âge moyen a ainsi été de 64 ans, donc des patients avec peu de comorbidités ; et pour avoir des RAo très serrés dans cette population, la cause a été dans 61 % des cas le fait d’une bicuspidie. Et enfin, à une particularité qui peut être liée à l’effet hasard, au fait d’une population jeune ou à d’excellentes équipes chirurgicales : le taux de mortalité peropératoire a été nul, que ce soit en programmé ou en urgence. La question pour la pratique est donc : ce résultat favorable est-il extrapolable aux patients ayant un RAo serré (et non très serré), asymptomatiques, âgés de plus de 80 ans et ayant plusieurs comorbidités ? GALILEO : prothèse valvulaire cardiaque implantée par voie percutanée, pas d’anticoagulant oral direct C’est un résultat décevant que celui de l’étude GALILEO mais qui comporte une réponse claire : chez des patients venant d’avoir une pose de prothèse valvulaire aortique par voie percutanée (un TAVI), l’utilisation d’un anticoagulant oral direct (AOD), en l’absence d’indication spécifique (et ce point est à débattre), augmente le risque d’événements indésirables graves. Quel enjeu ? Les patients ayant eu une pose de prothèse valvulaire aortique par voie percutanée sont à haut risque thromboembolique, ce qui a conduit à proposer une double antiagrégation plaquettaire lors des 3 premiers mois suivant la pose, puis un simple traitement antiagrégant plaquettaire (AAP) ensuite. L’étude GALILEO avait comme objectif d’évaluer si un AOD, le rivaroxaban seul, et à 10 mg/j, associé pendant les 3 premiers mois à l’aspirine, par rapport à l’aspirine seule, associée pendant les 3 premiers mois au clopidogrel, chez des patients venant d’avoir une pose de prothèse valvulaire aortique par voie percutanée pouvait réduire la mortalité totale et les événements thromboemboliques (critère primaire). Arrêt prématuré pour effets indésirables graves L’étude a été conduite en ouvert et arrêtée prématurément pour des raisons de sécurité alors que 1 644 patients âgés en moyenne de 80 ans avaient été inclus. À l’arrêt de l’essai, dans le groupe sous AOD, par rapport au groupe sous AAP, il y avait eu significativement plus d’événements du critère primaire (1,35 ; IC95% : 1,01-1,81 ; p = 0,04), significativement plus de décès (HR = 1,69 ; IC95% : 1,13-2,53 ; p = 0,09), essentiellement par augmentation des décès non CV (HR = 2,67 ; IC95% : 1,33-5,35) sans augmentation des décès CV (HR = 1,30 ; IC95% : 0,79-2,14). L’augmentation des décès n’a pas été constatée en analyse perprotocole (HR = 1,23 ; IC95% : 0,71-1,25). Il n’y a pas eu de différence significative concernant les événements du critère primaire de sécurité (hémorragies majeures, invalidantes ou mettant en jeu le pronostic vital) entre les groupes (HR = 1,50 ; IC95% : 0,95-2,37 ; p = 0,08). Valve cardiaque prothétique et AOD : quel est le problème ? Que faire en pratique ? En 2013, une étude nommée REALIGN avait montré que, chez des patients ayant eu une prothèse valvulaire cardiaque mécanique, un traitement par un AOD, le dabigatran, par rapport à une anti-vitamine K (AVK) était associé à un risque plus grand d’événements thrombo-emboliques et hémorragiques, conduisant à interrompre prématurément cet essai thérapeutique contrôlé, conduit en ouvert. Depuis, les AOD sont contre-indiqués chez les patients ayant une prothèse valvulaire cardiaque mécanique, même s’ils ont une fibrillation atriale. Le résultat de l’étude GALILEO rejoint en quelque sorte celui de l’étude RE-ALIGN, sans qu’une explication claire aux résultats de ces deux études puisse être proposée tout en sachant que dans un cas la comparaison avait été faite avec un AVK et dans l’autre avec des AAP. Quoi qu’il en soit, actuellement, chez des patients ayant une prothèse valvulaire cardiaque, il n’est pas justifié d’avoir recours à un AOD, et les AVK sont donc le traitement préférentiel. Une question demeure sans réponse : les AOD peuvent-ils être utilisés chez des patients ayant une prothèse valvulaire cardiaque, notamment et essentiellement une bioprothèse, et une indication spécifique pour un anticoagulant comme par exemple une fibrillation atriale ou des antécédents de phlébite et/ou embolie pulmonaire ? Il n’y a pas de réponse à cette question et dans l’état actuel des connaissances, le recours aux AVK paraît encore souhaitable. Savoir, si un type de valve cardiaque (bioprothèse posée chirurgicalement, prothèse implantée par voie percutanée) pourrait permettre d’envisager une réponse favorable reste une question ouverte. Deux études sont en cours (tableau 1) dont l’objectif est d’évaluer des AOD chez des patients ayant eu un TAVI et pouvant avoir une fibrillation atriale : l’étude ATLANTIS avec l’apixaban et l’étude ENVISAGE avec l’edoxaban. En l’absence de résultat clairement en faveur d’un effet favorable ou nocif, leurs faibles populations enrôlées ne permettront probablement pas de répondre de façon fiable à la question posée. COLCOT : la colchicine, nouveau traitement du post-infarctus ? La colchicine à 0,5 mg par jour, dans les suites d’un IDM, diminue significativement le risque d’événements CV majeurs à 2 ans, par rapport au placebo : tel est le résultat principal d’un essai thérapeutique contrôlé, conduit en double aveugle contre placebo, l’étude COLCOT (Colchicine Cardiovascular Outcomes Trial). Quels enjeux ? L’évaluation des effets cliniques de la colchicine dans le post-IDM a de toute évidence deux enjeux principaux. • Le premier est de contribuer à conforter l’hypothèse inflammatoire de la maladie athéromateuse. Cette hypothèse repose sur un support théorique et n’a pas été validée en clinique par l’évaluation du méthotrexate dans un essai thérapeutique contrôlé, l’étude CIRT, mais a été confortée dans un autre essai thérapeutique contrôlé évaluant la canakinumab, l’étude CANTOS. Le bénéfice du traitement antiinflammatoire évalué dans cette étude n’a toutefois été constaté que dans un seul groupe, alors que l’étude en évaluait trois par rapport au placebo, et n’a été enregistré que sur un critère composite, sans diminution de la mortalité totale ou CV, et avec un bénéfice de faible ampleur. Il reste donc à confirmer. • Le deuxième est de disposer d’un traitement qui pourrait être efficace à améliorer le pronostic post-IDM tout en étant largement disponible depuis des décennies et peu cher. Un essai fiable L’étude COLCOT, essai thérapeutique contrôlé, randomisé, a été conduite en double aveugle contre placebo, et a disposé de la puissance suffisante pour pouvoir démontrer le cas échéant son hypothèse, à savoir que la colchicine pouvait réduire le risque de décès CV, d’arrêt cardiaque ressuscité, de récidive d’IDM, d’AVC ou d’hospitalisation urgente pour angor justifiant une revascularisation (critère primaire). Pour être inclus, les patients devaient avoir eu un IDM dans les 30 jours précédents, pour lequel une revascularisation coronaire pouvait avoir été réalisée. Toutefois, aucune revascularisation ne devait avoir été programmée après l’inclusion. Au total, 4 745 patients, âgés en moyenne de 60 ans, ont été inclus dans l’essai. Au terme du suivi moyen de 23 mois, il y a eu une réduction significative de 23 %, en valeur relative, des événements du critère primaire (131 événements sous colchicine et 170 sous placebo ; HR = 0,77 ; IC95% : 0,61- 0,96 ; p = 0,02). Ce résultat est essentiellement dû à une réduction des hospitalisations en urgence pour un angor justifiant une revascularisation (25 vs 50 événements ; HR = 0,50 ; IC95% : 0,31-0,81) et des AVC (5 vs 19 ; HR = 0,26 ; IC95% : 0,10-0,70), sans effet significatif sur les autres événements du critère primaire, bien qu’ils aient tous évolué vers une réduction apparente de leur incidence. La tolérance du traitement a été bonne, les seules différences significatives entre les groupes ont été un taux plus élevé de nausées (1,8 vs 1,0 %), de flatulences (0,6 vs 0,2 %) et de pneumonies graves (0,9 vs 0,4 %) sous colchicine que sous placebo. Alors : prêt pour une utilisation large de la colchicine ? Dans l’absolu, le résultat de cette étude valide le bénéfice clinique de la colchicine dans le post-IDM. Mais, doit-on dès aujourd’hui l’utiliser dans cette situation clinique ? De fait, il s’agit du premier et seul résultat favorable concernant cette molécule dans la maladie athéromateuse a un stade particulier, le post-IDM, et non pas la maladie athéromateuse tout-venant. Par ailleurs, dans cette étude, ni la mortalité totale, ni la mortalité CV, ni le risque d’IDM n’ont été réduits significativement, éléments qui auraient contribué à promouvoir une utilisation large de la colchicine. De fait, ce résultat incite à proposer de la colchicine mais justifie d’être conforté par d’autres études du même type, actuellement en cours (tableau 2). Par ailleurs, cette étude ne permet pas d’affirmer que le bénéfice de la colchicine est lié à son action anti-inflammatoire pour au moins deux raisons. La première est que la colchicine a diverses actions pharmacologiques et pas exclusivement une action anti-inflammatoire. La deuxième est que, dans un faible sous-groupe de l’étude, les biomarqueurs de l’inflammation, comme la hs-CRP, ont été dosés et n’ont pas varié différemment sous colchicine et sous placebo. TST : le LDL-C est une cible thérapeutique du post-AVC associé à une maladie athéroscléreuse L’étude TST (Treat Stroke to Target) a démontré qu’abaisser le LDLcholestérol (LDL-C) en-dessous de 0,70 g/l par rapport à le laisser autour de 1 g/l, chez des patients ayant eu un AVC et ayant une maladie athéroscléreuse, apportait un bénéfice clinique. Cette étude valide pour la première fois le bien-fondé de l’atteinte d’une cible de LDL-C et démontre de plus que le LDL-C est bien un facteur de risque, donc une cible thérapeutique, chez les patients ayant eu un AVC et ayant une maladie athéroscléreuse. Les enjeux Les valeurs cibles de LDL-C proposées dans les recommandations thérapeutiques concernant les dyslipidémies ou la prévention CV, sont issues d’analyses des résultats d’essais thérapeutiques n’ayant jamais évalué de cible de LDL-C. Ces valeurs proposées ne sont que l’extrapolation à la pratique des valeurs obtenues dans les groupes « intervention » d’essais thérapeutiques évaluant un traitement hypolipémiant, le plus souvent une statine, soit contre des soins usuels, soit contre placebo, soit contre une dose plus faible du même hypolipémiant. Le paradoxe de cette extrapolation, qui même si elle est confortée par des métarégressions, est qu’il ne pouvait pas être exclu que le bénéfice clinique obtenu dans ces études fût dépendant du traitement utilisé (par un éventuel effet pléiotrope) et non de l’abaissement du LDL-C. Si aujourd’hui, la relation entre variation du LDL-C et variation parallèle du pronostic est un fait établi, il n’en a pas toujours été de même. Le deuxième enjeu d’une étude comme TST est de pouvoir démontrer que le LDL-C constitue bien un facteur de risque modifiable chez les patients ayant eu un AVC. En effet, dans la seule étude d’ampleur ayant évalué une action dirigée contre les lipides dans le post-AVC, l’étude SPARCL, le résultat obtenu est significatif et variable selon la catégorie de patients prise en compte : il s’exprimait principalement chez les patients ayant à la fois un antécédent d’AVC ischémique et une maladie athéromateuse, notamment carotide, démontrée. L’étude TST avait donc comme objectif de valider l’hypothèse née d’une analyse en sous-groupe de l’étude SPARCL, qui avait évalué en fait l’atorvastatine à 80 mg/j contre placebo et non une cible de LDL-C. Là encore, en considérant le résultat de l’étude SPARCL comme favorable, quelle devait en être la conclusion pratique à l’époque de ses résultats. Devait-elle être : il faut proposer 80 mg/j d’atorvastatine ? Ou bien : il faut abaisser le LDL-C, chez tous les patients ayant eu un AVC, voire chez certains patients ayant eu un AVC ? Une méthode en phase avec la pratique quotidienne L’étude TST a été conduite en ouvert, le choix de la stratégie thérapeutique étant laissé aux médecins investigateurs, leur objectif étant d’atteindre le niveau de LDL-C caractérisant le groupe dans lequel le patient avait été randomisé : abaisser le LDL-C en dessous de 0,70 g/l par rapport à le laisser autour de 1 g/l, plus ou moins 0,10 g/l. Les traitements permis étaient une dose maximale tolérée de statine éventuellement associée à de l’ézétimibe. Pour être inclus, les patients devaient être en état clinique stable, avoir eu un AVC ischémique ou un AIT de moins de 3 mois et avoir une maladie athéroscléreuse définie par une sténose carotide, ou une plaque athéromateuse de l’arche aortique ou une maladie coronaire connue. Le critère primaire comprenait les AVC ischémiques ou de cause indéterminée, les IDM, les revascularisations coronaires urgentes pour angor instable, les revascularisations carotides urgentes pour AIT et les décès vasculaire. Positif, malgré les aléas d’un essai académique L’essai a été arrêté avant son terme prévu, du fait d’un épuisement des ressources allouées alors que 277 événements du critère primaire étaient survenus. Son suivi médian a été de 3,5 ans et 2 860 patients âgés en moyenne de 66 ans dont 86 % avaient un AVC ischémique comme événement qualifiant ont été inclus. En moyenne, Le LDL-C à l’inclusion était à 1,35 g/l. En moyenne, le LDL-C a été abaissé à 0,96 g/l dans le groupe contrôle et à 0,65 g/l dans le groupe intervention. Au terme du suivi, il y a eu significativement moins d’événements du critère primaire dans le groupe intervention que dans le groupe contrôle (HR ajusté : 0,78 ; IC95% : 0,61-0,98 ; p = 0,036). Ce bénéfice a principalement résulté d’une diminution de chaque événement cardiovasculaire évalué, bien qu’aucune de ces diminutions, prise individuellement, n’ait atteint la significativité. Il n’y a pas eu d’augmentation significative des hémorragies intracrâniennes. Messages simples • Dès lors qu’un AVC est de cause ischémique, dès lors qu’il y a une maladie athéromateuse associée, diminuer le LDL-C est bénéfique même s’il est déjà autour de 1 g/l. • La diminution du LDL-C peut être faite par une statine seule ou en association à l’ézétimibe. En pratique Il est possible et sans risque, de ne pas proposer de coronarographie et donc de revascularisation coronaire, sous traitement médical, en cas d’ischémie myocardique documentée chez un patient stable, à la condition d’avoir effectué un coroscanner préalablement. En cas d’insuffisance rénale sévère associée à une ischémie myocardique documentée chez un patient stable, il ne faut proposer une coronarographie qu’en cas d’aggravation clinique. La proposer précocement est délétère. En cas de rétrécissement valvulaire aortique très serré chez un patient encore jeune et asymptomatique, il faut proposer précocement une chirurgie de remplacement valvulaire aortique. Les anticoagulants oraux directs ne doivent pas être prescrits après une pose de prothèse valvulaire aortique par voie percutanée. Il n’est pas possible d’affirmer que cette restriction s’applique aussi en cas de fibrillation atriale associée. La colchicine à 0,5 mg par jour améliore le pronostic de patients venant d’avoir un IDM mais l’utilisation large de ce traitement justifie d’être confortée par les essais thérapeutiques en cours. Chez les patients ayant eu un AVC ischémique et ayant une maladie athéroscléreuse associée, il est cliniquement bénéfique de diminuer le LDL-cholestérol.

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