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Coronaires

Publié le 01 mar 2020Lecture 4 min

La colchicine dans le syndrome coronarien aigu

François ROUBILLE, Montpellier

JESFC

L’athérosclérose est, au moins pour partie aggravée par l’inflammation. Il peut s’agir à la fois de phénomènes chroniques (micro-inflammation chronique) mais aussi aigus (déstabilisation de la plaque, inflammation aiguë lors de l’infarctus du myocarde).

Récemment, l’étude CANTOS a démontré que moduler la microinflammation chronique pouvait aider à réduire les événements cardiovasculaires majeurs. Il s’agissait d’une étude portant chez le coronarien stable, à distance de l’événement cardiaque initial, et chez des patients présentant un certain degré d’inflammation chronique confirmée par une élévation (discrète) de la CRP ultrasensible. Il s’agissait de la première grande étude de morbi-mortalité dans ce domaine. Cette étude a démontré que l’utilisation d’un anticorps monoclonal dirigé contre l’interleukine-1 bêta (IL-1), le canakinumab permettait à certaines posologies de réduire de 15 % les événements cardiaques majeurs. Toutefois, l’étude présentait plusieurs limites. La taille de l’effet peut être jugé faible, mais aussi le traitement est très onéreux (200 000 dollars par patient et par an actuellement aux États-Unis). Par-dessus tout un excès de sepsis fatals a été rapporté, limitant de facto l’utilisation en clinique, et le laboratoire Novartis a décidé de ne pas développer le médicament en cardiovasculaire (il poursuit toutefois le développement dans le cancer du poumon, devant une réduction inattendue dans l’étude). La colchicine est un médicament anti-inflammatoire administré par voie orale actuellement utilisé pour le traitement de la goutte, de la péricardite et de la fièvre méditerranéenne familiale. Il s’agit d’un médicament connu depuis 1820, issu initialement de la fleur colchique. Il est utilisé en pratique courante, depuis longtemps dans le domaine publique et coûte très peu cher. Il est important de rappeler au cardiologue que la « dose de charge » dans la goutte n’est plus recommandée, et que de petites doses peuvent être efficaces. Par ailleurs, le poids < 70 kg, l’âge > 75 ans et la fonction rénale modérément altérée incitent à une dose réduite de moitié (contre-indiquée si clairance < 30 ml/min). De nombreuses données suggèrent que la colchicine pourrait exercer des effets bénéfiques, sur l’inflammation vasculaire, mais aussi sur la taille de l’infarctus du myocarde. Une première étude (LoDoCo) avait montré il y a quelques années une réduction très importante des événements chez le patient coronarien stable (500 patients, mais étude limitée par un faible effectif, un design d’étude pilote…). D’autres petites études avaient suggéré des effets prometteurs, depuis la stabilisation de la plaque jusqu’à la réduction de la taille de l’infarctus. Les résultats de l’étude COLCOT ont été publiés dans le New England Journal of Medicine le 16 novembre dernier (figure), et présentés simultanément à l’American Heart Association (AHA). Figure. Résultats de l’étude COLCOT. Incidence cumulée des événements cardiovasculaires (population en intention de traiter). D’après Tardif J et al. N Engl J Med 2019 ; 381 : 2497-505. COLCOT est une étude clinique d’envergure internationale qui s’est déroulée dans 167 sites de recherche situés dans 12 pays. Elle a inclus 4 800 patients dont 1 060 patients français. L’étude a été coordonnée au niveau français à Montpellier. Cette étude démontre qu’il est possible de réduire les risques d’événements cardiovasculaires avec un médicament peu coûteux et déjà disponible. L’étude a comparé la colchicine à un placebo, en complément au traitement standard, pour la prévention d’événements cardiovasculaires ischémiques chez des patients ayant récemment subi une crise cardiaque (infarctus du myocarde). Dans cette étude, les patients ayant reçu la colchicine à une dose quotidienne de 0,5 mg ont présenté des taux d’événements cardiovasculaires ischémiques (premiers et récurrents) significativement plus bas que ceux recevant le placebo. Le Centre de coordination des essais cliniques de Montréal (MHICC) a coordonné l’étude et effectué les analyses statistiques. Le CHU de Montpellier, coinvestigateur de cette étude a coordonné celle-ci au niveau européen pour la partie réglementaire. La France a largement participé à cette étude avec plus de 1 000 patients inclus sur les 4 800. Quatre centres ont inclus plus de 100 patients dans cette étude ! Les événements composant le critère d’efficacité de l’étude ont été évalués et confirmés par un comité indépendant composé de cardiologues et de neurologues. L’essai clinique a été supervisé par un comité indépendant de surveillance des données d’innocuité. Dans les 30 jours suivant leur infarctus du myocarde, les patients de COLCOT ont été assignés de façon aléatoi re à recevoir quotidiennement 0,5 mg de colchicine ou un placebo, en complément à leur traitement standard. Ils ont ensuite été suivis sur une période médiane de 23 mois. Les données de l’étude COLCOT démontrent l’efficacité de la colchicine comme traitement efficace et extrêmement utile pour réduire l’inflammation suivant un infarctus du myocarde dans le but d’améliorer le devenir cardiovasculaire des patients. En redéfinissant l’usage d’un vieux médicament, l’étude COLCOT prouve qu’il est possible d’innover dans le domaine des sciences de la vie de façon efficace, en termes de coûts et de délais. Plusieurs analyses sont en cours pour confirmer ou non l’intérêt médico-économique, mais aussi pour mieux comprendre les mécanismes sous-jacents, et poursuivre les études de confirmation.

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