Coronaires
Publié le 01 mar 2020Lecture 4 min
Christophe SAINT-ÉTIENNE, Thibaud GENET, CHRU Trousseau, Chambray-lès-Tours
JESFC
Depuis une quarantaine d’années, les études dans la prise en charge du syndrome coronarien aigu (SCA) ont successivement été publiées et ont abouti à l’ordonnance post-SCA que nous connaissons tous aujourd’hui sous l’acronyme « BASIC » : Bêtabloquant, Antiagrégants plaquettaires, Statines, Inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) et Correction des facteurs de risque cardiovasculaire.
À l’ère de l’angioplastie primaire et des nouveaux antiagrégants plaquettaires, le niveau de preuve de certaines de ces classes thérapeutiques issues d’études anciennes questionnent. De plus, d’autres molécules ont été évaluées et semblent apporter un bénéfice dans la prise en charge de nos patients. Au point d’apparaître dans les prochaines recommandations ?
B, bêtabloquants
Les bêtabloquants occupent une place importante du traitement médicamenteux du SCA depuis les années 1960 avec dans un premier temps des études évaluant le propranolol puis dans les années 1970 et 1980 avec des études sur l’acébutolol, le métoprolol et l’aténolol(1). Les recommandations de l’ESC 2017(2) donnent une recommandation de classe I-A pour les patients souffrant d’insuffisance cardiaque et/ou avec une fraction d’éjection du ventricule gauche < 40 % en faveur de l’utilisation des bêtabloquants en post-SCA. Pour les patients à fraction d’éjection > 40 %, le débat est plus que jamais ouvert ! Dans une métaanalyse récente(3) le bénéfice apporté par un traitement bétabloquant est mitigé. En effet, il est retrouvé une diminution des symptômes et des récurrences ischémiques surtout dans les 30 premiers jours au prix d’une augmentation du risque d’insuffisance cardiaque ou de mauvaise observance thérapeutique. Un traitement prolonge par bêtabloquant n’est pas sans conséquence. Les effets secondaires sont nombreux (asthénie, troubles de la vision, syndrome de Raynaud, insomnie, perte de la libido, depression, impuissance chez l’homme, etc.) et les interactions medicamenteuses ou complications liées aux surdosages potentiels existent (troubles de la conduction, syncope et pose de pacemaker). Pour ces raisons, le niveau de recommandations de l’utilisation des bêtabloquants au long cours chez les patients avec une fraction d’éjection > 40 % a récemment été dégradé à un grade II-a B.
Afin de réévaluer les bêtabloquants dans l’ordonnance post- SCA, plusieurs études sont actuellement en cours d’inclusion : ABYSS (étude française), REBOOT (étude italo-espagnole) et BETAMI (étude norvégienne). Les résultats de ces études sont attendus entre 2022 et 2024 et devraient nous apporter des réponses.
A, antiagrégants plaquettaires
La prescription d’antiagrégants plaquettaires dans le SCA a subi une révolution dans les années 2010 avec l’arrivée des nouveaux inhibiteurs du P2Y12 (prasugrel, ticagrelor) et leurs études princeps respectives TRITON et PLATO. La double antiagrégation plaquettaire (DAPT) est une recommandation de classe I-A pour les SCA avec susdécalage du segment ST(2) et sans sus-décalage du segment ST(4). Les questions actuelles sur l’antiagrégation plaquettaire portent principalement sur la durée de cette DAPT et dans une moindre mesure sur l’utilité du traitement par aspirine. En résumé, la durée de la DAPT doit être 12 mois après un SCA mais peut être réduite à 6 mois, voire moins pour les patients à haut ou très haut risque hémorragique ou sous traitement anticoagulant au long cours. À l’opposé, en cas de patient à risque ischémique élevé et si la tolérance le permet, le traitement peut être prolongé jusqu’à 3 ans(5). Enfin, l’étude T-PASS (en cours) dont les résultats sont attendus pour 2021, comparant une monothérapie par ticagrelor versus une DAPT standard, fragilisera peut-être le dogme de l’aspirine pour tous les patients en post-SCA.
S, statines
La classe thérapeutique des statines a accumulé avec les années des données conséquentes démontrant leur bénéfice en prévention secondaire. En effet, les études montrent l’intérêt d’une stratégie précoce et à forte dose(6). Une large métaanalyse publiée en 2010 regroupant plus de 170 000 patients a montré que plus la baisse de LDL-cholestérol est significative, plus le risque de survenue d’événement cardiovasculaire diminue(7). Le traitement par statine peut être optimisé chez les patients n’ayant pas atteint l’objectif thérapeutique avec l’ajout d’ézétimibe (étude IMPROVE-IT). En cas d’intolérance aux statines, un traitement par ézétimibe pourra être envisagé, mais son bénéfice reste inférieur à celui apporté par les statines(8).
I, inhibiteurs de l’enzyme de conversion
Les IEC sont prescrits en accord avec les recommandations sur l’insuffisance cardiaque de l’ESC 2016(9) aux patients qui après un SCA présenteront une altération de leur FEVG, diabétique ou nécessitant un traitement antihypertenseur.
Mais qu’en est-il des patients ayant une FEVG > 40 % ? L’étude EUROPA(10) a cherché à répondre à cette question. Après un suivi de 4 ans, il est retrouvé une faible diminution des événements cardiovasculaires chez les patients traités par périndopril (1 événement évité pour 50 patients traités). Ainsi, les recommandations actuelles(2) donnent une recommandation de grade IIa-A pour cette classe médicamenteuse.
Quelles autres thérapeutiques envisager ?
Avec les résultats de l’étude COLCOT parus en 2019 dans le NEJM(11), se pose la question d’ajouter la colchicine à l’ordonnance du patient ayant présenté un SCA. En effet, parmi les patients présentant un infarctus récent, la colchicine, probablement en raison de ses propriétés anti-inflammatoires, semble diminuer la survenue de nouvel événement ischémique. D’autres travaux seront nécessaires pour confirmer ces résultats et pourront conduire à une mise à jour prochaine des recommandations.
D’autres thérapeutiques sont également à considérer :
– les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) devront être envisagés dans l’ordonnance d’un patient à risque hémorragique ou aux antécédents d’ulcère gastroduodénal ;
– les dérivés nitrés sublinguaux seront prescrits de manière systématique pour un usage à la demande, avec les règles de bon usage ;
– les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine 2 (ARA 2) sont à envisager en cas de mauvaise tolérance clinique aux IEC ;
– enfin, les minéralocorticoïdes devront être prescrits chez les patients avec altération de la FEVG (FEVG < 40 %) en plus du traitement par bêtabloquant et IEC.
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