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Vasculaire

Publié le 01 oct 2021Lecture 4 min

Épidémiologie de l’artériopathie athéromateuse des membres inférieurs

Shanon TAN, Guillaume GOUDOT, Emmanuel MESSAS, service de médecine vasculaire, hôpital européen Georges Pompidou, APHP, Université de Paris, Paris

D’un point de vue épidémiologique, l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), lorsque définie par une obstruction athéromateuse des artères périphériques allant de l’aorte abdominale jusqu’aux artères distales de jambes et se traduisant par un index de pression systolique à la cheville inférieure à 0,9, touchait en 2010 plus de 200 millions de personnes(1) dans le monde et correspond à la 3e cause de morbidité cardiovasculaire après la cardiopathie ischémique et l’accident vasculaire cérébral (AVC)(2).

Si certaines données n’étonnent pas, telles que l’augmentation de la prévalence avec l’âge, avec 5 % de cas chez les 40-44 ans et 12 % chez les 70- 74 ans(1), il est important de considérer ce point singulier : parmi les 200 millions de personnes atteintes d’AOMI en 2010, 60 millions seulement provenaient de pays à hauts revenus et une large majorité des patients, 140 millions, provenaient de pays à bas revenus. Plus encore, il est constaté une augmentation plus importante de la prévalence dans les pays à bas revenus (+ 28 % entre 2000 et 2010) comparé aux pays à hauts revenus (+ 13 %) (tableau 1)(1). Il existe ainsi un risque 2 fois plus élevé de développer une AOMI chez les populations à bas revenus et ceci, quels que soient l’ethnie et les facteurs de risque cardiovasculaire (tableau 2)(3,4). Ces données souvent méconnues doivent faire prendre la mesure de la nécessité d’accentuer la prévention cardiovasculaire partout dans le monde. Outre l’existence de cette disparité entre classes sociales, il existe également une différence de prévalence entre les ethnies, quels que soient le revenu, les facteurs de risque cardiovasculaire, avec notamment une prévalence plus importante chez les Noirs avec 11 % d’AOMI contre 5,5 % dans la population blanche(5). Les formes d’AOMI sont également plus sévères avec plus d’amputations et d’ischémies critiques(6,7). En moyenne, parmi les patients atteints d’AOMI, seuls 10-30 % présentent une forme typique de claudication à l’effort, 40- 50 % présentent une forme atypique avec des douleurs non rythmées par l’effort et pouvant débuter au repos et être soulagées à l’effort(8), 11 % sont au stade ischémie critique(9) avec un risque à 1 an d’amputation majeure de 22 % et un risque de mortalité toutes causes de 22 % dans cette sous-population(10). La diversité des présentations cliniques de cette pathologie la rend ainsi peu connue de la population générale et du corps médical avec seulement 50 % des médecins traitants qui sont au courant du diagnostic d’AOMI déjà posé auparavant chez leurs patients, et seulement 6 % connaissent l’existence de recommandations dédiées à cette pathologie(11). Pourtant, il existe un risque particulièrement élevé de mortalité et de morbidité cardiovasculaires associé à cette pathologie. En effet, il faut ici rappeler qu’un antécédent isolé d’AOMI est un indicateur de risque plus élevé d’événement cardiovasculaire majeur comparativement à la présence d’un antécédent isolé d’AVC ou d’infarctus du myocarde (figure 1)(12). Il est donc nécessaire de mieux faire connaître cette « maladie grave » auprès des professionnels de santé afin de proposer une prévention et une prise en charge optimale d’autant plus que les principaux facteurs de risques sont bien connus. Le tabagisme, l’hypertension artérielle et le diabète sont les facteurs de risque les plus associés au développement de la maladie. Le tabagisme multiplie par 5 le risque de développer une AOMI lorsqu’il est actif, et ce risque diminue proportionnellement aux nombres d’années sevrées. Dans l’AOMI, comparé à la cardiopathie ischémique et l’AVC, un sevrage plus long est nécessaire pour revenir à un risque semblable à celui d’un patient n’ayant jamais fumé (figure 2)(16). Le diabète, second facteur de risque à l’échelle individuelle, augmente le risque de 5 fois de développer une AOMI(13) avec 3 fois plus de claudications(14) et 5 fois plus d’amputations(15) avec une atteinte préférentielle des artères sous-poplitées. L’hypertension artérielle, quant à elle, double le risque de développer la maladie, mais également le risque de présenter une ischémie critique (figure 3)(17). Ces facteurs de risque dits « conventionnels » favorisent également les atteintes microvasculaires. Des études ont montré que la présence d’une microangiopathie est associée à un risque plus élevé de développer une maladie cardiovasculaire et notamment d’AOMI comparé à la cardiopathie ischémique ou l’AVC (figure 4)(18). Il existe par ailleurs des facteurs de risque plus atypiques telle l’infection au VIH, où un taux de CD4 bas est corrélé au risque de survenue d’AOMI (figure 5)(19). Le mécanisme de cette association n’est pas exactement connu, mais il serait en lien, d’une part, avec une toxicité liée au traitement antirétroviral, d’autre part, avec le virus en lui-même qui entraînerait une dysfonction endothéliale et une accélération du processus athéromateux liées à l’inflammation. En effet, l’inflammation entraîne au sein de la paroi artérielle des cascades de signalisation responsables d’une augmentation de l’adhérence des cellules endothéliales, une augmentation de l’agrégation plaquettaire, et une baisse des facteurs anticoagulants. Ainsi les formes sévères d’AOMI sont associées à des taux élevés de marqueurs de l’inflammation tels que IL- 6, la CRP, le fibrinogène(20). Il est également important de prendre en charge de manière optimale les troubles psychiatriques puisque la dépression est associée à un risque de développer une AOMI chez des patients ayant déjà eu un événement cardiovasculaire autre. Cette association est en lien avec une nonobservance des traitements vasculoprotecteurs initialement prescrits.

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