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Vasculaire

Publié le 01 oct 2021Lecture 10 min

Optimisation du traitement médical de l’artériopathie des membres inférieurs en 2021

Jonas SITRUK, Guillaume GOUDOT, Nassim MOHAMEDI, Emmanuel MESSAS, service de médecine vasculaire, Hôpital européen Georges Pompidou, APHP, Université de Paris, Paris

La présence de lésions athéromateuses de l’aorte et des membres inférieurs témoigne toujours d’un risque d’événements cardiovasculaires augmenté.

• Traiter pour prévenir un événement cardiovasculaire : la mortalité cardiovasculaire avant tout La présence de lésions athéromateuses de l’aorte et des membres inférieurs témoigne toujours d’un risque d’événements cardiovasculaires augmenté. Les patients avec une AOMI sont considérés à très haut risque cardiovasculaire dès la présence d’un index de pression systolique anormal (< 0,9 ou > 1,4), même en l’absence de symptôme(1). En se référant aux dernières recommandations de 2017 de la Société européenne de cardiologie en collaboration avec la Société européenne de chirurgie vasculaire(2), nous allons ici développer les différents piliers du traitement médical, en insistant sur la nécessité d’un traitement à la fois précoce, dès la détection de l’AOMI, mais surtout agressif sur la correction des facteurs de risque cardiovasculaire. En effet, l’AOMI sélectionne le plus souvent des patients cumulant les facteurs de risque modifiables, avec en premier lieu une intoxication tabagique majeure. Se résoudre à une attitude attentiste avec des objectifs complaisants n’est pas acceptable pour ces patients qui développent alors les formes les plus graves de cardiopathie ischémique, d’accident cérébro-vasculaire, et d’ischémie aiguë ou permanente chronique des membres inférieurs. Le traitement médical est la clé de voûte de la prise en charge, permettant la plus grande efficacité dans la réduction de la morbimotalité de ces patients. Le traitement par antithrombotique est également fondamental et abordé dans l’article dédié. Premier pilier : la réduction de la consommation tabagique Premier facteur de risque d’AOMI, le tabagisme est l’ennemi n°1 des patients présentant des lésions athéromateuses des membres inférieurs. Le sevrage complet et définitif de l’intoxication tabagique est aussi essentiel qu’il est complexe à obtenir chez le patient atteint d’AOMI. En effet, les patients porteurs d’AOMI présentent le plus souvent une consommation tabagique forte et ancienne, donc associée à une dépendance majeure. La proposition d’un sevrage ne doit pas se limiter à un simple, bien que nécessaire, conseil en consultation, et nécessite la proposition précoce d’une aide au sevrage. Elle peut passer par une prescription médicamenteuse dès lors que le test de Fagerström révèle une dépendance (≥ 3). Trois traitements sont actuellement disponibles : le traitement nicotinique de substitution (TNS) (par patchs, inhalateurs, gommes ou pastilles ; remboursés), la varénicline (CHAMPIX® ; remboursé) ou le bupropion (ZYBAN® ; non remboursé). Ces 3 traitements ont montré leur efficacité sur le sevrage tabagique, mais également leur innocuité en termes d’effets secondaires psychiatriques graves (il leur avait été reproché un risque accru d’état dépressif qui était finalement provoqué par le sevrage nicotinique en lui-même) dans l’essai thérapeutique versus placebo EAGLES en 2016(3). Leur innocuité cardiovasculaire a également été démontrée(4). La durée de ces traitements est de 12 semaines et peut être prolongée par la suite. La vapoteuse (avec ou sans nicotine) est également une solution pour aider au sevrage (non remboursé), cependant des études rigoureuses restent encore nécessaires et sont en cours, notamment l’étude française ECSMOKE(5)(6). L’aspect motivationnel est également important, il est conseillé de convenir d’une date de sevrage avec le patient et de faire un suivi rapproché. Une consultation avec un tabacologue est ainsi recommandée pour le suivi et la bonne utilisation de ces traitements. Le numéro de téléphone 3989 de tabac-info-service ou leur site internet peut être donné au patient pour trouver facilement une consultation proche de chez lui(7). Second pilier : la réduction du LDL-C Tout patient présentant une AOMI, même asymptomatique doit bénéficier d’un contrôle du bilan lipidique, de règles hygiéno-diététiques adaptées, et d’un traitement précoce par hypolipémiant (en cas d’objectif non atteint chez les patients asymptomatiques, d’emblée chez les symptomatiques), en premier lieu par des statines. Chez les patients avec une AOMI (symptomatique ou non) la cible, adaptée des dernières recommandations ESC de 2019, est < 1,4 mmol/l (soit 0,55 g/l). La survenue d’un événement cardiovasculaire chez les patients présentant un LDL-C sous la cible modifie ces objectifs, motivant une réduction d’au moins 50 % du taux de LDL-C initial . Par la suite, si un second événement cardiovasculaire survient dans les 2 ans sous statine à dose maximale tolérée, on pourra viser un objectif de LDL encore plus bas : en dessous de 1,0 mm (soit 0,4 g/l)(1). Atteindre la cible désormais plus stricte de LDL-C afin de conférer au patient une meilleure prévention des événements cardiovasculaires, sousentend de débuter rapidement un ou plusieurs traitements hypocholestérolémiants à forte dose. Il apparaît que ce traitement est malheureusement insuffisamment prescrit chez nos patients atteints d’AOMI actuellement(8). Pourtant, en plus du bénéfice sur la prévention des événements cardiovasculaires (chaque diminution de 1 mmol/l de LDL réduit de 22 % la survenue de syndrome coronarien aigu, infarctus cérébral, mortalité cardiovasculaire et revascularisation coronaire à 5 ans[9]), les statines permettent d’atteindre des objectifs fonctionnels dans l’AOMI, avec l’augmentation des périmètres de marche totale et sans douleur, ainsi que la diminution du taux d’amputations(8). Utilisation des statines (inhibiteur HMG-Coa Reductase) Il s’agit du traitement de première intention. Cinq molécules sont disponibles : rosuvastatine (Crestor®), atorvastatine (Tahor®), pravastatine (Elisor®), simvastatine (Zocor®), fluvastatine (Lescol®). Si possible, l’utilisation d’une statine de dernière génération (atorvastatine ou rosuvastatine) est à privilégier. Le traitement sera débuté avec une de ces molécules à moyenne dose. Puis après avoir vérifié la bonne tolérance et observance du traitement (bilan hépatique à 8 semaines et absence de symptômes musculaires), il faudra une majoration jusqu’à la dose nécessaire pour atteindre l’objectif. Si le traitement est mal toléré, il doit être remplacé par une autre statine (essayer successivement les 5 différentes molécules) avant de considérer le patient comme intolérant aux statines. Plusieurs études ont prouvé l’efficacité des statines chez les patients avec AOMI, notamment les statines à forte dose (atorvastatine 40-80 mg, rosuvastatine 10-20 mg) permettant de réduire la survenue de MACE(8). La simvastatine et l’atorvastatine ont montré un bénéfice versus placebo d’augmentation de 100 m le périmètre de marche chez les patients symptomatiques(10). Utilisation de l’ézétimibe : inhibiteur de NPC1L1 Le relais ou l’association par un inhibiteur de NPC1L1 est la seconde étape. Il n’existe qu’une seule molécule : l’ézétimibe (Ezétrol®), et un seul dosage de 10 mg. Il est à introduire en association à la statine (bithérapie), ou seul si cette dernière n’est pas bien tolérée(11). Des comprimés sous forme d’association ézétimibe-statine existent (pour la rosuvastatine, atorvastatine et simvastatine), il est fortement conseillé de les utiliser afin de réduire le nombre de comprimés quotidien et favoriser l’observance du patient. Utilisation des anti-PCSK9 En cas d’intolérance au traitement ou d’objectif non atteint par un traitement par statine et ézétimibe, il est désormais possible et souhaitable d’aborder l’utilisation des inhibiteurs de PCSK9 (Proprotéine Convertase Subtilisine/ Convertase 9). Ces traitements ont désormais bien démontré leur sécurité et leur efficacité, non seulement quant à la réduction drastique du taux de LDL-C, mais également sur la réduction des événements cardiovasculaires(12). L’étude FOURIER a ainsi inclus 3 642 patients avec AOMI symptomatique. Elle a montré une réduction du risque d’événements majeurs des artères des membres inférieurs (MALE) de 42 % et de 21 % sur les événements majeurs cardiovasculaires (MACE) avec l’évolocumab versus placebo. Cet effet était d’autant plus important que le LDL était bas, jusqu’à < 0,3 mmol/l. Cette réduction drastique du LDL n’était pas associée à l’apparition d’effets secondaires (y compris neurocognitifs)(13,14). Cette nouvelle classe d’hypolipémiant comprend 2 molécules : l’évolocumab et l’alirocumab. Elles sont injectables par voie sous-cutanée. Elles possèdent un fort pouvoir hypolipémiant (- 60 %) et permettent ainsi d’atteindre plus facilement l’objectif de LDL-C < 1,4 mmol/l. Actuellement, seul l’évolocumab (Repatha®) a reçu une AMM dans l’AOMI, depuis décembre 2020. Sa prescription reste encore soumise à une demande d’accord préalable auprès de la Sécurité sociale. La condition nécessaire est la présence d’une AOMI symptomatique avec un LDL ≥ 1,8 mmol/l (0,7 g/l) malgré au moins une statine à dose maximale tolérée(15). Quels que soient les traitements hypolipémiants introduits, le bilan lipidique devra être contrôlé toutes les 8 semaines jusqu’à l’obtention de l’objectif de LDL-C (d’autant que cela renforce l’observance thérapeutique), puis au moins 1 fois par an. La surveillance des transaminases hépatiques n’est à réaliser qu’avant et à 8-12 semaines après l’introduction du traitement. La créatine phospho-kinase (CPK) n’est à doser qu’en cas de douleurs musculaires. Pour plus de détail sur le suivi biologique, le tableau 13 des recommandations sur la prise en charge des dyslipidémies de l’ESC 2019 est disponible en ligne(1). Enfin il est important de rappeler que veiller à l’observance du traitement hypolipémiant est indispensable, à son introduction mais aussi au long cours. Le praticien y joue un rôle central : l’éducation du patient sur l’importance du traitement et ses bénéfices, le suivi biologique régulier pour valoriser la baisse du LDL-C sous traitement, proposer l’utilisation d’un pilulier, être à l’écoute pour traquer les effets secondaires et les interrogations que pourrait avoir le patient sont des leviers simples pour renforcer l’observance du patient(16). Troisième pilier : atteindre les objectifs de pression artérielle Si la définition de l’hypertension artérielle est maintenue comme une pression artérielle dépassant les normes de 140 mmHg de pression systolique et/ou 90 mmHg de pression diastolique, les objectifs sont désormais d’atteindre une pression inférieure à 130/80 mmHg de pression artérielle chez le patient de moins de 65 ans, et < 140/80 mmHg audelà de 65 ans(17). Si une bithérapie est désormais recommandée d’emblée, la présence d’un traitement par inhibiteur de SRAA et notamment un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) à visée vasculoprotectrice est souhaitable. En effet, audelà de son effet sur la pression artérielle, l’IEC possède des effets vasodilatateur et protecteur vis-à-vis du vieillissement artériel et de la progression des lésions athéromateuses. Les IEC permettent ainsi de diminuer les événements majeurs cardiovasculaires (mortalité cardiovasculaire, événements coronariens, infarctus cérébraux et revascularisations artérielles) au long cours, y compris chez les patients avec AOMI asymptomatique et non hypertendus(18,19). Tout patient avec AOMI devrait donc se voir prescrire un IEC à dose maximale tolérée. L’introduction se fait à petite dose puis, sous couvert d’une bonne tolérance clinique (pas d’hypotension) et biologique (pas d’augmentation de la créatinine ≥ 30 %, pas d’hyperkaliémie), la posologie est augmentée progressivement jusqu’à la dose maximale en une prise par jour. Une fois le traitement bien équilibré, il est nécessaire de contrôler la pression artérielle par une automesure sur 3 jours au moins tous les 6 mois. Quatrième pilier : équilibration du diabète Ces dernières années ont vu l’arrivée de 2 nouvelles classes thérapeutiques séduisantes car limitant les événements cardiovasculaires, bouleversant la prise en charge des patients diabétiques : les agonistes des récepteurs du glucagon-like peptide-1 (AR-GLP-1) et les inhibiteurs des cotransporteurs sodium-glucose de type 2 (iSGLT2). Les dernières recommandations des sociétés internationales de diabétologie et cardiologie (ADA, EASD, ESC) orientent désormais le choix du traitement antidiabétique selon les profils cardiovasculaire et rénal du patient. Dans le cas du patient avec AOMI, il devrait se voir désormais prescrire en première intention de la metformine associée à un AR-GLP-1 (sinon à un inhibiteur des SGLT2) indépendamment de son HbA1c (20,21). En France, l’Assurance maladie rembourse actuellement 3 molécules inhibiteurs SGLT2 (dapagliflozine, empagliflozine et canagliflozine) et 4 molécules AR- GLP1 (liraglutide, dulaglutide, exénatide, sémaglutide) : uniquement en seconde ligne, après un échec de la metformine ou d’un sulfamide hypoglycémiant pour atteindre un objectif d’HbA1c. Enfin, il est à noter qu’un signal d’augmentation du risque d’amputation avait été retrouvé dans l’étude CANVAS avec la canagliflozine(22), celui-ci n’a pas été retrouvé dans l’étude récente DECLARE-TIMI 58 avec la dapagliflozine(23) et renforce le bénéfice de cette classe pour diminuer les événements cardiovasculaires y compris chez les patients avec AOMI. • Traiter pour limiter les conséquences de l’ischémie critique Chez les patients en ischémie critique ou trouble trophique (douleur de décubitus ou plaie artérielle non cicatrisée depuis plus de 14 jours, avec pression de cheville < 50 mmHg), une hospitalisation dans une structure spécialisée est nécessaire. Le traitement médical est ici intégré à la prise en charge multidisciplinaire incluant la nécessité d’une revascularisation efficace par voie endovasculaire ou par chirurgie ouverte. L’iloprost est un analogue de prostacycline, pouvant être utilisé dans certains cas. De par ses effets vasodilatateurs périphériques et antiagrégants plaquettaires, l’iloprost vient favoriser la vasodilatation du lit capillaire et pourrait ainsi améliorer les douleurs au repos, favoriser la cicatrisation des ulcères et réduire les amputations majeures. Bien que les preuves d’efficacité restent faibles, le bénéfice du traitement demeure intéressant chez les patients pour qui un geste de revascularisation est en attente ou en cas d’impossibilité de revascularisation avec pour seule alternative une amputation(24,25). L’iloprost s’administre en perfusion intraveineuse à la posologie de 0,5 à 2 ng/kg/min pour une durée de 6 heures par jour, la durée maximale de traitement étant de 28 jours. Il nécessite une surveillance clinique avec prise rapprochée des constantes à la recherche de signes de mauvaise tolérance (hypotension, céphalée, nausée), particulièrement à l’instauration du traitement.

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