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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 02 nov 2021Lecture 4 min

Où en est l’ablation dans le syndrome de Brugada ?

Anaïs GAUTHEY et al.*, Bruxelles

Le syndrome de Brugada (BrS) est une maladie arythmique génétique autosomique dominante associée à un risque de mort subite cardiaque (MSC)(1). Le taux de MSC dans le BrS peut atteindre 1 % par an chez les patients asymptomatiques et 7 % par an en cas d’antécédents de MSC ressucitées(2,3). Le défibrillateur automatique implantable (DAI) réduit la mortalité chez les patients atteints du BrS avec jusqu’à 15 % d’entre eux qui subiront des chocs appropriés(3-5). L’ablation du substrat dans le BrS a été proposée comme stratégie sûre et efficace pour réduire la charge arythmique chez les patients à haut risque(6,7).

L'objectif de cette revue est de discuter des indications et des résultats de l’ablation du substrat dans le cadre du BrS. Ablation épicardique du substrat dans le BrS : techniques et résultats La région épicardique de la chambre de chasse du ventricule droit (CCVD) constitue le substrat anatomique arythmogène du BrS(8,9). Les anomalies de dépolarisation (conduction lente) ou de repolarisation (hétérogénéité et gradients électriques de repolarisation) au sein de ce substrat prédisposent aux événements rythmiques(6,10-12). K. Nademanee et al. ont publié les premiers résultats de l’ablation épicardique du substrat du BrS par ponction épicardique ; les 9 cas cliniques concernaient des patients très symptomatiques (médiane de 4 épisodes de fibrillation ventriculaire/mois et chocs fréquents délivrés par le DAI). Après ablation, il n’y avait pas de récidive d’événements(6). Les travaux à plus large échelle de C. Pappone et al. ont décrit l’intérêt de l’ajmaline pour délimiter le substrat et guider la stratégie d’ablation épicardique(13). Dans la plus grande cohorte publiée à ce jour, 191 patients présentant le BrS ont bénéficié d’une ablation du substrat par ponction épicardique avec des résultats notables sur la suppression du pattern ECG du BrS et sur l’absence d’induction d’arythmies ventriculaires. À 10 mois de suivi, le taux de récidive était de 1,4 %(14). La taille du substrat est un prédicteur indépendant de l’induction d’arythmies ventriculaires(13). Par conséquent, la pertinence d’une stratégie d’ablation ciblée sur la CCVD, guidée par la caractérisation du substrat, est d’autant plus renforcée. L’approche hybride thoracoscopique dans le BrS s’affiche comme une nouvelle technique accessible et sûre (figure 1) ; elle permet l’utilisation d’un dispositif d’ablation épicardique linéaire pour une meilleure stabilité et une plus large surface de contact (figure 2). L’exploration directe thoracoscopique des structures anatomiques permet de préserver les artères coronaires, d’avoir un accès à la graisse épicardique de la CCVD et de réduire le temps d’ablation pour optimiser l’efficacité de l’ablation. L’abord thoracoscopique rend aussi possible l’implantation concomitante d’un DAI épicardique (figure 3)(7). Les complications de l’ablation épicardique sont similaires entre les deux techniques : les péricardite/pleurésie traitées médicalement pour la plupart, la tamponnade et le pneumothorax. Figure 1. Accès épicardique par voie thoracoscopique. Accès thoracoscopique à la paroi antérieure du VD et à la CCVD via 3 incisions unilatérales gauches (2 accès pour les instruments et 1 accès vidéo). L’accès vidéo se situe à hauteur du 5e espace intercostal sur la ligne axillaire moyenne. Les deux accès pour les instruments se situent à hauteur du 3e et 6e/7e espace intercostal sur la ligne axillaire antérieure respectivement. VD : ventricule droit ; CCVD : chambre de chasse du ventricule droit. Figure 2. Cartographie thoracoscopique et ablation du substrat arythmogène. A : Dissection des sinus transverses et obliques et ouverture du péricarde antérieurement par rapport au nerf phrénique. B : Système de cartographie épicardique utilisé pour cibler le substrat arythmogène à l‘état basal et durant l’administration d’ajmaline. C : Ablation épicardique de la région cible à l’aide d’un dispositif linéaire d’ablation par radiofréquence. Figure 3. Implantation épicardique du DAI. A-B : Radiographies thoraciques de face et de profil après implantation épicardique du DAI. Le boîtier se situe en sous-costal gauche. C : Sondes épicardiques du DAI sous l’angle de vue thoracoscopique. Indications et contre-indications L’ablation peut être considérée chez les patients avec antécédents d’orage rythmique ou de chocs appropriés répétés délivrés par le DAI (classe IIb, C)(15). Le taux de récidive d’arythmies ventriculaires après ablation du substrat dans le BrS confère à cette technique un rôle complémentaire au DAI quant à l’impact sur la mortalité(15). En prévention secondaire, parmi les patients ayant survécu à une MSC et/ou en cas de TV spontanées, l’implantation d’un DAI est recommandée (classe I, C)(15). Parmi ce groupe de patients à haut risque, l’ablation réduit les chocs délivrés par le DAI avec toutefois jusqu’à 27 % de récidives d’événements ventriculaires à 25 mois de suivi(16). En prévention primaire, parmi les patients sans antécédents d’arythmies, la stratification du risque est basée sur des facteurs cliniques prédicteurs et scores tels que le Brussels score(17). L’implantation d’un DAI devrait être envisagée chez des patients avec un pattern ECG spontané de type I et avec des antécédents de syncope (classe IIa, C) de même qu’en cas d’induction d’arythmies ventriculaires à l’étude électrophysiologique (classe IIb, C)(15). Parmi ce groupe de patients, l’ablation du substrat dans des centres expérimentés peut être proposée en prévention primaire, en complément du DAI, si le patient est considéré à haut risque d’événements (> 6 % à 5 ans ; Brussels score), avec de bons résultats à long terme(7). L’accès épicardique pourrait s’avérer plus difficile en cas d’antécédents de thoracotomie et/ou d’accès épicardique. L’administration d’ajmaline pour révéler le substrat épicardique est contre-indiquée chez les patients avec antécédents de MSC ressuscitées ou d’arythmies ventriculaires induites par l’ajmaline. Conclusion ▸ L’ablation épicardique du substrat dans le BrS représente une stratégie thérapeutique efficace et sûre pour les patients à haut risque ou pour ceux présentant des arythmies ventriculaires récurrentes ou d’orages rythmiques. ▸ Si cette technique réduit la survenue d’arythmies ventriculaires, elle ne constitue pas à ce jour une alternative à l’implantation du DAI. * L. PANNONE, C. MONACO, J. SIEIRA, C. DE ASMUNDIS, P. BRUGADA, Bruxelles Publié dans RythmologieS

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