Publié le 15 mai 2022Lecture 8 min
Focus sur les lipides
Jean FERRIÈRES, Fédération de cardiologie, CHU de Toulouse
Les médicaments hypolipidémiants, en particulier les statines, améliorent le pronostic cardiovasculaire ainsi que le pronostic vital. La compréhension des mécanismes à l’origine de cette amélioration de la survie est bien évidemment liée à l’effet des lipides athérogènes sur le mécanisme d’action intime au niveau de la plaque d’athérosclérose qui reste néanmoins largement méconnu.
• Anticorps anti-PCSK9 : la plaque au bout du stylo !
Les médicaments hypolipidémiants, en particulier les statines, améliorent le pronostic cardiovasculaire ainsi que le pronostic vital. La compréhension des mécanismes à l’origine de cette amélioration de la survie est bien évidemment liée à l’effet des lipides athérogènes sur le mécanisme d’action intime au niveau de la plaque d’athérosclérose qui reste néanmoins largement méconnu.
L’étude PACMAN-AMI a été présentée à ce congrès alors que l’étude HUYGENS a déjà été publiée. Ces deux études ont évalué les anticorps monoclonaux anti-PCSK9 dans le contexte de l’infarctus du myocarde à la phase aiguë. Ces 2 études ont utilisé les méthodologies d’imagerie les plus modernes afin de tester l’efficacité des anticorps anti-PCSK9 sur la régression ou la stabilisation des plaques d’athérosclérose coronaire.
Dans l’étude PACMAN-AMI, I’alirocumab a été initié moins de 24 heures après l’angioplastie réalisée en urgence dans le cadre de l’infarctus du myocarde en phase aiguë : 148 patients ont reçu I’alirocumab 150 mg tous les 15 jours et la rosuvastatine 20 mg par jour et 152 patients ont reçu la rosuvastatine 20 mg par jour et un placebo pendant 52 semaines, avec sous traitement un LDL à 24 mg/dl sous alirocumab contre 74 mg/dl sous placebo.
Chez chaque patient et pour deux artères non reliées à l’infarctus du myocarde, une échographie endocoronaire a été réalisée ainsi qu’une spectroscopie dans le proche infrarouge et une tomographie par cohérence optique (OCT).
L’analyse principale a porté sur la modification de la charge athéromateuse évaluée par l’échographie endocoronaire du point de départ jusqu’à la 52e semaine. Il s’agissait de sujets âgés de 58,5 ans avec une majorité d’hommes et 537 artères ont été analysées. Au bout d’une année, le volume d’athérosclérose a diminué de 2,13 % avec I’alirocumab et de 0,92 % avec le placebo (p < 0,001). Le noyau lipidique maximum a diminué de 79,42 contre 37,60 avec le placebo (p < 0,006). La chape fibreuse a augmenté de 62,67 microns avec I’alirocumab contre 33,19 microns avec le placebo (p < 0,03). La figure 1 montre un exemple de régression de plaque, de diminution de lipides intra-plaque et d’épaississement de la chape fibreuse chez un patient de l’étude.
Cette étude PACMAN-AMI vient confirmer les résultats qui avaient été présentés avec l’évolocumab dans l’étude HUY-GENS, dans laquelle il s’agissait de syndromes coronaires aigus sans sus-décalage du segment ST et d’une imagerie initiale réalisée 2,3 jours après l’admission ; entre l’imagerie et la randomisation, il y avait simplement 4,2 jours.
Les patients devaient être sous un traitement par statines à la dose maximale tolérée et en réalité le LDL-cholestérol était aux alentours de 141 mg/dl. Les patients subissaient une échographie endocoronaire ainsi qu’une OCT. Sous évolocumab, le LDL-cholestérol était à 28,1 mg/dl contre 87,2 mg/dl dans le groupe placebo. Avec l’évolocumab, il y a eu une augmentation significativement plus grande de la chape fibreuse de 42,7 microns contre 21,5 microns dans le groupe placebo (p < 0,015) ; il y a eu également une diminution de l’arc lipidique de 57,5 degrés contre 31,4 degrés dans le groupe placebo (p < 0,04). Enfin, il a été observé une plus grande régression de la plaque d’athérosclérose évaluée par échographie endocoronaire de 2,29 % sous évolocumab contre 0,61 % sous placebo (p < 0,009). Un exemple d’augmentation de la chape fibreuse (FCT) chez un patient de l’étude est présenté dans la figure 2.
Ces deux études suggèrent que le traitement hypolipidémiant agressif et donné de manière rapide dans le syndrome coronaire aigu peut impacter le développement des plaques d’athérosclérose. En d’autres termes, les plaques d’athérosclérose vulnérables peuvent être modifiées dans le sens de la stabilisation. Tout ceci est un plaidoyer pour l’initiation du traitement hypolipidémiant agressif dès la phase aiguë avec au moins une association comportant une statine et un anticorps monoclonal anti-PCSK9.
• Lipoprotéines riches en triglycérides : espoir ou mirage ?
L’étude TRANSLATE-TIMI 70 a évalué l’impact d’un traitement sur la voie des triglycérides par un traitement moderne par oligonucléotide anti-sens. La perte d’activité du gène de l’angiopoïétine-like 3 est associée à une diminution des taux plasmatiques de lipides. Un oligonu-cléotide anti-sens, le vupanorsen, cible l’angiopoïétine-like 3 au niveau de sa synthèse hépatique.
Les patients ayant un taux de non HDL-cholestérol supérieur à 100 mg/dl et des triglycérides entre 150 et 500 mg/dl sous statines ont été randomisés entre un groupe placebo et 7 doses de vupanorsen 80, 120, 160 mg chaque 4 semaines et de 60, 80, 120, et 160 mg toutes les 2 semaines.
Au total, 44 patients ont reçu le placebo et 242 patients ont reçu le vupanorsen. L’âge moyen était de 64 ans, 44 % étaient des femmes et la médiane du non HDL-cholestérol était de 132,4 mg/dl et le taux de triglycérides médian était de 216,2 mg/dl. Le vupanorsen a diminué significativement le non HDL-cholestérol de 22 % à 27,7 % et l’efficacité sur les triglycérides était de 41,3 à 56,8 %. Les effets respectifs sur le LDL-cholestérol et l’apolipoprotéine B étaient modestes et il n’y avait pas d’effet-dose.
L’angiopoïétine-like 3 a bien été diminuée selon la dose de 69,9 % à 95,2 %. Les réactions au site des injections ainsi que l’élévation des transaminases de plus de 3 fois la normale supérieure étaient plus communes dans le groupe traité et il y avait un effet-dose sur le contenu hépatique en graisses qui pouvait monter jusqu’à 76 %.
L’effet hépatique de ce médicament peut être lié au mécanisme d’action du vupanorsen ou plus négativement à un effet néfaste du médicament. Quoi qu’il en soit, le laboratoire Pfizer a décidé de ne pas continuer le développement de ce produit en raison de la balance bénéfice-risque défavorable à leurs yeux.
À l’opposé, l’évinacumab qui est un anticorps monoclonal anti-angiopoïétine-like 3 a été approuvé aux États-Unis et en Europe et peut désormais être utilisé dans le traitement de l’hypercholestérolémie familiale homozygote.
La voie des triglycérides est donc bien une voie complexe et les compagnies pharmaceutiques sont très frileuses pour développer ce type de produits. Pourtant la demande est énorme face à l’épidémie de syndrome métabolique dans le monde et en Europe. Face à la relation certaine des lipoprotéines riches en triglycérides et le développement des plaques d’athérosclérose, le développement de nouveaux produits est urgent.
• Lipoprotéine(a) : un nouvel acteur sur scène ?
La lipoprotéine(a) est un facteur de risque majeur de l’athérosclérose et du rétrécissement aortique et à ce jour, aucun traitement n’a été évalué positivement par les autorités sanitaires. Le gène de la lipoprotéine(a) est bien connu et peut être régulé et c’est lui qui ordonne la synthèse de la lipoprotéine(a) au niveau hépatique.
L’ARN silencieux, SLN 360, est un ARN double brin qui vise à dégrader l’ARN originel afin d’empêcher la translation du gène ciblé. L’étude APOLLO est une étude de phase 1 qui a examiné la tolérance et l’efficacité de cette nouvelle thérapeutique vis-à-vis de la lipoprotéine(a). Il s’agissait d’adultes sains et ayant une valeur de lipoprotéine(a) ≥ 150 nmole/l. La dose administrée correspondait à 30 mg, 100 mg, 300 mg, ou 600 mg, injectés de manière sous-cutanée contre un placebo avec un suivi de 150 jours à 365 jours.
La médiane pour la lipoprotéine(a) pour les 32 sujets était de 224 nmole/l. Les doses de 300 et 600 mg ont été associées respectivement à des réductions de plus de 70 % et de plus de 80 % de la lipoprotéine(a) au- delà de 150 jours. L’évolution des concentrations de lipopro- téine(a) selon les doses de médi- cament est présentée dans la figure 3. La plus forte dose a été également associée à une baisse du LDL-cholestérol et de l’apolipoprotéine B de 20 à 30 %. Il n’y a pas eu d’effets indésirables majeurs à l’exception des réactions au site d’injection.
Cette nouvelle thérapeutique vient donc s’ajouter à une longue liste des thérapeutiques qui sont investiguées vis-à-vis de la lipoprotéine(a). Des études de plus grande envergure seront nécessaires pour prouver l’efficacité sur le pronostic et la tolérance à grande échelle de ce produit anti-lipoprotéine(a).
• Nutrition : votre supermarché, une diététicienne à vos côtés !
L’étude SuperWIN est une étude très originale qui a été menée par l’université de Cincinnati. Cette étude est basée sur un concept simple : la nutrition est expliquée brièvement au cours d’une consultation médicale alors que le supermarché est une occasion unique de tester ses connaissances diététiques.
L’étude SuperWIN a ciblé des sujets de 21 à 75 ans ayant tous au moins un facteur de risque c’est-à-dire l’obésité, l’hypercholestérolémie et l’hypertension artérielle. Les sujets devaient faire leurs courses dans le supermarché Kroger (figure 4) près de leur domicile et ne pas avoir utilisé l’application « online » de ce même supermarché. La diète qui a été promue est la diète DASH bien connue aux États-Unis.
Tous les patients ont reçu un avis diététique personnalisé au départ de l’étude et ont été randomisés en trois groupes : un groupe témoin, une stratégie comportant 6 visites éducationnelles et une stratégie comportant 6 visites éducationnelles et un apprentissage de la commande en ligne. L’évaluation a été réalisée avec des visites à 3 mois et des visites à 6 mois.
En pratique, les sujets participaient tous à une éducation nutritionnelle de 30 minutes dans le supermarché. Le premier groupe d’intervention avait 6 sessions de 60 minutes organisées dans les rayons du supermarché. Le 2e groupe d’intervention a participé à la même session éducationnelle ainsi qu’une introduction à l’entraînement des technologies de commande en ligne des produits de meilleure qualité nutritionnelle.
L’évaluation finale a comporté 46 sujets dans le groupe contrôle, 100 sujets dans la stratégie 1 et 101 sujets dans la stratégie 2. Les sujets avaient une moyenne de 56 ans et 7 sur 10 étaient des femmes. L’indice de masse corporelle était en moyenne de 33 kg par mètre carré et environ 40 % des sujets étaient traités pour une hypercholestérolémie et environ 70 % des sujets étaient traités pour une hypertension artérielle. Le score DASH était d’environ 44 à l’état de base dans les trois groupes.
Au 3e mois, le score DASH a augmenté de 5,8 dans le groupe contrôle, de 8,6 dans le groupe 1 et de 12,4 dans le groupe 2 (p = 0,02). Le groupe intervention est donc plus performant que le groupe contrôle et le groupe 2 est plus performant que le groupe 1 (p = 0,01). Au 6e mois, le score DASH a augmenté de 4,4 dans le groupe témoin, de 6,6 dans la stratégie 1 et de 8,4 dans la stratégie 2 ; il n’y a donc pas de différence significative entre les trois groupes (p = 0,34).
Cette étude est clairement positive dans la conception et dans la réalisation ; par contre, la persistance des habitudes nutritionnelles à 6 mois peut poser problème.
En fait, cette chaîne de supermarchés est au service de sujets blancs plutôt aisés et plus éduqués que la population générale américaine.
Quoi qu’il en soit, des supermarchés comme Kroger ont développé des cliniques de prévention et de soins (figure 5) au sein de leurs établissements, ce qui amène les soins au plus près des sujets dans leurs préoccupations quotidiennes. Il s’agit sûrement d’une solution d’avenir face au manque de médecins et de paramédicaux.
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