publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Explorations-Imagerie

Publié le 01 juin 2022Lecture 6 min

L’imagerie multimodale en pratique dans l’évaluation des cavités cardiaques droites

Charles FAUVEL*, Théo PEZEL**, *Division of Cardiovascular Medicine, Wexner Medical Center, The Ohio State University, Columbus, Ohio, **Service de cardiologie, hôpital Lariboisière AP-HP, université de Paris, Paris

Les avancées techniques et scientifiques de ces dernières années nous montrent que le cœur droit n’est plus une cavité « oubliée », mais au contraire au centre de l’attention. L’atteinte cardiaque droite, et au-delà le couplage ventricule droit (VD) – circulation vasculaire pulmonaire joue un rôle pronostique dans un bon nombre d’atteintes cardiaques gauches. On assiste en parallèle à une recherche intensive du côté de la cardiologie interventionnelle pour la prise en charge des insuffisances tricuspides (IT).
Du fait de l’extraordinaire compliance du ventricule droit (VD) aux variations de charges, il est important de ne pas simplement considérer le VD isolément, mais bien d’effectuer une analyse complète du VD, de l’oreillette droite (OD), de la valve tricuspide, de la pré- et post-charge VD. Ainsi, l’évaluation par imagerie multi-modalité du cœur droit (principalement par échocardiographie et par IRM myocardique) ne doit plus être une option.
Nous dressons ici les clés de l’évaluation en imagerie multimodale des cavités cardiaques droites en pratique clinique.

• L’échocardiographie transthoracique (ETT) en première ligne Dimensions, fonction, pré- et post-charge des cavités droites La forme tridimensionnelle complexe, « de croissant »(1) du VD qui s’enroule autour du ventricule gauche a pour corollaire qu’une seule coupe ETT 2D ne saurait apprécier la structure du VD dans son ensemble. Ainsi, l’évaluation des cavités droites doit être multiparamétrique et utiliser certaines coupes standardisées pour diminuer au maximum la variabilité inter- et intra-observateur (tableau 1)(1). Les dimensions du VD, notamment par la mesure des diamètres, sont sujettes à une grande variabilité inter-observateur et nécessitent donc d’être prudent. On pourra utiliser la coupe parasternale grand axe et petit axe, la 4-C « centrée VD » pour les diamètres basal, longitudinal et moyen ou la vue sous-costale ou 4-C « classique » pour le rapport des diamètres VD-VG. Il semble préférable de rapporter les surfaces télédiastolique et télésystolique du VD qui doivent être évaluées en 4-C « cen- trée VD » ainsi que la surface de l’OD en 4-C « classique » ou au mieux les volumes VD, moins sensibles aux variabilités et permettant de calculer la FEVD 3D. Cette évaluation tridimensionnelle VD, mais aussi de l’OD et de la morphologie de l’anneau tricuspide et d’une éventuelle fuite tricuspide est préférable notamment si un geste percutané est envisagé(1,2). Concernant la fonction VD, il est important de rappeler que la plupart des paramètres suivants sont, à des niveaux variables, dépendants de la charge(1,3). Lors de la systole, il existe un rapprochement de l’anneau tricuspide et de l’apex du VD (fonction longitudinale, 60-70 % de la fonction systolique), mais aussi un rapprochement et une contraction de paroi libre du VD et du septum (fonction radiaire, 30-40 % de la fonction systolique)(3). Il est donc important d’apprécier ces 2 composantes. La fonction longitudinale est appréciée en vue 4-cavités (4-C) « classique » principalement par le TAPSE (tricuspid annular plane systolic excursion, mm) et le pic de l’onde S par Doppler tissulaire à l’anneau tricuspide. La fonction radiaire est évaluée en 4-C « centrées VD » par la fraction de raccourcissement de surface (FRS = [surface télédiastolique – surface télésystolique]/s urface télédiastolique, %). Le strain longitudinal ventriculaire droit (de la paroi libre ou globale) doit être mesuré en 4-C « centrée VD ». Tous ces marqueurs ont prouvé leur intérêt pronostique dans de nombreuses pathologies (insuffisance cardiaque gauche, insuffisance tricuspide, hypertension pulmonaire, dysplasie arythmogène du VD...)(3). Enfin, le strain de l’oreillette droite (OD), qui reste du domaine de la recherche, peut aussi être mesuré et a déjà démontré son intérêt pronostique(2,4). Comme pour l’oreillette gauche, la fonction réservoir, conduit et contractile de l’OD peut être appréciée. L’évaluation de la pré-charge ou pression télédiastolique du VD (équivalente de la pression dans l’OD en télédiastole) par l’échocardiographie est critiquable. En effet, il n’existe pas de paramètre fiable pour l’évaluation de celle-ci, car même le Doppler tissulaire et pulsé (corollaire de ce qu’il existe pour le ventricule gauche), ne donne pas de corrélation hémodynamique fiable. Actuellement, il est recommandé d’évaluer la pression dans l’OD (POD) via l’évaluation du diamètre de la veine cave inférieure (VCI) au repos et au sniff-test(3). Cette mesure ne donne qu’une estimation grossière de la POD, n’est pas utilisable dans certaines conditions (ventilation mécanique par exemple) et il a été montré qu’à même POD, le diamètre dans la VCI variait en fonction de l’IMC, mais aussi selon la présence d’insuffisance cardiaque(5,6). Des efforts sont donc nécessaires pour avancer sur ce point, probablement en utilisant le strain atrial droit comme évoqué préalablement. Au contraire, la post-charge VD à savoir les pressions et résistances vasculaires pulmonaires (RVP) reste plus facilement analysable. La pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs) est approchée par l’équation de Bernoulli simplifiée avec une corrélation satisfaisante avec les mesures hémodynamiques invasives(3). Il faut néanmoins se souvenir qu’elle n’est pas valable en cas d’IT laminaire et de sténose pulmonaire. La mesure des PAP diastolique et systolique est approchée par le flux d’insuffisance pulmonaire (IP), mais avec une corrélation avec hémodynamique invasive moins bonne. Il est possible d’estimer les résistances vasculaires pulmonaires (RVP) avec le rapport VmaxIT/ ITVsous-pulmonaire où le numérateur représente une pression et le dénominateur un débit. Un rapport > 0,2 suggère des RVP > 2 unités Woods tandis que multiplier ce rapport par 10 et y ajouter un facteur de correction de 0,16 permet d’estimer plus précisément le niveau de RVP(3,7). Enfin, le couplage VD – artère pulmonaire peut être apprécié en échographie par le rapport TAPSE/PAPsb dont la valeur ≤ 0,31ou 0,35 mm/mmHg est pronostique dans l’insuffisance cardiaque (à FEVG altérée, préservée, avec ou sans hypertension pulmonaire(8,9). Là encore, il est probable qu’à l’avenir, d’autres outils plus performants voient le jour pour mieux apprécier cette composante. Insuffisance tricuspide Encore trop souvent négligée et responsable d’une morbi-mortalité accrue, l’IT est aussi au centre de l’évaluation multiparamétrique. Elle doit être réalisée, autant que faire se peut, en période d’euvolémie. On en distingue 3 mécanismes(10) : – primaire (anciennement organique) : Carpentier I, II ou IIIA ; – secondaire (anciennement fonctionnelle) de 2 types : • atriale où la dilatation annulaire est le mécanisme principal de l’IT (ex. : fibrillation atriale), • ventriculaire où la dilatation ventriculaire et le tenting de la valve prédominent sur la dilatation atriale (ex. : hypertension pulmonaire, cardiopathie gauche) ; – lié à la présence de sondes intracavitaires (stimulateur cardiaque et/ou défibrillateur). Ce mécanisme doit être identifié, car il conditionne la prise en charge. En effet, il faut parfois proposer un repositionnement des sondes intracavitaire ou discuter une cardioversion ou ablation de FA pour diminuer les IT atriales(10,11). La nouvelle nomenclature proposée en 5 stades de sévérité se base sur des paramètres quantitatifs essentiellement que sont la vena contracta (VC) et la surface de l’orifice régurgitant (SOR), préférentiellement analysé en 3D pour éviter une sous-estimation (tableau 2)(12). Au terme de l’ETT, l’évaluation Surface de l’orifice régurgitant par méthode 3D multiparamétrique des cavités droites permet d’évaluer : – la fonction systolique longitudinale et radiaire du ventricule droit ; – les dimensions de l’OD et du VD ; – la pré-charge du VD ; – la post-charge du VD (pressions et résistances vasculaires pulmonaires) et couplage VD-AP ; – la sévérité et le mécanisme et le retentissement d’une éventuelle insuffisance tricuspide. • L’apport de l’échographie transœsophagienne (ETO) L’ETO sera souvent demandée en cas de fuite tricuspide importante. Les analyses tridimensionnelles permettent de préciser le mécanisme de la fuite, la direction du jet et les feuillets valvulaires impliqués. Il est essentiel de préciser la morphologie valvulaire et une nouvelle nomenclature a été proposée récemment (figure 1)(13). En effet, seulement la moitié des patients ont une valve tricuspide... à 3 feuillets et cette morphologie a un impact sur la faisabilité du traitement à proposer. Enfin, l’ETO, en plus de l’évaluation transthoracique permettra de compléter le bilan pré-interventionnel si l’on envisage un traitement percutané des IT fonctionnelles sévères, symptomatiques pour différencier les « bons » des « mauvais » candidats(10). L’évaluation transœsophagienne, souvent réalisée en centre expert permettra de : – préciser le mécanisme et direction du jet de l’IT ; – préciser la morphologie valvulaire ; – bilan de dépistage et faisabilité pré-traitement percutanée d’IT sévère, symptomatique. • L’IRM myocardique : pour aller plus loin Le VD est incontestablement la structure cardiaque la plus complexe à évaluer en échocardiographie. En effet, au-delà des limites de l’échogénicité du patient déjà mentionnées il est important de rappeler la complexité de son anatomie avec une forme triangulaire variable venant s’enrouler autour du VG. De plus, sa paroi mince et ses nombreuses trabéculations rendent la segmentation manuelle de ses contours difficile. L’IRM cardiaque permet de réaliser l’acquisition de certaines coupes spécifiques des cavités droites avec une évaluation complète et précise (figure 2). L’IRM apparaît alors comme un outil indispensable dans la pratique quotidienne pour une évaluation robuste et reproductible du VD. Mesure des volumes VD et FEVD en IRM cardiaque En effet, par une approche 3D sans modélisation géométrique, l’IRM cardiaque permet de quantifier les volumes du VD et sa fonction systolique avec une mesure de la fraction d’éjection du VD (FEVD). On peut retenir qu’un volume télédiastolique du VD > 100 ml/m2 chez la femme et > 110 ml/m2 chez l’homme permettra de poser le diagnostic de VD dilaté. De façon analogue, on parlera de dysfonction systolique du VD pour une FEVD < 45 %. Par ailleurs, l’IRM permet également une quantification des flux pulmonaires et tricuspides, en cas de fuite tricuspide ou pulmonaire notamment.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 5 sur 45