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Études-Consensus-Recommandations

Publié le 15 oct 2022Lecture 5 min

DELIVER : analyse princeps, poolée et métaanalyses

Raphaël COHEN, INSERM U970, Paris Cardiovascular Research Centre (PARCC)

Les inhibiteurs du SLGT2 (iSGLT2) ont montré des effets cardio- et néphroprotecteurs dans le diabète de type 2, la maladie rénale chronique mais aussi l’insuffisance cardiaque. Ils ont fait la preuve d’un bénéfice clinique dans l’insuffisance cardiaque à FEVG altérée (DAPA-HF et EMPEROR-Reduced) et sont désormais recommandés en classe I dans le traitement de l’ICFE altérée par l’ESC et l’AHA. Concernant l’insuffisance cardiaque à FEVG modérément altérée et à FEVG préservée, il n’existait que peu de possibilités thérapeutiques jusqu’à présent mais les derniers essais thérapeutiques des ISGLT2 ouvrent des perspectives.

Récemment, il a été démontré que le traitement par l’empagliflozine, un inhibiteur du SGLT2, réduit le risque combiné d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque ou de décès cardiovasculaire chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque avec une FEVG > 40 %. Ceci suggère que les bénéfices de l’inhibition du SGLT2 pourraient s’étendre à tous les patients insuffisants cardiaques, indépendamment de leur FEVG avec néanmoins un effet atténué chez des patients ayant une FEVG plus élevée (≥ 65 %). EMPEROR-Preserved présentait certaines limites : en étudiant précisément les sous-critères, l’empagliflozine ne baissait pas de manière significative la mortalité cardiovasculaire et n’améliorait pas la qualité de vie. De plus, les bénéfices de l’empagliflozine étaient essentiellement observés chez des patients ayant une FEVG < 50 %, soit entre 41 et 49 %, correspondant à la définition de l’ICFE modérément altérée.   • DELIVER : étude de la dapagliflozine dans l’insuffisance cardiaque à FEVG non altérée   Objectif de l’étude L’objectif de DELIVER était d’évaluer l’efficacité de la dapagliflozine chez des patients insuffisants cardiaques à FEVG préservée ou modérément altérée, sous traitement médical optimal, indépendamment de leur statut diabétique.   Design de l’étude Cette étude multicentrique (353 centres, 20 pays) a randomisé en double aveugle 6 263 patients ayant un syndrome d’insuffisance cardiaque clinique et une FEVG ≥ 40 %, pour recevoir la dapagliflozine 10 mg/jour ou un placebo. Le suivi médian était de 2,3 ans. Les patients inclus étaient ambulatoires ou hospitalisés, âgés de ≥ 40 ans, symptomatiques (NYHA II-IV) avec un taux élevé de NT-proBNP. Leur DFG devait être > 25 mL/ min/1,73 m2.   Critères de jugement • Critère de jugement principal : survenue du critère composite associant décès cardiovasculaire ou hospitalisation ou consultation urgente pour insuffisance cardiaque (identique à DAPAHF). • Critères de jugement secondaires : nombre total d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque, modification à 8 mois du questionnaire KCCQ, délai de survenue d’un décès cardiovasculaire ou toutes causes confondues.   Résultats Population de l’étude Il s’agit d’une population âgée (moyenne de 72 ans) composée de 44 % de femmes, avec un pourcentage important de patients comorbides (45 % diabétiques, 45 % obèses, 90 % hypertendus, 57 % antécédent de FA et 50 % cardiopathie ischémique). La grande majorité (60 %) n’avait pas d’antécédent d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Il s’agissait d’une population bien traitée (67 % sous IEC ou ARA2, 4 % sous Entresto®, 75 % sous bêtabloquants, 40 % sous antiminéralocorticoïde ; 72 % étaient sous diurétiques de l’anse. La FEVG moyenne était de 54 % avec une juste répartition (1/3 entre 41 et 49 %, ; 1/3 entre 50 et 59 % ; 1/3 ≥ 60 %). À noter que 18 % avaient auparavant une FEVG < 40 %, soit une insuffisance cardiaque à FEVG altérée. Critère de jugement principal (figure 1) La dapagliflozine a réduit le risque combiné d’aggravation de l’insuffisance cardiaque ou de décès d’origine cardiovasculaire de 18 % (16,4 % vs 19,5 %, HR = 0,82, IC95% : 0,73-0,92 ; p < 0,001) chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque et d’une fraction d’éjection modérément réduite ou préservée. Les analyses en sous-groupes préspécifiées ne montrent pas de variation de résultat du critère de jugement principal selon l’intervalle de FEVG étudié (contrairement à EMPEROR-Preserved), et selon la présence ou non d’un antécédent de FEVG < 40 % (figure 2). Critères de jugement secondaires La dapagliflozine non seulement diminue significativement les hospitalisations pour insuffisance cardiaque et les décès cardiovasculaires (RR = 0,77 ; IC95% : 0,67-0,89) mais aussi améliore la qualité de vie et les symptômes selon l’étude du score KCCQ. Tolérance et effets indésirables Il n’a pas été observé de différence d’effets indésirables entre les deux groupes, en particulier pas de différence concernant le risque d’amputation, d’acidocétose ou de gangrène de Fournier.   • DAPA-HF et DELIVER : analyse combinée   L’analyse combinée des résultats de DELIVER et de DAPA-HF (figure 3) parue dans Nature Medicine était prédéfinie. Elle avait pour but de majorer la puissance statistique de l’étude concernant les décès d’origine cardiovasculaire et toutes causes. Cette analyse comprenait un total de 11 007 patients souffrant d’insuffisance cardiaque sur l’ensemble du spectre des valeurs FEVG. Résultats Comparativement au placebo, la dapagliflozine 10 mg une fois par jour réduit le risque de chacun des critères d’évaluation préspécifiés : – décès de cause cardiovasculaire (de 14 %) ; – décès de toutes causes (de 10 %) ; – l’ensemble des admissions (1re et récidive) à l’hôpital, pour insuffisance cardiaque (de 29 %) ; – MACE (de 10 %). Ces bénéfices sont observés chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque indépendamment de leur FEVG.   • Métaanalyse incluant DELIVER et EMPEROR-Preserved   Une seconde analyse combinée prédéfinie a rassemblé les résultats de DELIVER avec les résultats d’un essai antérieur de grande envergure qui évaluait l’empagliflozine chez des patients atteints d’IC à FEVG préservée, EMPEROR-Preserved, qui avait montré des résultats similaires mais avec une diminution de l’effet thérapeutique chez des patients ayant des FEVG > 65 %, une diminution de l’effet qui n’a pas été observée dans DELIVER (figure 4). Dans EMPEROR-Preserved seul, chez les patients avec des FEVG ≥ 60 % le traitement par empagliflozine n’a pas montré de bénéfice. Dans l’analyse combinée sur un total de 12 251 patients, une réduction significative du critère de jugement principal de 19 %, par rapport au placebo a été mise en évidence dans le sous-groupe de plus de 3 800 patients avec une fraction d’éjection ≥ 60 %. Une troisième analyse combinée, également présentée à l’ESC et publiée dans Nature Medicine, a ajouté à ces 12 000 patients les patients de DAPA-HF, d’EMPEROR- Reduced et de SOLOIST-WHF (étude évaluant la sotaglifozine) (figure 5). Les résultats ont montré, comparativement au placebo, une réduction globale significative de 23 % du taux de décès cardiovasculaires ou d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque, avec un nombre de patients à traiter de 25 pour prévenir l’un de ces événements au cours d’un suivi moyen de 23 mois. En outre, la mortalité toutes causes était significativement plus basse dans le bras iSGLT2 (HR 0,92 ; IC95% : 0,86-0,99 ; p = 0,025).

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