Publié le 28 nov 2022Lecture 4 min
Nouvelles recommandations européennes sur la mort subite - Quoi de neuf dans les cardiopathies structurelles ?
Jean-Marc SELLAL, Christian DE CHILLOU, CHU de Nancy
Les recommandations européennes reviennent en détail sur les situations particulières rencontrées dans chacune des cardiopathies structurelles. Un certain nombre de changements sont à signaler par rapport aux recommandations de 2015. Par ailleurs, de nombreux cas particuliers sont abordés et précisés dans ces nouvelles recommandations, permettant ainsi de répondre à bon nombre de situations pratiques.
Cardiomyopathies ischémiques (CMI)
La stimulation ventriculaire programmée est « promue » en classe I chez les patients présentant un antécédent d’infarctus et des syncopes inexpliquées malgré un bilan non invasif.
Dans la population des patients implantés d’un DAI et présentant une CMI, la survenue de TV soutenue monomorphe doit faire proposer, en première intention, une ablation par cathéter (classe I). Les antiarythmiques sont donc réservés aux échecs ou contre-indications de l’ablation. Notons qu’il existe maintenant une place pour l’ablation par cathéter sans implantation d’un défibrillateur chez les patients ayant présenté une tachycardie ventriculaire. Cela concernera toujours assez peu de patients puisqu’ils doivent remplir impérativement les critères suivants : TV bien tolérée sur le plan hémodynamique, fraction d’éjection FEVG ≥ 40 %, critères de succès de procédure remplis (SVP positive en début de procédure et négative en fin de procédure, élimination de tous les potentiels anormaux), dans un centre expert (classe IIa).
Chez les patients ayant une indication d’implantation d’un DAI, compte tenu des données récentes(1), il ne semble plus justifié de proposer une ablation par cathéter juste avant ou juste après l’implantation du DAI. En effet, cette approche combinée permet certes de diminuer l’incidence des troubles du rythme ultérieurs, mais sans diminution de la mortalité, des hospitalisations pour arythmie ou majoration de l’insuffisance cardiaque(1). Cette indication est donc « rétrogradée » de IIa à IIb. Enfin, on s’aligne sur les recommandations nord-américaines en proposant un DAI aux patients, traités depuis plus de 3 mois, en classe I de la NYHA pour peu que la FEVG soit ≤ 30 % (au lieu de 35 % dans les NYHA II et III) (classe IIa).
Cardiomyopathies dilatées (CMD)
Les recommandations intègrent logiquement les enseignements de DANISH(2), en « rétrogradant » l’indication des défibrillateurs prophylactiques de I à IIa chez les patients avec une FEVG ≤ 35 % et une insuffisance cardiaque symptomatique de classe NYHA classe II-III malgré un traitement médical optimal. Dans la population des CMD présentant des TV monomorphes symptomatiques et récidivantes, le traitement de première intention repose sur les bêtabloquants. En cas d’échec, un traitement par amiodarone peut être envisagé (IIa). L’alternative repose sur l’ablation par cathéter, qui passe de IIb à IIa chez ces patients.
Dans le cas particulier d’un patient présentant une altération de la fonction systolique ventriculaire gauche sans étiologie retrouvée et chez lequel on retrouve également au moins 10 % d’extrasystoles ventriculaires sur un enregistrement Holter-ECG, une prise en charge invasive par ablation est à envisager dans l’hypothèse vraisemblable d’une cardiomyopathie rythmique (classe IIa).
Sur le plan diagnostique, les indications du génotypage sont précisées. Celui-ci doit être proposé (classe I) aux patients de moins de 50 ans présentant à la fois une CMD et un trouble conductif atrio-ventriculaire, ou chez les patients présentant une CMD et un antécédent familial au premier degré de CMD diagnostiqué avant 50 ans. En parallèle, lorsqu’un diagnostic de CMD est porté chez un patient de moins de 50 ans, il est recommandé que tous ses apparentés du premier degré bénéficient au minimum d’une consultation cardiologique avec ECG et échocardiographie (classe I).
Pour les patients suspects de cardiomyopathie arythmogène du ventricule droit (DAVD), l’IRM myocardique et la recherche de mutation génétique doivent être proposées au patient (classe I).
Lorsque le diagnostic de DAVD a été porté, un DAI doit être proposé chez les patients présentant une fibrillation ventriculaire ou une TV mal tolérée (classe I) ainsi que chez les patients présentant une TV monomorphe soutenue bien tolérée (classe IIa). Le traitement bêtabloquant est recommandé dès que des TV non soutenues sont constatées. L’ablation par radiofréquence (classe IIa) ou les antiarythmiques (classe IIa également) pourront être discutés en cas de persistance des troubles du rythme malgré les bêtabloquants.
Le DAI prophylactique peut être proposé au patient présentant des lipothymies ou des palpitations évocatrices de tachycardie ventriculaire et présentant une altération modérée de la fonction systolique VD ou VG, et qui présente des TVNS spontanées ou une TV soutenue inductible par SVP (classe IIa).
Cardiomyopathies hypertrophiques (CMH)
L’IRM myocardique et le conseil génétique doivent être proposés au patient (classe I). De même, les apparentés au premier degré doivent bénéficier au minimum d’un électrocardiogramme et d’une échocardiographie.
L’implantation prophylactique d’un DAI est recommandée chez les patients de plus de 16 ans présentant un risque de mort subite à 5 ans > 6 % estimé par le score HCM Risk-SCD. Concernant les patients dans la « zone grise », dont le risque est entre 4 et 6 %, le DAI sera proposé s’ils présentent au minimum l’un des 5 critères suivants : fibrose myocardique > 15 % de la masse VG à l’IRM, FEVG < 50 %, mauvaise réponse hémodynamique à l’épreuve d’effort, anévrisme apical ou présence d’une mutation pathogène au niveau sarcomérique (classe IIa). Le même niveau de recommandation s’applique pour implanter un DAI chez les patients présentant une CMH et des TV soutenues, même si elles sont bien tolérées. Les traitements antiarythmiques constituent le traitement de référence pour les patients présentant des troubles du rythme ventriculaire (IIa). L’ablation par cathéter est un traitement de recours en cas d’inefficacité des traitements antiarythmiques (IIb).
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