Diabéto-Cardio
Publié le 02 jan 2023Lecture 5 min
Des nouveautés dans le diabète de type 2
Pierre SABOURET, Président du CNCF, Paris
Le congrès du CNCF qui s’est déroulé en octobre dernier à Strasbourg a été l’occasion d’une mise au point dans la prise en charge du diabète de type 2. Les dernières recommandations ou la prise de position des sociétés savantes (ESC, EASD, SFC-SFD, ADA) recommandent d’utiliser préférentiellement les deux nouvelles classes thérapeutiques chez les patients diabétiques de type 2 en prévention secondaire ou primaire à risque élevé, à savoir soit la classe des sodium-glucose cotransporter 2 inhibitors (iSGLT2) ou gliflozines (T2DM), soit la classe des glucagon-like peptide 1 receptor agonists (AR GLP-1), en raison de leur efficacité sur l’équilibre glycémique, mais surtout de la diminution des événements cardiovasculaires majeurs qu’elles procurent, le plus souvent en association avec la metformine (MACE)(1).
La classe des iSGLT2 a suscité un enthousiasme énorme dans la communauté cardiologique en raison de ses bénéfices dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée puis dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée, et plus récemment dans l’insuffisance rénale. Ces bénéfices cardio-rénaux sont observés que les patients soient diabétiques ou non. Certains experts ont donc comparé les iSGLT2 aux statines et les ont définis comme « les statines du XXIe siècle »(4,5). La question qui vient spontanément est donc la suivante : faut-il prescrire un iSGLT2 pour tous les patients diabétiques de type 2 ? Sujet qui a été discuté lors du congrès.
Les iSGLT2 agissent au niveau du tube contourné proximal des néphrons en inhibant la réabsorption du glucose, augmentant l’excrétion du glucose et du sodium avec une excellente sécurité d’emploi sous réserve de quelques précautions d’emploi (surveillance de la fonction rénale) et de l’éducation des patients (détecter et consulter en cas de rares infections mycotiques).
Un rappel a été fait sur les principales études avec les iSGLT2. En 2015, la première étude randomisée contre placebo était publiée : the Empaglifozin, Cardiovascular Outcomes and Mortality in Type 2 Diabetes (EMPAREG) Trial(2). Au total, 7 020 patients diabétiques de type 2 en prévention secondaire étaient randomisés entre l’empagliflozine et le placebo. Versus placebo, les iSGLT2 ont permis de façon inattendue une diminution des décès d’origine cardiovasculaire (HR 0,62 ; IC95% : 0,49-0,77 ; p < 0,001), des hospitalisations pour insuffisance cardiaque (IC) (HR 0,65 ; IC95% : 0,50-0,85 ; p = 0,002) et de la mortalité totale (HR 0,68 ; IC95% : 0,57-0,82 ; p < 0,001). Ces résultats positifs ont été confirmés avec un autre iSGLT2 : la dapagliflozine. En effet, dans l’étude Dapagliflozin Effect on Cardiovascular Events- Thrombolysis in Myocardial Infarction (DECLARE-TIMI 58) trial(7), les patients diabétiques de type 2 à risque CV élévé ou en prévention secondaire ont été randomisés entre la dapagliflozine et le placebo. La dapagliflozine a permis une diminution de la mortalité cardiovasculaire (HR 0,83 ; IC95% : 0,73-0,95 ; p = 0,005) et des hospitalisations pour insuffisance cardiaque (HR 0,73 ; IC95% : 0,61-0,88) confirmant les bénéfices spécifiques de cette classe thérapeutique.
La canagliflozine, autre iSGLT2 non disponible en France, a été évaluée dans le programme CANVAS qui a randomisé 10 142 patients diabétiques de type 2 entre ce traitement et le placebo(8). La canagliflozine a permis une réduction du risque d’événements cardiovasculaires de 14 % (HR 0,86 ; IC95% : 0,75- 0,97 ; p < 0,001 pour la non-infériorité ; p = 0,02 pour la supériorité). À noter un bémol sur la sécurité d’emploi de cette molécule lié au surcroît d’amputations, non observées avec les autres iSGLT2, même si le nombre absolu était faible. La canagliflozine a également été évaluée dans l’étude CREDENCE (Canagliflozin and Renal Events in Diabetes with Established Nephropathy Clinical Evaluation)(9) dans laquelle elle démontrait une néphroprotection et une réduction des événements cardiovasculaires versus placebo (HR 0,70 ; IC95% : 0,59-0,82 ; p = 0,00001). Un seule iSGLT2, l’ertugliflozine, rapporte des résultats moins probants dans l’étude VERTIS-CV (eValuation of ERTugliflozin effIcacy and Safety CardioVascular Outcomes Trial), dans laquelle 8,246 patients diabétiques en prévention secondaire ont été randomisés entre l’ertugliflozine et le placebo(10). L’ertugliflozine a été non inférieure au placebo sur les événements cardiovasculaires majeurs (notés ECM) (IDM non fatals, AVC non mortels, mortalité cardiovasculaire) (HR 0,97 ; IC95,6 % : 0,85-1,11 ; p < 0,001), mais n’a pas permis de réduire ces événements majeurs versus placebo.
L’amplitude des bénéfices cardiovasculaires des iSGLT2 a été documentée par une métaanalyse (MA) de 6 études randomisées de patients diabétiques de type 2(11). Dans cette MA, les iSGLT2 diminuent le risque d’ECM (HR, 0,90 ; IC95% : 0,85- 0,95 ; Q statistique, p = 0,27), lié à une réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque et la mortalité cardiovasculaire. Les bénéfices apparaissent assez homogènes pour cette classe thérapeutique à l’exception de l’ertugliflozine. Les indications des iSGLT2 s’appliquent également aux patients insuffisants cardiaques, à fonction systolique altérée ou préservée et aux insuffisants rénaux (jusqu’à un DFG à 30 ml/min) qu’ils soient diabétiques ou non(12-14). La nouvelle indication de l’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée, domaine dans lequel les études avec d’autres classes thérapeutiques s’étaient avérées négatives, provient de deux études majeures : EMPEROR Preserved et DELIVER(15,16).
Les mécanismes sous-jacents expliquant les bénéfices cardiovasculaires et rénaux obtenus semblent multiples même si imparfaitement appréhendés : les hypothèses associent une diminution de la précharge et de la postcharge ventriculaire, une diminution de la fibrose myocardique, une amélioration de la fonction endothéliale, une modulation des marqueurs de l’inflammation et des facteurs de croissance(19,20). Malgré ces résultats impressionnants des iSGLT2, les AR GLP-1 ont également une place de choix dans la stratégie thérapeutique des patients diabétiques car plusieurs études randomisées ont démontré une réduction des événements CV majeurs, notamment des infarctus du myocarde (IDM) avec une baisse plus prononcée du poids et de l’hémoglobine glyquée, avec une excellente sécurité d’emploi(21,22). Une comparaison indirecte de ces deux nouvelles classes majeures a été réalisée dans une MA publiée récemment.
Par rapport au traitement médical optimal (TMO), les deux nouvelles classes réduisent de façon similaire les ECM, les IDM, la mortalité CV et la mortalité totale(23). Les iSGLT2 comme attendus sont plus efficaces dans l’insuffisance cardiaque et sur la néphroprotection. Cependant, il convient de noter que les iSGLT2 n’ont pas démontré de réduction des événements ischémiques athérosclérotiques dans une étude randomisée spécifique alors que l’étude LEADER a démontré l’efficacité du liraglutide dans ce domaine(24). De plus, une réduction des AVC ischémiques sous AR GLP-1 a été rapportée dans les études REWIND et SUSTAIN-6, alors que seule la sotagliflozine (non commercialisée en France) a montré une réduction des AVC dans l’étude SOLOIST-WHF(25-27).
Par conséquent, deux études randomisées DAPA-MI et EMPACT MI ont inclus respectivement 6 400 et 3 312 patients apporteront des informations précieuses dans ce domaine(28,29). Cependant, en raison des critères d’inclusion de ces deux études, des questions demeureront sur les bénéfices CV des iSGLT2 chez les patients coronariens avec FEVG normale.
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