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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 15 avr 2023Lecture 8 min

L’essentiel 2022 en rythmologie et stimulation cardiaque

Pascal DEFAYE, CHU de Grenoble-Alpes ; Président du Groupe de Rythmologie et Stimulation Cardiaque

L’année 2022 a été très riche et variée en rythmologie et stimulation cardiaque. Cela concerne les arythmies ventriculaires avec la parution des dernières recommandations de l’ESC mais également une thématique complète et diverse sur la FA : relations entre FA et déclin cognitif, place des AVK dans la FA associée aux valvulopathies rhumatismales, et le développement d’une nouvelle énergie pour l’ablation de la FA : l’électroporation. Sur le plan de la stimulation, c’est un peu une révolution avec le développement de la stimulation du système de conduction ainsi que les premières implantations de stimulateurs sans sondes double chambre. En défibrillation, on retient la publication de l’étude validant sur le plan sécurité et efficacité le nouveau défibrillateur extra-vasculaire/sous-sternal.

Les arythmies ventriculaires et la mort subite   Une des publications les plus attendues a été celle des recommandations 2022 concernant les arythmies ventriculaires et la prévention de la mort subite. Il est difficile de résumer un tel « pavé » en quelques lignes(1). Le chapitre sur la cardiopathie ischémique est important. Il met en avant le rôle des médicaments non antiarythmiques recommandés dans le traitement de l’insuffisance cardiaque pour la prévention de la mort subite : IEC/ARA2, ARNi, antialdostérone, bêtabloquants et inhibiteurs de SGLT2. La recommandation pour l’implantation d’un DAI est fixée clairement à 3 mois de l’infarctus ou d’une revascularisation, le temps d’optimiser le traitement médical. Si la FEVG reste inférieure à 35 %, c’est une classe I d’implanter un DAI en prévention primaire. Jusqu’à 3 mois, c’est la place de la LifeVest®. La FEVG reste le point clé dans la stratification du risque. En ce qui concerne les cardiopathies dilatées, elles sont vraiment revisitées en fonction des données de l’imagerie IRM et de l’importance du rehaussement tardif et de la génétique. L’indication de défibrillateur est moins forte en classe de recommandations dans les cardiopathies dilatées (IIa) quand la FEVG reste inférieure à 35 %, après 3 mois de traitement médical optimal, en classe NYHA II ou III. Un certain nombre d’algorithmes sont développés sur la conduite à tenir en cas de décès subit avant 50 ans, avec la nécessité du développement des autopsies et du bilan génétique pour le « propositus » et la famille du premier degré (figure 1).   La fibrillation atriale   La fibrillation atriale a été une thématique majeure en 2022. Les relations entre FA et déclin cognitif, voire démence ont fait l’objet de plusieurs études ou publications de synthèse(2). Un rapport de synthèse de l’AFSCREEN International collaboration(2) (figure 2) décrit les différentes hypothèses physio-pathologiques qui plaident pour cette relation causale par l’intermédiaire des AVC/AIT silencieux, de l’inflammation induisant un état prothrombotique, de facteurs génétiques, et des effets secondaires des anticoagulants avec la survenue de « microbleeds ».   Dans la Swiss-AF study(3), 1 227 patients en FA dont 80 % sous anticoagulants et 19 % aux antécédents d’AVC ont bénéficié d’une IRM et d’une étude cognitive à l’état basal et à 2 ans. Il a été retrouvé en IRM 2,3 % de nouveaux AVC/AIT et 5,5 % de nouveaux infarctus silencieux. Cela est associé à un déclin cognitif chez ces patients, que les infarctus cérébraux soient cliniques ou silencieux. Le diagnostic des arythmies, et notamment de la FA par les outils digitaux prend une place de plus en plus importante. C’est la raison de la publication d’un guide pratique d’EHRA sur le diagnostic, notamment par l’outil de référence qui est la montre connectée et la conduite à tenir après un diagnostic d’arythmie(4). L’outil le plus efficace est la montre connectée qui prend maintenant toute sa place. Certaines ne diagnostiquent que l’onde de pouls par un capteur lumineux (PPG) mais la référence est la réalisation d’un ECG mono-piste (Apple Watch®, Withings®…). Les AOD n’ont pas remporté toutes les batailles dans l’anticoagulation de la FA. Les résultats de l’étude INVICTUS ont été publiés dans le NEJM(5). Il s’agit de 4 500 patients avec FA et maladie rhumatismale à l’écho graphie, associées à au moins un des critères suivants : un score de CHA2DS2-VASc ≥ 2, une surface valvulaire mitrale ≤ 2 cm2, du contraste spontané dans l’OG ou un thrombus atrial. Ils ont été randomisés 1/1 entre AVK et rivaroxaban. Le résultat est sans appel, en faveur des AVK : taux de critère composite (AVC, embolie systémique, IdM, décès de cause vasculaire ou inconnue) ainsi que survie meilleure. On ne peut bien sûr probablement pas extrapoler ces résultats à tous les AOD. Une place très importante a été réservée en 2022 au développement d’une nouvelle énergie pour l’ablation de la FA : l’électroporation ou « Pulsed Field Ablation ». Jusqu’à maintenant, l’ablation de la FA était pratiquée grâce à une énergie thermique : radiofréquence ou cryoablation, c’est-à-dire brûlure ou congélation. Ces deux énergies sont très efficaces, ont des résultats équivalents, mais ne sont pas spécifiques du tissu myocardique atrial, si bien que les organes adjacents peuvent être atteints. Cela peut être responsable de complications comme la paralysie phrénique pour la cryoablation ou les fistules atrio-œsophagiennes pour la radiofréquence. L’électroporation est une énergie non thermique qui en créant un champ électrique dans le cathéter va entraîner l’ouverture de pores au niveau des cellules myocardiques dont le contenu va s’extravaser, créant une mort cellulaire irréversible. L’électroporation est optimisée pour entraîner un certain degré de sélectivité du tissu myocardique, épargnant les tissus adjacents et donc les complications extra-cardiaques(6). Un premier grand registre validant l’électroporation a été publié : MANIFEST-AF(7). Au total, 1 758 patients ont été inclus dans 24 centres européens. Le taux de succès d’isolation des veines est de 99,9 %. Il y a eu très peu de complications extra-cardiaques : uniquement 0,46 % de paralysies phréniques, toutes transitoires, aucune sténose de veines pulmonaires et aucune fistule atrio-œsophagienne. Les taux de succès à 1 an sont de 79,6 % dans la FA paroxystique et 58,2 % dans la FA persistante avec uniquement l’isolation des veines. Cependant, une complication rare a été retrouvée, assez spécifique : les spasmes coronaires pouvant survenir particulièrement lors de l’ablation de l’isthme mitral avec l’artère circonflexe et coronaire droite lors de l’ablation du flutter commun. En ce qui concerne les tachycardies jonctionnelles, a été publiée en 2022 la première étude sur un spray intranasal, l’étripamil. Il s’agit d’un calcium bloquant à courte durée d’action. Beaucoup d’espoir avait été porté sur cette molécule pour réduire les tachycardies de Bouveret pour des patients non ablatés ou ne le désirant pas. En fait le critère primaire de cette étude qui est la réduction de la tachycardie à 5 heures versus placebo n’est pas atteint. Par contre ce critère est atteint à -30 minutes (53,7 % de réduction avec un spray d’étripamil versus 34,7 % avec le placebo). L’effet est modéré, ce qui laisse encore la place libre aux traitements interventionnels par ablation qui ont encore de beaux jours devant eux(8).   La stimulation du système de conduction ou stimulation de l’aire de la branche gauche   Il s’agit de la grande avancée de 2022 en stimulation cardiaque. Cela a totalement remplacé la stimulation hissienne. Il s’agit d’aller stimuler, par une sonde à vis positionnée dans le septum intraventriculaire, l’aire de la branche gauche et assurer une absence de désynchronisation cardiaque en obtenant un QRS extrêmement fin. Des systèmes de stimulation (gaine de mise en place et sonde) se sont développés pour assurer cette stimulation. Les critères de stimulation de l’aire de la branche gauche (figure 3) sont bien définis : R’ en V1 (qR ou Qr), temps d’activation du pic VG en V5-V6 < 80 ms inter-pic V1-V6 ≤ 35 ms et durée du QRS fin ≤ 120 ms.   Le registre multicentrique européen MELOS a été publié en 2022(9,10). Au total, 2 533 patients ont été inclus dans 14 centres européens. Le taux de succès global est de 92,4 % de façon globale et de 82,2 % en cas d’indication pour insuffisance cardiaque. Les facteurs indépendants d’échec de la stimulation de la branche gauche sont l’indication pour insuffisance cardiaque (implantation plus difficile), les QRS les plus larges et la dilatation du ventricule gauche. Il y a eu un taux de complications de 8,3 % mais la plupart bénignes : perforation du ventricule gauche (3,7 %), déplacement de sondes (1,5 %), douleur thoracique aiguë (1 %), augmentation du seuil de stimulation (0,7 %), etc. On le voit, la stimulation de l’aire de la branche gauche, relativement facile à apprendre, est en train de prendre une place de plus en plus importante, dès qu’une stimulation ventriculaire est nécessaire afin d’éviter les désynchronisations ventriculaires, délétères à long terme. La stimulation de la branche gauche est même mise en concurrence avec la stimulation biventriculaire. L’étude LBBP-RESYNC a été publiée récemment(11). Elle compare pour 72 patients consécutifs, et de façon randomisée, la resynchronisation classique biventriculaire avec la stimulation de l’aire de la branche gauche. Les résultats sont en faveur de la stimulation de la branche gauche : amélioration plus importante de la FEVG, diminution plus importante des volumes ventriculaires gauches, affinement plus important des QRS, augmentation du pourcentage des super-répondeurs. Tout cela laisse présager un grand avenir à la stimulation de l’aire de la branche gauche.   Un nouveau défibrillateur extra-vasculaire   Après le développement du défibrillateur sous-cutané, on voit arriver un nouveau type de DAI : le défibrillateur extra-vasculaire (EV ICD : Extra Vascular ICD) (figure 4). C’est la société Medtronic qui le développe : la sonde est positionnée grâce à un matériel spécifique dans l’espace virtuel rétrosternal, reliée au DAI positionné en latéro-thoracique. Les deux avantages potentiels sont : 1) la réduction de l’énergie nécessaire à défibriller, identique ici à un DAI transveineux ; 2) la possibilité de stimulation antitachycardique et antibradycardique. Cette solution a été validée par une étude de faisabilité publiée récemment dans le NEJM(12) : 98 % des patients ont pu être défibrillés avec une énergie inférieure à 30 j contre 80 j pour le défibrillateur sous-cutané (S-ICD) ; 90 % n’ont pas eu de complications à 1 an et les complications sont finalement non sévères.   Du nouveau en stimulation sans sonde   Finalement, l’année 2022 en stimulation cardiaque a permis aussi d’avancer sur la thématique de la stimulation sans sonde. Des données supplémentaires ont été obtenues avec la stimulation sans sonde ventriculaire gauche endocavitaire avec le système WISE-CRT. Dorénavant, nous implantons cette petite capsule au niveau du septum VG par voie transseptale afin d’effectuer une stimulation de la branche gauche. Il s’agit donc d’une stimulation physiologique avec des seuils excellents, sans pénétration profonde au niveau du septum, sans risque de lésion du système de conduction et sans risque d’endocardite. C’est un stimulateur minuscule (0,05 cc, contre 0,8 cc pour le Micra™). Il n’a pas de batterie. Il fonctionne grâce à un transducteur ultra-sonique positionné au niveau d’un espace intercostal. Les ultrasons vont être transformés en énergie par l’intermédiaire d’un cristal piézo-électrique au niveau du stimulateur sans sonde. Nous implantons maintenant des systèmes « all leadless » avec un stimulateur Micra™ ou Micra-AV™ dans les cavités droites et un WISE-CRT à gauche (figures 5 et 6).   Les premiers cas ont été colligés récemment de façon multicentrique(13). Les résultats sont excellents avec un affinement considérable des QRS et des seuils très bas. Enfin, une dernière innovation a été la première implantation d’un stimulateur cardiaque sans sonde double chambre avec deux stimulateurs sans sondes associées et conversant entre eux : l’un positionné au niveau septo-apical du VD et l’autre au niveau du toit de l’auricule (figure 7). Tout cela promet un grand avenir à la stimulation sans sonde.

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