Publié le 15 mai 2023Lecture 5 min
Hypertension artérielle pulmonaire : quel bilan ? Quel suivi ?
Anne-Solène CHAUSSADE, unité médico-chirurgicale de cardiologie congénitale adulte, Hôpital européen Georges-Pompidou, APHP, Paris
L’hypertension pulmonaire (HTP) peut être une affaire de spécialiste, mais n’oublions pas que celle-ci est fréquemment retrouvée dans le domaine de la cardiologie puisque le dépistage passe le plus souvent par l’échographie transthoracique (ETT) et que l’une des causes principales de l’HTP réside dans les cardiopathies du cœur gauche. L’HTP est retrouvé dans 60 à 70 % des insuffisances mitrales symptomatiques(2). C’est pourquoi, nous, cardiologues, devons être sensibilisés au diagnostic et au suivi de l’HTP.
Bilan de l’HTP
Signes cliniques à rechercher
La symptomatologie n’est pas spécifique, mais la dyspnée reste le maître symptôme. On la retrouve dans 90 % des cas et elle est d’aggravation progressive.
Néanmoins, d’autres symptômes sont possibles. Certains fréquents, d’autres plus rares. Ils peuvent être signes de gravité et d’un tournant dans la maladie (tableau 1).
À l’examen clinique, on peut retrouver un éclat du B2 à l’auscultation cardiaque, un souffle d’insuffisance tricuspide. On peut également retrouver des signes d’insuffisance cardiaque droite (reflux hépatojugulaire, turgescence jugulaire, œdèmes des membres inférieurs, hépatomégalie, ascite…).
Les examens complémentaires
Différents examens vont pouvoir progressivement nous orienter pour poser le diagnostic d’HTP, puis dans un deuxième temps classifier le type d’HTP en fonction de l’étiologie :
– l’ECG peut montrer des signes de déviation axiale droit, une hypertrophie ventriculaire droite, ou encore un bloc de branche droit. Il peut également être normal, notamment au début de la maladie ;
– la radiographie de thorax peut montrer une dilatation du cœur droit, des artères pulmonaires. Elle peut également être normale, cela n’exclut pas le diagnostic (figure 1) ;
– l’échocardiographie transthoracique (ETT) : EXAMEN ESSENTIEL dans le dépistage de l’HTP. L’ETT nous fournit des informations sur l’étiologie de cette dernière, notamment en cas de type 2 avec une analyse précise de la fonction du ventricule gauche et des valvulopathies mitrale ou aortique pouvant expliquer celle-ci. Elle nous donne également une idée de la fonction du ventricule droit (en effet, l’HTP va entraîner une hyperpression dans le ventricule droit entraînant avec le temps l’hypertrophie et la défaillance de ce dernier visible en échocardiographie), ainsi qu’une estimation des paramètres hémodynamiques(3). Ainsi, l’un des paramètres principaux à étudier est la vitesse de l’insuffisance tricuspide qui donne une idée de la probabilité d’une HTP et qui conditionnera la nécessité d’un cathétérisme droit :
• inférieure à 2,8 m/s : en l’absence d’autres signes échographiques d’HTP (tableau 2), la probabilité est faible. S’il y a d’autres signes, celle-ci est alors intermédiaire,
• entre 2,8 et 3,4 m/s : en l’absence d’autres signes (tableau 2), la probabilité est intermédiaire. S’il y a d’autres signes, celle-ci est alors élevée,
• supérieure à 3,4 m/s : la probabilité est élevée.
En cas de probabilité faible, et en l’absence d’autres facteurs de risque, il faudra rechercher une autre étiologie au tableau. En revanche, en présence de facteurs de risque ou d’arguments en faveur d’une HTAP ou d’une cause post-embolique, un suivi par échocardiographie est recommandé.
En cas de probabilité intermédiaire, un suivi par échocardiographie est possible. Toutefois, s’il existe d’autres facteurs de risque ou des arguments en faveur d’une HTAP ou tableau compatible avec une étiologie post-embolique chronique, on ira au cathétérisme droit. En cas de probabilité haute, le cathétérisme doit être fait en centre expert.
Les autres signes échographiques à rechercher sont résumés dans le tableau 2(1).
• Scintigraphie de ventilation perfusion à la recherche d’une cause post-embolique chronique à l’HTP (type 4). La présence de défects de perfusion systématisée segmentaire non concordants en ventilation doit faire évoquer le diagnostic. À l’inverse, une scintigraphie de perfusion normale permet d’exclure ce diagnostic(4).
• Angio-TDM thoracique : permet d’avoir d’autres arguments en faveur d’une HTP comme un diamètre de l’artère pulmonaire (AP) élargie, un ratio AP/aorte > 0,9. Par ailleurs, une association de trois paramètres (un diamètre de l’AP > 30 mm, une épaisseur du VD > 6 mm et une déviation septale à plus de 140° [ou un rapport VD/VG > 1])(5) est hautement prédictive de la présence d’une HTP. Les coupes parenchymateuses sur le thorax permettent une analyse fine du parenchyme à la recherche de maladie pulmonaire chronique sous-jacente (emphysème, pathologie interstitielle).
L’injection d’iode au temps pulmonaire permet, lui, de rechercher des arguments pour une cause post-embolique (figure 2).
• Biologie : elle doit être faite chez tout patient diagnostiqué d’une HTP à la recherche de comorbidités, d’une étiologie, mais aussi du retentissement sur les différents organes (spécialement le foie) de cette hypertension pulmonaire. Elle comprend notamment une NFS, une évaluation de la fonction rénale avec une créatinine, un bilan hépatique complet, un bilan martial, BNP ou NT-proBNP.
Dans le cas d’une étiologie postembolique, il faudra effectuer une recherche d’un syndrome des antiphospholipides (SAPL). Il n’y a pas nécessité dans un premier temps de compléter par un bilan de thrombophilie.
Sur le plan étiologique, une fois les étiologies des types 2, 3 et 4 éliminées, il faudra compléter par le dépistage du VIH, une TSH, la recherche d’anticorps antinucléaire, anti-centromère et anti-Ro a minima(1).
En fonction des points d’appel cliniques, d’autres examens biologiques pourront être demandés.
• Échographie abdominale : pour rechercher une hypertension portale (étiologie d’HTAP), une hépatopathie ou un shunt portocave (syndrome d’Abernethy).
• L’épreuve d’effort avec VO2, notamment pour l’évaluation des critères pronostiques.
• Les EFR avec une gazométrie, à la recherche d’un syndrome obstructif ou restrictif associé a une hypoxémie pour classer l’HTP dans le groupe 3. Une DLCO très basse (< 45 %) peut être retrouvée dans l’HTAP de la sclérodermie, dans certaines HTP du groupe 3, ainsi que dans certains phénotypes d’HTAP. Cette dernière est très importante et nous donne une idée de la capacité du poumon à assurer les échanges gazeux. Quand elle est très basse, elle est de mauvais pronostic.
• On fera également un test de marche de 6 minutes qui nous permettra de classifier la sévérité de l’HTP, élément essentiel dans le suivi.
• Le cathétérisme droit : il s’agit du gold standard dans le diagnostic de l’hypertension pulmonaire et doit d’être réalisé en centre expert. Il permet de confirmer l’HTP et sa sévérité, de définir son caractère pré- ou postcapillaire. Pour rappel, depuis les nouvelles recommandations de 2022, l’HTP se définit par une pression artérielle pulmonaire moyenne ≥ 20 mmHg mesurée lors d’un cathétérisme cardiaque droit. Quand la pression capillaire (PCP) est ≤ 15 mmHg, on parle d’HTP précapillaire. Quand elle est > 15 mmHg, on parle d’HTP postcapillaire. Cette dernière peut être isolée si les résistances vasculaires pulmonaires (RVP) sont normales (< 2UW), ou mixte si les RVP sont élevées (> 2UW)(1).
Le suivi
Le suivi des patients dépendra bien évidemment du type d’HTP qui sera retrouvée. Il comprendra a minima une évaluation clinque avec un test de marche de 6 minutes, ainsi qu’un ECG tous les 3 à 6 mois associé à une prise de sang avec notamment un BNP. L’échocardiographie devra également être faite régulièrement. En fonction des résultats, des traitements introduits et de l’évolution, un cathétérisme pourra être rediscuté avec l’équipe référente du patient. Le dépistage de l’HTP passe par la clinique et surtout l’échocardiographie.
Un bilan complet devra être fait notamment avec un cathétérisme droit en centre expert.
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