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HTA

Publié le 22 mar 2024Lecture 9 min

Repenser l’HTA pour mieux agir

Denise CARO, Boulogne-Billancourt, d’après une émission organisée par Axis TV

L’hypertension artérielle (HTA) est facile à diagnostiquer et à traiter, pourtant en France un hypertendu sur deux ignore son problème tensionnel, parmi les hypertendus diagnostiqués un sur deux prend un traitement et parmi les patients traités un sur deux atteint l’objectif tensionnel(1). Le Pr Olivier Hanon (cardiologue, hôpital Broca, Paris), le Dr Yara Antakly-Hanon (cardiologue, Paris) et le Dr Alain Wajman (cardiologue, Paris) font le point sur la situation et proposent des pistes pour mieux agir, au cours d’une émission organisée par Axis TV avec le soutien institutionnel du Laboratoire X.O.

On estime qu’un adulte sur trois est hypertendu en France, soit environ 17 millions de personnes. L’HTA est le facteur de risque cardiovasculaire qui tue le plus, plus que le tabac, l’obésité, le diabète et l’alcool. La mortalité liée à l’HTA qui avait diminué dans les années 2000, progresse à nouveau depuis 2015(2). En effet, la situation se dégrade, avec un certain laisser-aller au plan des traitements : selon les données de l’Assurance maladie, entre 2016 et 2020, on a prescrit moins d’antihypertenseurs et moins de statines, cela en dépit du vieillissement de la population. Selon l’enquête FLAHS 2022 (French League Against Hypertension Survey) de la fondation de la recherche sur l’HTA, 32 % de la population était traitée par au moins un antihypertenseur en 2007, 30 % en 2012, 28 % en 2017 et 28 % en 2022. En effet l’enquête nationale HTAgir menée auprès de 331 médecins généralistes reflète les difficultés de prise en charge sur le terrain(3). Un praticien sur trois déclare ne pas mesurer la pression artérielle de leurs patients systématiquement à chaque consultation (une occasion manquée de dépister les hypertendus qui ignorent l’être). Autre dépistage très insuffisamment fait, celui des hypotensions orthostatiques (HO), avec 18 % seulement des médecins interrogés qui mesurent la PA debout chez leurs patients de plus de 65 ans. « C’est essentiel, explique le Pr Olivier Hanon, l’HO augmente de 36 % le risque de mortalité (par chute, AVC ou infarctus du myocarde)(4). Elle est définie par une baisse de 20 mmHg ou plus de la PAS et de 10 mmHg en plus de la PAD. Elle doit être recherchée systématiquement même en l’absence de symptômes (perte de connaissance, lipothymie, vertige, chute, fatigue, troubles visuels…). » Environ 20 % des patients hypertendus ont une HO en soins primaires et davantage chez les personnes institutionnalisées(5).   • L’intérêt de l’automesure L’enquête HTAgir révèle aussi certains points positifs. C’est le cas en particulier du recours et de la gestion de l’automesure tensionnelle (AM), demandée systématiquement ou très souvent par 90 % des médecins dès que la PA mesurée au cabinet excède 150-160 mmHg. « En théorie, il faudrait que les hypertendus contrôlent leurs chiffres tensionnels chez eux tous les 3 mois, selon la règle de 3 : 3 prises le matin, 3 le soir, 3 jours de suite, a dit le Pr Hanon. La première fois, la PA doit être mesurée aux deux bras, ensuite les AM se feront du côté où les chiffres sont les plus élevés. Enfin, rappelons qu’en AM la limite supérieure de la normale est 135 mmHg /85 mmHg, c’est-à-dire 5 mmHg plus bas qu’au cabinet du médecin. » Selon la Société européenne d’HTA, le monitorage à la maison améliore l’observance thérapeutique et le contrôle de la PA ; elle est encore plus efficace couplée à l’éducation thérapeutique(6). Souvent conseillée, l’AM est aussi correctement gérée : 71 % des praticiens recommandent un tensiomètre électronique avec un brassard huméral, 50 % prêtent un appareil à leurs patients, 54 % leurs remettent une fiche de suivi pré-imprimée et 38 % leur demandent de noter les chiffres sur une feuille. Les applications sur smartphone commencent à être utilisées. Elles ont l’avantage de fournir des conseils et des alertes. « On a trop banalisé l’HTA qui a pourtant une prévalence élevée dans la population et qui est responsable de nombreux événements cardiovasculaires », a conclu le Pr Hanon.   • Une situation très préoccupante chez les femmes « C’est encore plus vrai chez la femme, alors même que chez elle l’HTA revêt une particulière gravité », a renchéri le Dr Yara Antakly-Hanon. Les maladies CV sont la 1re cause de mortalité chez la femme en France. Entre 2004 et 2014, le nombre d’hospitalisations pour syndrome coronaire aigu (SCA) a progressé de 6,3 % chez les femmes de moins de 65 ans et elles continuent à augmenter de 5 % par an depuis cette date. Toutefois, chez les plus de 65 ans, elles diminuent(7). Les MCV tuent 6 fois plus que le cancer du sein chez la femme. Et quel que soit l’âge, il y a plus de décès chez les femmes que chez les hommes ; elles sont moins bien prises en charge(8). « Plusieurs raisons peuvent expliquer la gravité et l’évolution négative des MCV chez les femmes, a expliqué le Dr Antakly-Hanon, en premier lieu l’augmentation des facteurs de risque (HTA, surpoids, tabagisme) du fait d’une mauvaise hygiène de vie et d’un moins bon contrôle tensionnel. » On peut ajouter à cela les facteurs psycho-sociaux et le stress qui jouent un grand rôle chez la femme, la précarité, le manque de prévention, le retard au diagnostic (on met plus de temps à appeler les secours quand il s’agit d’une femme), les symptômes atypiques et la fausse croyance de la protection par les hormones naturelles. Concernant l’HTA, la situation des femmes est tout aussi mauvaise. Entre 2006 et 2015, le taux d’HTA contrôlées dans cette population est passé de 36,1 % à 29,5 % et celui des HTA non traitées de 38,3 % à 50,9 %, alors que la situation est stable chez l’homme(1). « En outre, l’HTA est plus grave chez la femme que chez l’homme avec un risque d’événements CV (IDM, insuffisance cardiaque, AVC) qui débute pour des chiffres tensionnels plus bas, a ajouté le Dr Antakly-Hanon. Et à chiffres de PA égaux, les femmes ont davantage de complications CV. »(9)   • Des facteurs de risque graves et méconnus « D’une façon générale, les facteurs de risque CV sont plus graves et/ou en augmentation chez la femme », a insisté le Dr Antakly-Hanon. Le tabac est encore plus nocif chez la femme que chez l’homme. Une femme fumeuse fera un IDM 14 ans plus tôt qu’une non-fumeuse, son risque d’IDM est multiplié par 13,5(10). De même, le risque relatif de mortalité CV chez diabétiques est de 1,99 chez l’homme et 3,12 chez la femme(11). Le surpoids a progressé de 21 % entre 2006 et 2015 chez les femmes entre 40 et 54 ans, alors qu’il est stable chez l’homme. Durant cette période la proportion de femmes physiquement actives (> 30 minutes > 5 j/7) a diminué dans toutes les classes d’âge mais surtout chez les 40-54 ans (-20 % chez la femme vs +29 % chez les hommes) ; 53 % des femmes atteignent les recommandations de l’OMS contre 70 % des hommes(1). Enfin, au moment de la ménopause, le risque d’hypercholestérolémie augmente de 40 %(12). À côté des facteurs de risque « classiques » plus fréquents et plus graves chez la femme, d’autres moins connus doivent être recherchés systématiquement. C’est le cas d’une ménopause prématurée, de migraines avec aura, des facteurs psycho-sociaux, des maladies infl ammatoires et de complications durant la grossesse. Tous ces facteurs méconnus ne font partie d’aucun score de risque, ils doivent être recherchés à l’interrogatoire chez toutes les femmes. « Un diabète gestationnel, des désordres hypertensifs dont la prééclampsie, un accouchement prématuré et/ou un petit poids de naissance, sont des facteurs de risque de MCV dans les années à venir(13), a précisé le Dr Antakly-Hanon. Il ne faut pas laisser partir ces femmes dans la nature après l’accouchement, il faut les informer et les suivre de très près. C’est une chance de repérer tôt ces femmes à risque pour faire de la prévention. » • Normaliser la PA, c’est possible « En 2023, 1 adulte sur 3 est hypertendu, la moitié des hypertendus l’ignore, 1 hypertendu sur 2 prend un traitement et 1 sur 2 traité est à l’objectif tensionnel de 130/80 mmHg(1), a rappelé une fois encore le Dr Alain Wajman. Il est temps d’agir mais il y a une inertie médicale, des facteurs liés au patient et parfois des problèmes de tolérance des traitements. » Il y a un réel bénéfice à normaliser la PA : une réduction de 5 mmHg de la PAS réduit le risque de survenue d’un événement CV majeur de 10 %, cela quel que soit le niveau de PA, en prévention primaire et secondaire et même pour des chiffres tensionnels à peine au-dessus de la norme(14). Toutefois la réussite du traitement exige l’adhésion du patient (son acceptation de la maladie et du bien-fondé d’un traitement à vie), sa bonne observance (respect du traitement et de sa posologie) et sa persistance (prise du traitement dans la durée). La Société européenne d’HTA vient de réactualiser ses recommandations. Elle rappelle les trois principales classes d’antihypertenseurs A, C, D (A pour Antagonistes du SRA [sartans ou IEC], C pour inhibiteurs Calciques en particulier les dihydropyridines (DHP) (les IC non DHP sont peu utilisés dans l’HTA) et D pour Diurétiques thiazidiques) parmi lesquelles on choisit le traitement(15). « On a 6 mois pour atteindre l’objectif tensionnel, il faut démarrer vite le traitement mais, ensuite il faut prendre le temps de bien évaluer son efficacité et sa tolérance », a affirmé le Dr Wajman. En première intention, une monothérapie est plutôt réservée aux sujets jeunes et/ou sans facteur de risque, ainsi qu’aux patients très âgés. En revanche, une bithérapie est proposée d’emblée, en présence de facteurs de risque pour une action rapide sur la PA, tout en surveillant l’effi cacité et la tolérance, notamment par des automesures. L’indication d’une trithérapie dépend des résultats de la bithérapie.   • IC-DHP et réduction des AVC Chaque classe d’antihypertenseurs, a ses spécificités. Les IC-DHP sont particulièrement intéressants pour réduire le risque d’AVC (-13,5 % par rapport aux autres classes)(16). Et à deux, on fait mieux que seul comme le montrent plusieurs essais cliniques dont l’étude SYST-EUR. Dans cette étude, 4 695 patients hypertendus âgés en moyenne de 70 ans ont reçu un inhibiteur calcique associé ou non à un sartan et/ou l’hydrochlorothiazide versus un placebo. Le traitement par IC DPC diminue le risque relatif d’accident coronarien de 31 %, le risque relatif d’AVC de 42 % et le risque relatif de démence vasculaire de 50 %(17). « La réduction de 50 % du risque de démence et de maladie d’Alzheimer avec les DHP fait du sens car c’est une autre complication majeure de l’HTA », a souligné le Dr Wajman. Les anticalciques (DHP) ont un effet neuroprotecteur via une diminution de l’entrée du calcium dans le neurone qui favorise le risque de mort cellulaire(18). « Les IC-DHP ne sont pas tous les mêmes, chacune des 4 générations a des caractéristiques différentes en termes de cinétique et de lipophilie », indique le Dr Wajman. La nifédipine est la première arrivée sur le marché ; la deuxième génération est représentée par la nicardipine dont la galénique a ensuite été modifiée afin d’éviter les pics et d’avoir un effet prolongé sur 12 heures ; puis sont arrivées l’amlodipine (3e génération) puis la lacidipine et la lercanidipine (4e génération).   • Intérêt de 2 prises quotidiennes « Tous les IC-DHP ont un effet antihypertenseur et des effets indésirables dose-dépendants, rappelle le Dr Wajman. Le risque d’œdèmes des membres inférieurs lié à la lipophilie de la molécule est moindre lorsque la lipophilie est importante. » L’influence de la lipophilie et du dosage des IC-DHP sur le risque d’œdèmes des MI a été confirmée dans un travail qui a utilisé un index œdème. Plus le réflexe sympathique est élevé, plus il y a d’œdèmes(19). En plus des essais cliniques, Il est intéressant de se référer aux données de pharmacovigilance pour juger du risque d’effets indésirables, dans la vraie vie. Ainsi, pour la nicardipine, sur 26 248 746 boîtes vendues entre 2012 et 2021, 66 œdèmes périphériques ont été rapportés par les médecins (et 33 interruptions du traitement), soit 0,3/100 000 boîtes vendues(20). Ils sont très rares. « La nicardipine est facile à prescrire ; sa galénique particulière permet une absence de pic et un contrôle de la PA sur le nycthémère en 2 prises par jour. La double prise a l’intérêt de pouvoir mieux gérer les HO et les HTA diurnes ou nocturnes. Sa forte lipophilie explique sa bonne tolérance. Et comme les autres DHP, sa prescription n’exige pas de bilan préalable pour évaluer la fonction rénale et le bilan lipidique », a conclu le Dr Wajman. D’après une émission organisée par Axis TV avec le Pr Olivier Hanon (cardiologue, hôpital Broca, Paris), le Dr Yara Antakly-Hanon (cardiologue Paris) et le Dr Alain Wajman (cardiologue, Paris), modérée par le Dr Pierre Sabouret (cardiologue, Paris) En partenariat avec  

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