Publié le 24 mar 2024Lecture 8 min
Le réducteur de sinus coronaire dans l’angor réfractaire
Laura BACIULESCU, cardiologue, CH d’Agen
L’angor réfractaire est défini par des symptômes persistants depuis plus de 3 mois, dus à une ischémie réversible établie (de préférence par scintigraphie, échographie ou IRM de stress), en présence d’une coronaropathie obstructive, qui ne peut être contrôlée par une thérapie médicale croissante ou revascularisation, incluant CTO et pontage.
C’est une pathologie invalidante, associée à une mauvaise qualité de vie et à la dépression, une limitation de l’activité physique, à des hospitalisations fréquentes et à un haut niveau d’utilisation de ressources avec polymédication et tentatives multiples de revascularisation(1).
L’angor réfractaire est fréquent aussi après une revascularisation réussie et dans ce cas là le terme utilisé est « angor persistent ». La prévalence de l’angor persistent est de 25 % à 1 an jusqu’à 45 % à 3 ans après revascularisation. L’incidence est en augmentation en raison du vieillissement de la population et de l’augmentation de l’espérance de vie et des comorbidités comme le diabète(2).
L’angor réfractaire peut être le premier symptôme des plusieurs pathologies : la coronaropathie obstructive (CO), la dysfonction microvasculaire chez les patients avec des coronaires épicardiques patentes, la cardiomyopathie hypertrophique, la dysfonction diastolique du ventricule gauche etc. Chez les patients avec CO, l’angor réfractaire peut être dû à tous les dégrées de sévérité de la maladie, à partir de l’obstruction d’un seul petit vaisseau jusqu’à une coronaropathie obstructive diffuse sévère(2).
L’objectif du traitement est l’amélioration de la qualité de vie, des symptômes et du statut fonctionnel et la réduction des hospitalisations et du recours aux soins. La mortalité à long terme est non-inférieure chez ces patients versus les patients avec cardiopathie ischémique sans angor(2).
Le réducteur du sinus coronaire provient d’un concept de physiopathologie ancien, décrit pour la première fois dans les années 1950 par le chirurgien Beck Claude, selon lequel un traitement par ligature du sinus coronaire réduisant sa lumière de 60 à 70 % avait démontré un bénéfice en termes d’amélioration des symptômes d’angor et une réduction de la mortalité à 5 ans. La réduction de la lumière du sinus coronaire (SC) entraînerait une augmentation de la pression dans le système veineux coronarien et redistribuerait le flux sanguin des régions sous-épicardiques les moins ischémiques vers les régions sousendocardiques les plus ischémiques, conduisant à un soulagement des symptômes et à une amélioration de la sévérité de l’angor. Le mécanisme physiopathologique consiste dans une dilatation des artérioles et une diminution des résistances vasculaires dans le sousendocarde, avec une augmentation du flux sanguin au niveau du sousendocarde, l’amélioration de la contractilité et diminution de la pression télédiastolique ventriculaire gauche(2).
La technique chirurgicale décrite par Beck a été dépassée par les débuts de l’ère de la revascularisation coronaire par pontage coronarien. Par la suite, l’idée est réapparue dans les années 1980, cette fois ci dans le contexte de syndrome coronaire aigu (PICSO) et de pontage coronaire mais malgré un possible bénéfice sur la réduction de taille de l’infarctus, la technique a été également abandonnée en l’absence de franc bénéfice clinique et en raison de la possibilité de revascularisation coronaire par angioplastie coronaire et implantation des stents(1).
L’étude COSIRA, réalisée en 2015, est une étude internationale, contrôlée, randomisée, multicentrique, de phase II, réalisée en double aveugle, incluant 104 patients, avec un suivi à 6 mois. Une plus grande proportion de patients présentait une amélioration de leur angor d’au moins 1 classe CCS 6 mois après la procédure dans le groupe REDUCER versus groupe contrôle (71 % [N = 52] vs 42 % [N = 52]) et une amélioration de la qualité de vie mesurée avec le SAQ plus importante dans le groupe REDUCER à 6 mois (+17,6 points [N = 51] vs +7,6 points [N = 48]). On n’a pas noté de différence entre les groupes pour l’amélioration de la durée moyenne d’exercice et pour le changement moyen du score WMSI évaluant la contraction myocardique par échocardiographie de stress sous dobutamine, entre les valeurs de base et les valeurs à 6 mois(3).
L’étude REDUCE est observationnelle, multicentrique, non comparative, avec collecte rétrospective des données, conduite en vie réelle chez 141 patients, avec un suivi médian de 14 mois : une amélioration de l’angor a été constatée dans le groupe REDUCER. Depuis, plusieurs essais et registres rétrospectifs ont confirmé la sécurité d’implantation de ce dispositif et la facilité de la procédure. L’étude REDUCER-I est en cours, observationnelle, multicentrique, non comparative, avec collecte prospective et rétrospective des données, avec un suivi pouvant aller jusqu’à 5 ans. Parmi les 228 patients inclus, le succès procédural était observé pour 99 % des patients, avec une amélioration d’au moins 1 classe CCS chez 82 % des patients à 2 ans(3).
Le dispositif de réduction du sinus coronaire disponible actuellement est le NeoVascReducer™, dispositif en acier inoxydable en forme de sablier expansible sur ballon.
© D.R.
En France, la Haute Autorité de santé (HAS) a émis un avis favorable de remboursement temporaire du dispositif NeoVascReducer™ en 2022, dans l’indication : « Angine de poitrine stable réfractaire de classe 3 ou 4 CCS, malgré un traitement pharmacologique bien conduit, chez des patients contre-indiqués ou à haut risque de revascularisation par pontage aortocoronarien ou par intervention coronarienne percutanée »(3).
La procédure d’implantation a une durée moyenne de 30 à 40 minutes et se fait actuellement en hospitalisation complète d’un jour. L’intervention est réalisée par voie veineuse jugulaire sous anesthésie locale et sous scopie. La procédure débute avec la cathétérisation du sinus et la réalisation d’une angiographie pour voir la taille et l’angulation du SC, les branches collatérales et si présence d’une valve pouvant empêcher l’introduction du réducteur dans le SC(4).
Par la suite, le réducteur est avancé dans le sinus par une gaine porteuse monté sur un guide et positionné dans le SC.
On réalise alors une inflation progressive du ballonnet de déploiement jusqu’à la taille désirée, en même temps avec une injection de produit de contraste iodé, pour voir l’occlusion du sinus(4).
Le dispositif a une taille unique mais elle peut être modulée par le niveau de pression d’inflation du ballon. La prothèse est toujours sur dimensionnée de 20 à 30 % de plus que la taille du SC pour bien l’encrer dans les parois veineuses et pour créer une lésion intimale qui va accélérer le processus d’endothelialisation de la prothèse.
Une angiographie finale est réalisée pour s’assurer du bon positionnement de la prothèse et de l’absence des complications. Les mailles du stent vont progressivement s’endothélialiser laissant alors place à un orifice central de taille réduite, qui va créer un gradient de pression en amont(4).
L’effet de soulagement des symptômes apparait 4 à 6 semaines après l’implantation, une fois que les tissus du patient ont totalement couvert les mailles du stent et que la pression veineuse coronarienne a augmenté.
Il y a peu des complications peri procédurales décrites chez 1 à 2 % des patients: embolisation/migration de la prothèse, dissection ou perforation du SC, complication type saignement au site d’accès vasculaire, échec de procédure en raison d’une valve ne pouvant être franchie par le dispositif(3).
Les meilleurs candidats pour cette procédure sont les patients qui présentent les suivantes caractéristiques :
Angor réfractaire classe 3-4 CCS, malgré traitement médical optimal avec une revascularisation jugée impossible ou à haut risque
Ischémie dans le territoire coronarien gauche (l’insertion de la veine qui draine le territoire droit est proche de l’ostium du SC et le réducteur du SC est implanté à environ 2 à 4 cm de l’ostium donc le gradient de pression ne va pas concerner le territoire coronarien droit)
FEVG > 30 %, absence d’insuffisance cardiaque NYHA 3-4 (sans besoin de resynchronisation cardiaque-CRT)
PAD moyenne < 15 mmHg (car augmentation de la pression veineuse avec le réducteur du SC)
À distance de plus de 3 mois minimum de tout événement aigu (SCA, pontage, angioplastie, implantation du pacemaker)
Absence de BPCO sévère, de valvulopathie sévère, de prothèse tricuspidienne et d’insuffisance rénale terminale(3)
À noter que la présence du réducteur dans le SC peut gêner certaines procédures d’ablation des tachyarythmies comme l’ablation de l’ACFA (car besoin d’avancer une sonde dans le sinus coronaire)(4).
Certains médecins interventionnels considèrent que, à distance d’une procédure de resynchronisation, on peut tenter l’implantation d’un réducteur, avec même parfois une meilleure stabilité de la sonde gauche car elle sera collée aux parois veineuses mais l’endothelialisation complète du dispositif n’est pas alors garantie.
Si besoin, on peut facilement dilater la sténose crée par le dispositif car c’est un stent.
Le patient doit bénéficier d’une double anti-agrégation plaquettaire pendant 6 mois après l’implantation. Pour les patients sous anticoagulant oral pour d’autres motifs, le rajout si possible d’un traitement antiplaquettaire simple est recommandé pendant 6 mois. Le réducteur est IRM-compatible (1,5 et 3 Tesla) au-delà de 8 semaines après l’intervention. Une consultation de suivi est à prévoir à 1 et 6 mois post-implantation(3).
Actuellement, l’étude COSIRA II, qui est une étude en cours, randomisée, multicentrique, double aveugle, qui compare le groupe réducteur avec une procédure Sham, inclut aussi les patients avec dysfonction microvasculaire très symptomatiques.
Je décris ici le cas clinique d’un patient de 74 ans, avec un angor au moindre effort et parfois de repos depuis plus de 3 mois, classe 4 CCS, qui avait déjà bénéficié des multiples angioplasties et implantations des stents sur l’IVA, Cx et la CD quasiment tous les ans depuis 2013 jusqu’au 2022. La scintigraphie myocardique retrouve une discrète dégradation de la fixation de la région inféro-apicale et inféro-latérale et une visualisation anormale de la perfusion du ventricule droit avec une très probable atteinte tritronculaire équilibrée. La coronarographie met en évidence des sténoses serrées multi étagés au niveau du segment III de la circonflexe, de l’IVA apicale, d’une marginale et de la deuxième diagonale mais sur des artères de petit calibre, avec lit d’aval grêle. Vu que le patient présente une coronaropathie distale sévère non revascularisable car pas de sténose focale serrée sur les troncs proximaux accessibles à une angioplastie et un angor réfractaire classe 4 (CCS) malgré un traitement médical maximal, il a donc une indication à une réduction du sinus coronaire selon la HAS.
Il a été inclus dans l’étude France REDUCER : étude observationnelle et prospective du système NeovascReducer en France. Il a bénéficié de l’implantation d’un réducteur du sinus coronaire par voie veineuse jugulaire droite, sous scopie, avec un bon résultat agiographique final. À deux mois post-implantation le patient présentait déjà une nette amélioration de son angor, classe 2 CCS actuellement. Une scintigraphie au Rapiscan a été faite à 3 mois post implantation qui ne retrouvait plus d’ischémie.
Conclusion : la réduction du sinus coronaire pourrait constituer une alternative pour les patients avec angor réfractaire de classe 3 ou 4 CCS, sans possibilité de revascularisation, sous traitement médical optimal (nicorandil inclus), avec un niveau de recommandation classe 2B, comme la contrepulsion externe exaltée, la stimulation de la moelle épinière par un dispositif médical implantable et la revascularisation transmyocardique.
© D.R.
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