Publié le 31 mai 2024Lecture 7 min
Syndrome des apnées obstructives du sommeil de type 1 chez l’enfant : messages clés des recommandations
Hélène JOUBERT, Paris
L’atelier dédié au syndrome des apnées hypopnées obstructives du sommeil de type 1 chez l’enfant, qui s’est tenu lors du CPLF, a fait salle comble. Les intervenants, Madiha Ellaffi, pneumologue et allergologue (Albi) et Laurent Nguyen, pneumologue (Bordeaux), ont pris la parole pour expliquer les points essentiels du diagnostic figurant dans les nouvelles recommandations de la Société française de recherche et de médecine du sommeil (SFRMS) d’octobre 2023.
Les troubles respiratoires obstructifs du sommeil surviennent lorsque les voies respiratoires supérieures subissent une réduction anatomique et/ou fonctionnelle de leur calibre pendant le sommeil. Cela se traduit par des ronflements et/ou une augmentation de l’effort respiratoire résultant d’une résistance accrue des voies respiratoires supérieures et d’une baisse de la compliance pharyngée. Au total, il existe 4 entités clinico-fonctionnelles distinctes en fonction du degré d’obstruction des voies respiratoires et de ses conséquences : le ronflement primaire, le syndrome de haute résistance des voies respiratoires supérieures (VRS), le syndrome d’hypoventilation obstructive et le syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (AOS). Selon la Haute Autorité de santé (HAS), ce dernier est défini comme la survenue d’épisodes anormalement fréquents de pauses ventilatoires (apnées) ou d’une réduction significative de la ventilation (hypopnée) pendant le sommeil, entraînant une hypoxémie et/ou des microéveils.
Quels critères cliniques de l’AOS chez les enfants de 3 à 8 ans sans comorbidité ?
La prévalence du ronflement primaire chez les enfants est d’environ de 8 à 10 %. L’AOS est également répandu, atteignant un pic de prévalence d’environ 3 % entre 3 et 8 ans, correspondant à une période de croissance des amygdales adénoïdiennes associée à une croissance faciale insuffisante. L’indice d’apnée hypopnée obstructive (OAHI) est le paramètre polysomnographique le plus couramment utilisé pour évaluer la sévérité de l’AOS. Quant à l’évaluation de l’hypoventilation alvéolaire, elle nécessite une mesure continue du dioxyde de carbone percutané pendant le sommeil.
Trois types d’AOS chez les enfants
Le SAHOS de type 1 (SAHOS 1) est prédominant chez les enfants jeunes, non obèses, sans comorbidité associée, présentant une obstruction nasale et/ou pharyngée, souvent liée à une hypertrophie du tissu lymphoïde (amygdales et/ou végétations adénoïdes). Cette catégorie se distingue du SAOS de type 2, fréquent chez les enfants obèses, généralement sans hypertrophie lymphoïde significative, et du type 3, caractéristique des enfants souffrant d’une maladie complexe et/ou syndromique. Ces distinctions permettent une meilleure compréhension des différents profils de SAHOS chez les enfants, d’où une approche diagnostique et thérapeutique ad hoc.
Un SAHOS 1 est suspecté lorsque plusieurs symptômes respiratoires nocturnes liés à une obstruction des VRS, ainsi que des symptômes diurnes, sont identifiés lors de l’anamnèse clinique.
Le diagnostic de l’AOS 1 chez les enfants se fonde sur les éléments anamnestiques, ORL et maxillofaciaux
Outre les signes cliniques, la prématurité, les allergies, le tabagisme et les antécédents d’AOS chez les parents représentent des facteurs de risque pour le développement du syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (AOS) chez l’enfant.
En ce qui concerne les critères nocturnes majeurs, les ronflements jouent un rôle prépondérant dans le diagnostic. Ils se manifestent de manière fréquente, survenant plus de 3 nuits par semaine, avec une certaine intensité, perceptible à travers une porte fermée. Ces ronflements persistent sur une période prolongée, de 3 mois au minimum. Pendant le sommeil, des irrégularités respiratoires telles que des apnées peuvent se produire, accompagnées d’une reprise inspiratoire bruyante. Le ronflement peut manquer, remplacé par une respiration un peu forte.
En ce qui concerne les critères diurnes majeurs, il s’agit de fatigue et/ou des troubles du comportement : agitation, agressivité, irritabilité, colères disproportionnées. Ces manifestations peuvent s’accompagner de troubles de l’attention et/ou d’altérations au niveau de la croissance pondérale et/ou de la taille.
En ce qui concerne les signes ORL et dentofaciaux, l’examen ORL, y compris la nasofibroscopie, permet d’identifier une hypertrophie des amygdales, ainsi qu’une hypertrophie adénoïde. De plus, un visage long et un « faciès adénoïdien » (allongé) sont considérés comme des critères majeurs. Pour leur part, les critères mineurs comprennent une respiration bruyante ou difficile, une respiration buccale, un sommeil agité, des réveils nocturnes répétés et brefs, des parasomnies, une transpiration excessive, ainsi qu’une position de sommeil anormale. Du côté des critères diurnes, on observe des troubles d’apprentissage, de mauvais résultats scolaires, des réveils matinaux difficiles ou une fatigue, des maux de tête matinaux, une somnolence diurne, une respiration buccale, une rhinite chronique, une obstruction nasale, des cernes sous les yeux, ainsi qu’une posture anormale.
Quant aux signes ORL et dentofaciaux qualifiés de mineurs, ils sont nombreux. On peut citer la rétromaxillie, la rétromandibulie, l’hypoplasie du visage moyen, la respiration buccale, le palais étroit, la malposition dentaire, la macroglossie, la position anormale de la langue, l’attache de langue courte, ainsi que la déviation de la cloison nasale.
Le diagnostic de l’apnée obstructive du sommeil (AOS) repose principalement sur une évaluation clinique approfondie. Dans la pratique courante, l’utilisation d’un questionnaire de dépistage est fréquente, en particulier par des professionnels non spécialisés dans les troubles du sommeil chez les enfants. Trois questionnaires validés en français sont disponibles à cet effet : l’échelle des troubles du sommeil adaptée de la Sleep Disturbance Scale for Children (SDSC) pour les enfants de 6 mois à 4 ans puis de 4 à 16 ans, l’échelle des troubles du sommeil dérivée du questionnaire pédiatrique sur le sommeil (PSQ) et le score de gravité provenant du questionnaire de Spruyt et Gozal.
En parallèle, la réalisation d’un test d’allergie, effectué par prise de sang ou prick-test cutané, est considérée comme indispensable. De plus, une évaluation de la carence en fer (taux de ferritine), est préconisée.
À ce stade initial, il est impératif de recueillir les antécédents médicaux, de procéder à un examen clinique approfondi et de réaliser un examen ORL spécialisé. Ces étapes sont cruciales et déterminent la suite de la prise en charge, notamment en ce qui concerne la nécessité d’une étude du sommeil. Dans le AOS 1, celle-ci n’est pas impérative en présence d’au moins deux symptômes nocturnes, dont le ronflement.
Précisément, un examen approfondi par un ORL spécialisé, comprenant la nasofibroscopie, est essentiel pour établir un diagnostic précis. La prise en charge thérapeutique doit être adaptée en fonction du site de l’obstruction. Souvent incontournable, une intervention chirurgicale en ORL est nécessaire, étant donné que l’hypertrophie des tissus lymphoïdes constitue la principale cause de l’AOS 1 chez les enfants.
Selon les constatations cliniques, un traitement orthodontique, généralement associé à une thérapie orofaciale myofonctionnelle spécialisée, peut également être recommandé.
Quel que soit le choix thérapeutique, un suivi continu et pluridisciplinaire au sein d’un réseau de spécialistes qualifiés est essentiel.
Pour en savoir plus :
• Prise en charge du syndrome d’apnées obstructives du sommeil de type 1 chez l’enfant et l’adolescent – Un consensus français. Archives de Pédiatrie 2023 ; 30(7) : 510-6.
INTERVIEW
Madiha ELLAFFI, pneumologue-allergologue (Albi) et présidente de l’association IDEAS (Interdisciplinarité enfant adolescent sommeil)
Il faut abandonner l’idée que le syndrome d’apnée obstructive du sommeil (AOS) est rare chez les enfants. On estime qu’au moins 5 % d’entre eux, soit plus d’un par classe, sont touchés. Il ne faut pas minimiser ces signes et les examiner attentivement. On doit les intégrer dans les évaluations habituelles et s’entourer de professionnels compétents sur ce sujet.
Une apnée se définit par une pause de la respiration d’au moins 5 secondes. Les enfants concernés auront des difficultés à respirer, les réveillant fréquemment la nuit, perturbant ainsi leur sommeil. Si des ronflements forts ou un enfant qui s’endort en classe sont des signaux classiques, ils ne sont pas les seuls. Lorsque le ronflement n’est pas normal chez les enfants, l’absence de ronflement audible ne signifie pas qu’il n’y a pas d’apnées du sommeil. Il faut vérifier si l’enfant respire fort, bouche ouverte, tête en arrière, s’il transpire, fait pipi au lit, a des difficultés à sortir du lit le matin, a du mal à s’endormir le soir, ou se réveille plusieurs fois dans la nuit. Ces symptômes sont fréquents chez les enfants qui ont des problèmes de sommeil. Si un enfant montre des signes de fatigue, des problèmes scolaires, de l’agressivité envers ses camarades ou à la maison, de l’irritabilité, de l’hyperactivité, des problèmes d’apprentissage à l’école (dyslexie, dysorthographie, lenteur, inattention, difficultés de concentration), des infections répétées ou des réveils nocturnes, il faut envisager le diagnostic de l’AOS, car c’est une affection courante pour laquelle des solutions existent aujourd’hui.
Les traitements impliquent plusieurs professionnels travaillant ensemble. Les options vont de l’opération ORL, touchant les amygdales et les végétations, aux méthodes orthodontiques pour élargir le palais. Un traitement médical peut aider à dégager les voies nasales et améliorer la respiration par le nez. Pour les enfants allergiques, des désensibilisations peuvent être recommandées. Une rééducation de la langue par un kinésithérapeute ou un orthophoniste est aussi possible. Détecter et traiter tôt augmentent considérablement les chances d’amélioration chez les enfants.
De nos jours, on traite de plus en plus les enfants souffrant d’apnées sévères, avec une machine de pression positive continue sur une période plus ou moins courte. Cette méthode répond rapidement aux situations d’urgence thérapeutique, marquées par des difficultés comportementales, scolaires, de croissance, d’asthme, ou d’autres problèmes chez les enfants. Cela permet de les améliorer en attendant les interventions comme la chirurgie ou l’orthodontie. Bien que l’utilisation de la machine puisse sembler impressionnante au début, les enfants y réagissent généralement bien, avec moins d’appréhension que les adultes. Quand ils se sentent mieux et tolèrent bien le traitement, ils bénéficient de nuits complètes de 10 heures, avec des changements spectaculaires. Cette approche mérite donc d’être explorée davantage et proposée dans un plus grand nombre de cas.
Publié dans Pédiatrie Pratique
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