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Études-Consensus-Recommandations

Publié le 01 juil 2024Lecture 9 min

ACC 2024 : retour sur les études phares - REDUCE AMI, ULTIMATE DAPT, FULL REVASC, PREVENT

Édouard DESJOBERT, Hôpital privé du Confluent, Nantes

Le congrès de l’American College of Cardiology de 2024 (ACC) a été l’occasion de présenter les résultats de nombreuses études en lien avec la prise en charge de la cardiopathie ischémique. Quelle place pour les bêtabloquants chez les patients avec une FEVG préservée post-IDM ? Une monothérapie par ticagrelor à 1 mois post-IDM est-elle suffisante ? Quelle place pour la FFR pour guider la revascularisation du pluritronculaire avec STEMI ? Faut-il stenter une plaque vulnérable ne limitant pas le flux coronaire ?

Étude REDUCE AMI : y a-t-il encore un intérêt aux bêtabloquants chez les patients avec une FEVG préservée post-IDM ?   Introduction L’efficacité des bêtabloquants chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection diminuée est bien documentée avec une réduction de la mortalité d’environ 20 %(1,2). Cependant, ces résultats proviennent d’essais anciens avant l’avènement des IEC, des statines et de la revascularisation percutanée, menés sur une population avec une dysfonction VG importante. L’étude REDUCE AMI s’est intéressée aux bénéfices des bêtabloquants à long terme chez les patients ayant fait un IDM avec une FEVG ≥ 50 %.   Méthodes L’essai REDUCE AMI est un essai ouvert, en groupes parallèles, randomisé, mené de septembre 2017 à mai 2023 dans 45 centres en Suède, en Estonie et en Nouvelle-Zélande. Pour être inclus, les patients devaient avoir présenté : – un IDM dans les 7 jours avec une coronarographie confirmant la présence d’une sténose ; – une FEVG ≥ 50 % sur l’échographie. Les patients étaient exclus s’ils présentaient : – une autre indication à la prise de bêtabloquant ; – une contre-indication au traitement par bêtabloquant. Les patients étaient alors randomisés en 1:1 dans un groupe « bêtabloquant » (métoprolol 100 mg en 1re intention ou bisoprolol 5 mg) ou un groupe « contrôle » sans bêtabloquant ni placebo. Le critère de jugement principal était composite et comprenait les décès toutes causes ainsi que les récidives d’infarctus du myocarde à 3 ans. Les critères de jugement secondaires comprenaient le décès toutes causes et cardiovasculaire, les infarctus du myocarde et les hospitalisations pour fibrillation atriale ou insuffisance cardiaque. Enfin les critères de sécurité incluaient bradycardies, hypotension, syncope, asthme, BPCO et AVC.   Résultats 5 020 patients ont été randomisés dans un bras « bêtabloquant » (n = 2 508) et un bras « contrôle » (n = 2 512). Les groupes étaient comparables avec un âge moyen de 65 ans, 78 % d’homme, 20 % de tabagique, 46 % d’hypertension, 13,5 % de diabète de type 2, 35,2 % de patients avec un STEMI. Les résultats ont montré qu’au terme d’un suivi médian de 3,5 ans, le critère composite principal (décès toutes causes ou nouvel IDM) est survenu chez 199 (7,9 %) des patients du groupe bêtabloquant et 208 (8,3 %) des patients du groupe contrôle soit une différence statistiquement non significative sur le critère de jugement principal avec un HR = 0,96 [IC95% = 0,79-1,16], p = 0,64 (figure 1). Figure 1. Incidence du critère de jugement principal dans le groupe bêtabloquant (orange) et contrôle (gris).   Le traitement bêtabloquant n’a pas réduit l’incidence des critères secondaires. Les décès dus à des causes cardiovasculaires sont survenus respectivement dans 38 cas (1,5 %) du groupe bêtabloquant et 33 cas (1,3 %) dans le groupe contrôle, un nouvel IDM est survenu dans 112 cas (4,5 %) versus 117 (4,7 %), 27 patients (1,1 %) versus 34 (1,4 %) ont été hospitalisés pour une fibrillation atriale, et 20 (0,8 %) versus 22 (0,9 %) pour une insuffisance cardiaque. L’incidence des critères de sécurité était similaire dans les deux groupes. Enfin, on met en évidence un crossover chez 10 à 15 % des patients du groupe « contrôle » qui prenaient finalement des bêtabloquants à 6 et 12 mois.   Étude ULTIMATE DAPT : vers une monothérapie par ticagrelor à 1 mois d’un IDM ?   Introduction Après une angioplastie avec pose d’un stent à la suite d’un syndrome coronarien aigu une bithérapie antiplaquettaire avec de l’aspirine et un inhibiteur des récepteurs P2Y12 pendant 12 mois est recommandée pour prévenir la thrombose du stent(3). Cependant une bithérapie prolongée est source d’événements hémorragiques alors que la thrombose de stent demeure un événement rare. Par ailleurs, le risque thrombotique est maximal le 1er mois et décroît fortement par la suite. Le but de l’essai ULTIMATE DAPT est d’évaluer si l’utilisation d’un P2Y12 puissant en monothérapie, le ticagrelor, par rapport à une bithérapie prolongée classique, pouvait réduire l’incidence des événements hémorragiques sans sur-risque thrombotique.   Méthodes Il s’agit d’un essai randomisé, international, multicentrique, contre par placebo, en double aveugle. Pour être inclus, les patients devaient avoir présenté dans les 30 jours : – un STEMI ou NSTEMI ; – un angor instable avec plaque rompue, sténose > 90 % ou lésion thrombotique. Les patients étaient exclus s’ils présentaient : – un antécédent d’AVC ou de pontage ; – une chirurgie prévue dans les 12 mois ; – une indication à une anticoagulation. Les patients étaient alors randomisés en 1:1 dans un groupe « monothérapie » pour recevoir du ticagrelor et un placebo et un groupe « contrôle » associant une bithérapie classique ticagrelor et aspirine. Une stratification sur le type d’infarctus, le diabète et le groupe était réalisée. Le critère de jugement principal était composite associant des critères d’efficacité (saignements mineurs et majeurs avec transfusion, chirurgie ou décès) et de sécurité (décès cardiovasculaires, IDM, AVC ou thrombose de stent).   Résultats Au total, entre septembre 2019 et octobre 2022, 3 400 patients ont été randomisés avec 1 700 patients dans chaque groupe. Les groupes étaient comparables avec un âge moyen de 63 ans, 88 % des patients inclus étaient d’origine chinoise, 26 % de femmes, 70 % de lésions monotronculaires, 31 % souffraient de diabète et 7 % d’une maladie rénale chronique. 40 % des patients souffraient d’angor instable, 32 % d’infarctus du myocarde sans élévation du segment ST (NSTEMI) et 28 % de STEMI. Au terme du suivi 4,6 % des patients du groupe « bithérapie » ont présenté des saignements cliniquement pertinents (BARC 2, 3 ou 5) à 1 an et 2,1 % des patients sous ticagrelor en monothérapie soit une différence statistiquement significative avec un avec un HR = 0,45 [IC95% = 0,30- 0,66], p ≤ 0,0001 (figure 2A). Figure 2. A. Incidence des saignements cliniquement pertinents après randomisation dans le groupe bithérapie ticagrelor et aspirine (en bleu) et monothérapie ticagrelor et placebo (en rouge).   L’analyse du critère de jugement principal de sécurité composite des événements cardiovasculaires indésirables majeurs (MACCE) n’a montré aucune différence significative entre les groupes avec une incidence de 3,7 % chez des patients ayant poursuivi la DAPT et 3,6 % de ceux prenant du ticagrelor en monothérapie soit un HR = 0,98 [IC95% = 0,69-1,39], p pour la non-infériorité ≤ 0,0001 et 0,89 pour la supériorité (figure 2B). Figure 2. B. Incidence des événements cardiovasculaires indésirables majeurs après randomisation dans le groupe bithérapie ticagrelor et aspirine (en bleu) et monothérapie ticagrelor et placebo (en rouge).     Étude FULL REVASC : encore une étude sur la place de la FFR dans le traitement des lésions du STEMI pluritronculaire   Introduction Environ la moitié des patients présentant un STEMI souffrent d’une coronaropathie pluritronculaire. Des essais cliniques randomisés antérieurs ont montré qu’une revascularisation complète guidée par l’angiographie diminuait le risque de décès CV ou d’IDM, mais aucune analyse fonctionnelle n’était réalisée pouvant conduire à un traitement excessif. Alors que des études comme FLOWER MI ou FRAME AMI retrouvaient des résultats discordants, l’étude FULL REVASC s’est attachée à déterminer la place d’une revascularisation complète guidée par FFR (fractional flow reserve) pendant l’hospitalisation index par rapport à une approche conservatrice avec angioplastie de l’artère coupable uniquement dans le STEMI(4,5).   Méthodes FULL REVASC est un essai contrôlé, randomisé, basé sur registre, multicentrique international. Pour être inclus, les patients devaient avoir présenté : – un STEMI ou NSTEMI à très haut risque ; – avec au moins une lésion non coupable définie par une sténose de 50 à 99 % sur un vaisseau d’au moins 2,5 mm. Les patients étaient exclus s’ils présentaient : – un antécédent de pontage ; – une atteinte du tronc commun ; – un état de choc cardiogénique. Les patients étaient alors randomisés en 1:1 dans un groupe « FFR » guidant la revascularisation des lésions non coupables pendant l’hospitalisation index ou dans un groupe « traitement conservateur ». Le critère de jugement principal était composite comprenant la mortalité toutes causes, les IDM et des revascularisations non programmées.   Résultats Entre août 2016 et septembre 2019, un total de 1 542 patients ont été randomisés dans 32 centres de 7 pays ; 764 patients ont été affectés au groupe « FFR » et 778 dans le groupe « traitement conservateur » avec une angioplastie portant uniquement sur la lésion coupable. Les groupes étaient comparables avec un âge moyen de 65 ans, 77 % d’homme, 35 % de tabagique et 50 % d’hypertendu. La FFR était ≤ 0,8 dans 47,3 % des cas et 94,1 % des lésions avec FFR ≤ 0,8 bénéficiaient d’une revascularisation. Au terme d’un suivi médian de 4,8 ans (intervalle interquartile : 4,3 à 5,2), un événement majeur s’est produit chez 145 patients (19,0 %) du groupe « FFR » versus 159 patients (20,4 %) dans le groupe « traitement conservateur » soit une différence statistiquement non significative sur le critère de jugement principal avec un HR = 0,93 [IC95% = 0,74-1,17], p = 0,53 (figure 3). Figure 3. Décès toutes causes, nouvel IDM ou revascularisation non planifiée dans le groupe « FFR » en rouge et le groupe « traitement conservateur » en bleu.   En ce qui concerne les critères de jugement secondaires, aucune différence apparente entre les groupes n’a été observée en ce qui concerne le décès toutes causes, l’infarctus du myocarde ou la revascularisation non planifiée. Il n’y avait aucune différence apparente entre les groupes en termes de résultats en matière de sécurité.   Étude PREVENT : faut-il stenter une plaque vulnérable ne limitant pas le flux coronaire ?   Introduction Environ la moitié des patients présentant un STEMI souffrent d’une coronaropathie pluritronculaire. Des essais cliniques randomisés antérieurs ont montré qu’une revascularisation complète guidée par l’angiographie diminuait le risque de décès CV ou d’IDM, mais aucune analyse fonctionnelle n’était réalisée pouvant conduire à un traitement excessif. Alors que des études comme FLOWER MI ou FRAME AMI retrouvaient des résultats discordants, l’étude FULL REVASC s’est attachée à déterminer la place d’une revascularisation complète guidée par FFR (fractional flow reserve) pendant l’hospitalisation index par rapport à une approche conservatrice avec angioplastie de l’artère coupable uniquement dans le STEMI(4,5).   Méthodes L’essai PREVENT est un essai contrôlé, randomisé, en ouvert, multicentrique conduit dans 15 centres dans 4 pays. Pour être inclus, les patients devaient avoir présenté : – une plaque réalisant une sténose d’au moins 50 % ; – ne limitant pas le flux coronaire avec une FFR ≥ 0,80 ; – présentant au moins deux critères de vulnérabilité en imagerie endocoronaire (OCT ou IVUS) parmi une surface minimale de la lumière (MLA) ≤ 4,0 mm2, une charge de la plaque > 70 %, une fine chape fibreuse ou une plaque riche en lipides. Les patients étaient randomisés en 1:1dans un groupe «angioplastie et traitement médical » ou un groupe « traitement médical seul ». Le critère de jugement principal était composite comprenant les décès cardiovasculaires, les IDM en lien avec le vaisseau traité, les revascularisations pour ischémie en lien avec le vaisseau traité et les hospitalisations pour angor à 2 ans.   Résultats Entre septembre 2015 et septembre 2021, 1 606 patients (803 dans le groupe angioplastie et 803 dans le groupe traitement médical seul) ont été inclus. Les groupes étaient comparables avec un âge moyen de 64 ans, environ 73 % d’hommes. Dans les deux groupes, la majorité des patients présentait un angor stable ou une ischémie silencieuse (> 80 % des patients). Au terme d’un suivi médian de 2 ans, le critère d’évaluation composite est survenu chez 3 patients dans le groupe « angioplastie » (0,4 %) contre 27 patients sous traitement médicamenteux seuls (3,4 %) soit une différence statistiquement significative sur le critère de jugement principal avec un HR = 0,11 [IC95% = 0,03- 0,36], p = 0,000 3 (figure 4). Figure 4. Décès cardiovasculaires, nouvel IDM ou revascularisation non planifiée en lien avec le vaisseau traité dans le groupe « angioplastie » en rouge et le groupe « traitement médical » en bleu.   Les personnes ayant subi une angioplastie préventive avaient 89 % en moins de risque de présenter le critère d’évaluation principal à deux ans. Au terme d’un suivi de sept ans, le critère de jugement principal est survenu chez 6,5 % des patients du groupe angioplastie et 9,4 % des patients du groupe traitement médical seul soit une différence statistiquement significative sur le critère de jugement principal avec un HR = 0,54 [IC95% = 0,33-0,87], p = 0,0097. EN PRATIQUE   Messages clés des études REDUCE AMI : L’utilisation des bêtabloquants au long terme après un IDM avec une FEVG préservée n’apporte pas de bénéfice sur la réduction de la mortalité toutes causes ou les récidives d’IDM. ULTIMATE DAPT : Une monothérapie par ticagrelor à 1 mois d’un SCA a montré qu’elle faisait aussi bien sur le risque ischémique tout en diminuant significativement l’incidence sur les saignements majeurs. FULL REVASC : L’utilisation de la FFR pour guider la revascularisation des lésions associées à la lésion coupable dans le STEMI ou NSTEMI à très haut risque n’a pas montré de bénéfice sur la mortalité toutes causes, les IDM ou les revascularisations non planifiées par rapport à une angioplastie de la lésion coupable uniquement. PREVENT : Une angioplastie d’une plaque vulnérable (définie par imagerie endocoronaire) sans limitation du flux coronaire permet de réduire les événements cardiovasculaires à 2 ans en comparaison avec le traitement médical seul.

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