publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Coronaires

Publié le 30 sep 2024Lecture 8 min

Comment interpréter un score calcique ?

Marc FERRINI, CH Saint-Joseph et Saint-Luc, Lyon*

-

Le score calcique coronaire selon Agatston C’est en 1990 qu’Agatston proposa de quantifier la charge en calcium des artères coronaires comme facteur pronostique du risque de maladie athéromateuse cardiovasculaire(1). Le score calcique coronaire (SCC) est évalué par tomodensitométrie, sans injection de contraste, et intègre, pour chaque lésion coronaire détectée, sa surface et sa densité. Sa pratique est simple et rapide (15 minutes), son interprétation effectuée en mode semi-automatique et actuellement parfaitement standardisée. Son niveau d’irradiation représente 4 à 5 fois celui d’une mammographie. Le score correspond à la somme de l’ensemble des calcifications pour un individu donné avec des valeurs allant de zéro (pas de plaque décelable) à l’infini. Son intérêt en tant que discriminant, et stratifiant le risque chez le patient asymptomatique a été établi par plusieurs études rétrospectives de cohorte(2). À noter que, selon les modalités de ce calcul, la densité de la lésion est considérée ici comme directement proportionnelle au risque, alors qu’il a été démontré que cette densité est inversement corrélée à la stabilité et au risque de rupture de la plaque athéromateuse. Cette donnée, a priori contre-intuitive et justement discutée, est toutefois justifiée par le fait que la charge artérielle en calcium s’avère hautement corrélée à l’étendue globale de l’athérome coronarien(3). Des études prospectives, européenne(4) et américaine(5) sont venues confirmer la valeur du SC. L’étude MESA, cohorte de 6 814 patients âgés de 45 à 84 ans, asymptomatiques, ne présentant pas de comorbidité cardiovasculaire (diabète, hypertension, dyslipidémie), confirme que le SCC est fortement associé à un risque accru de mortalité toutes causes et de morbi-mortalité cardiovasculaire. Fait notable, le SCC apporte chez ces patients à risque intermédiaire une valeur pronostique indépendante et complémentaire au risque clinique classique. Autrement dit, le score « Agatston » a l’habilité de reclassifier les individus vers une catégorie de risque supérieure ou inférieure. À partir des données de l’étude MESA, un score « ajusté », tenant compte du sexe, de l’âge et l’ethnie a été proposé et largement utilisé depuis, exprimé en percentile ; il est fourni systématiquement en complément du résultat « absolu »(6) Les valeurs et l’interprétation des résultats du SCC sont rappelées dans le tableau 1.   Chez quel patient et pour quelle utilité ? Les recommandations Le SCC est un « stratificateur » du risque et permet donc de reclassifier vers le haut ou vers le bas le risque cardiovasculaire évalué par les facteurs conventionnels (SCORE ou équivalent). De ce fait, il devient logique de l’utiliser en tant qu’aide à la décision thérapeutique dans le cadre de la prévention primaire, chez le sujet se trouvant à la limite du seuil de décision de deux classes de risque. Il ne doit pas être considéré comme un outil de dépistage systématique et ne doit être utilisé que lorsque son résultat paraît susceptible de modifier une prise en charge. La Société européenne de cardiologie(7) préconise de classer les patients asymptomatiques et en bonne santé, selon SCORE2(OP) et leur âge, en trois catégories de risque : bas à modéré, haut et très haut. Le SCC peut alors être utilisé chez le sujet classé aux limites du seuil de décision, en particulier pour ce qui concerne la proposition de statine (classe IIb). La possibilité de « rétrograder » le niveau d’un risque donné en cas de SCC négatif et de se passer des statines n’est par contre pas validée de façon explicite (figure 1), contrairement aux recommandations nord-américaines (classe IIa) et à celles du NICE(8) (tableau 2). Chez le diabétique asymptomatique, le SCC peut être considéré comme un modificateur du niveau de risque si ce dernier est « modéré » : diabétique de type 1 âgé de moins de 35 ans ou de type 2 de moins de 50 ans, évoluant depuis moins de 10 ans et sans autre facteur de risque associé (classe IIb)(9).   Les points de discussion Quel intérêt chez le patient symptomatique ? Chez le patient symptomatique, le score coronarien pourrait affiner la probabilité de coronaropathie ; il n’y a toutefois pas de données évidentes pour élargir son rôle diagnostique à l’élimination de lésions coronaires obstructives, dans la mesure où il ne permet pas de préjuger de la sévérité de l’éventuelle sténose(10). Quelle valeur d’un SCC nul ? L’absence de calcifications coronaires (SCC = 0) est un marqueur de faible risque cardiovasculaire. L’étude MESA(11), puis une sous-analyse de ce travail, colligeant 1 407 patients asymptomatiques âgés de moins de 55 ans suivis pendant 16 ans, retient un taux d’événement cardiovasculaire de 2,20/1 000 personnes/an chez les sujets SCC = 0(12). Une autre méta-analyse colligeant 19 études, cette fois-ci chez 79 000 patients présentant une douleur thoracique, retient 3 % de lésions coronaires et 0,5 % d’événements/patient chez les 45 %, présentant un SCC = 0(13) Le tout a contribué à envisager un SCC nul comme l’arbitre décisionnel permettant de se passer du recours aux statines et d’explorations cardiovasculaires supplémentaires. D’autres travaux ont toutefois apporté des arguments discordants. Dans la méta-analyse de BELL, destinée à évaluer le gain supplémentaire apporté par le SCC aux scores cliniques habituels, le SCC n’augmente la performance diagnostique que de façon faible et, surtout, 0,8 à 8 % des sujets reclassés en « bas risque » présente en fait un évènement cardiovasculaire au cours du suivi(14). De même, dans un registre danois incluant 23 759 patients symptomatiques, 9 % des patients reclassés à bas risque par un SCC = 0 présentent une sténose coronaire > 50 % ; ce pourcentage passe à 36 % chez les sujets de moins de 50 ans(15). Il faut donc retenir qu’un SCC nul n’implique pas l’absence de risque cardiovasculaire, et qu’il est crucial d’identifier, parmi ces sujets, ceux qui vont néanmoins présenter un événement, de façon à ne pas les priver de la mise en route d’une stratégie de prévention. D’autres scores qu’Agatston ? Le calcul du score d’Agatston repose sur deux paramètres : l’étendue totale de la plaque et sa densité. La valeur de ce score est donc directement corrélée à l’importance du processus de calcification. On sait toutefois qu’une plaque non calcifiée est plus à même de se rompre et de provoquer des événements cliniques. La prévalence de ce type de plaque est plus forte chez les sujets jeunes alors que les patients âgés présentent plus volontiers des lésions fortement calcifiées. Le score d’Agatston pourrait ainsi sous-estimer le risque d’événements chez les sujets jeunes et le surestimer chez le sujet âgé. Cela peut expliquer les résultats de certaines études déjà citées(15). D’autres méthodes que celle d’Agatston ont été proposées : volume, volumétrie, densité, masse… D’après Criqui(16), le score calcique le plus performant devrait considérer séparément les mesures de volume et de densité. De fait, quelques études(17) retiennent l’intérêt de détecter les plaques « à faible atténuation » pour prédire la survenue d’événements cliniques, tout particulièrement chez l’adulte jeune. Il s’agit toutefois de techniques moins standardisées, nécessitant un post-processing plus complexe et qui ne sont pas pour l’instant validées dans le cadre de l’aide à la prévention primaire(18). Faut-il prendre en compte la topographie des calcifications ? Quelques études ont évalué la valeur ajoutée de paramètres supplémentaires tels que l’extension des calcifications, leur localisation, le nombre d’artères coronaires touchées, l’atteinte du tronc commun ou de l’IVA proximale, la présence de calcification extra-coronarienne (valve, mitrale et aortique, aorte initiale…)(18). Il s’agit là de données exploratoires et pour l’instant non validées. Faut-il répéter l’examen ? Il est suggéré de recontrôler le score coronarien au bout de cinq ans chez les patients présentant un SCC = 0 chez qui il n’a pas été prescrit de statines, pour réevaluer le niveau de risque et la proposition thérapeutique. La confirmation d’un score négatif au bout de ce délai est un marqueur d’excellent pronostic(10,18). En revanche, le contrôle du SCC chez les patients traités par statines est à proscrire, ces médicaments augmentant progressivement la valeur du SCC par leur effet stabilisateur de la plaque(19). Aide dans la prescription d’aspirine et d’antihypertenseurs ? Ni les sociétés de cardiologie américaines ni l’européenne n’utilisent le SCC dans la décision de prescription d’aspirine en prévention primaire chez le patient asymptomatique, la décision reposant dans ce cas sur la seule évaluation clinique du niveau de risque, contrebalancée par celle du risque hémorragique. Au contraire, les sociétés australienne et chinoise, proposent le SCC comme aide à la prescription d’aspirine, en retenant, généralement comme borne décisionnelle, un SCC > 100 chez les patients de moins de 70 ans à faible risque hémorragique. Aucune société savante internationale ne s’aide explicitement du SCC pour la prise en charge de l’HTA, la stratification du risque reposant dans ce cas uniquement sur le score clinique(8).   Les points non réglés La possibilité d’effets psychologiques nocifs après un résultat positif, le risque de déclencher des examens en cascade et de découvrir des incidentalomes, l’incertitude vis-à-vis d’une sous-estimation du risque chez l’adulte jeune et la femme et, surtout, l’évaluation du bénéfice clinique de l’association du SCC aux facteurs de risque classiques ainsi que son rapport bénéfice/coût, justifient les études contrôlées en cours(14).   EN PRATIQUE • Le score calcique coronarien devrait permettre d’affiner l’évaluation du risque et contribuer à la personnalisation de la prise en charge, en particulier dans la prescription des statines en prévention primaire. • Bien qu’il soit déjà largement utilisé, son efficacité clinique reste à prouver par les études contrôlées en cours.   LES POINTS CLÉS Sujet asymptomatique de plus de 40 ans à risque intermédiaire (2,5 % à 7,5 % à 10 ans) Acquisition standardisée stricte et score Agatston Peut affiner l’évaluation clinique du risque, reclassifier le sujet et faire discuter la prescription de statines Ne doit être utilisé que si le résultat est susceptible de modifier la prise en charge Un score = 0 n’implique pas zéro risque coronarien Possibilité de recontrôler à 5 ans chez le sujet à score nul ne recevant pas de statines

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 3 sur 82

Vidéo sur le même thème