Publié le 25 nov 2024Lecture 4 min
La consultation cardiologique avant la prescription de méthylphénidate est-elle vraiment utile ?
Christophe BRETELLE, service de cardiologie, Centre hospitalier de Valence
Les cardiologues sont parfois sollicités pour un avis avant de débuter un traitement par un psycho stimulant chez un adulte ou chez un enfant. Le seul traitement autorisé en France est le méthylphénidate (Ritaline®, Concerta®, Medikinet®, Quazym®).
Dans le monde, la prévalence du TDAH (trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) est de l’ordre de 5,9 % chez l’enfant et 2,5 % chez l’adulte. L’origine est génétique et environnementale. Cette pathologie est un handicap réel, souvent invisible, qui entraîne notamment chez l’enfant des difficultés d’apprentissages, sources d’échec scolaire. Il s’agit d’un trouble qui persiste la vie durant, mais il est possible d’observer chez l’adulte une atténuation par des stratégies adaptatives. Le TDAH est fréquemment associé à d’autres comorbidités psychiatriques comme le trouble d’opposition avec provocation, des troubles anxieux ou dépressifs, des phobies scolaires et sociales, un manque d’estime de soi… Cette pathologie est par ailleurs très fréquemment associée à des conduites addictives. On observe également une prévalence importante (de l’ordre de 20 %) du TDAH en population carcérale. Toutes ces données sont publiées dans une déclaration de consensus mondial(1).
Chez l’enfant présentant un retentissement important, la question d’un traitement par méthylphénidate va se poser dès le cours préparatoire, et parfois avant. Une phase d’évaluation par un clinicien formé aux pathologies du neurodéveloppement est nécessaire.
En France, le traitement par méthylphénidate ne peut être prescrit que par un pédiatre, un psychiatre, un neurologue ou un médecin spécialisé dans les pathologies du sommeil.
Chez l’enfant, l’avis d’un cardiologue n’est pas obligatoire. Le clinicien, après une évaluation clinique soigneuse et la réalisation d’un électrocardiogramme (optionnel mais à mon sens souhaitable) décide ou non de référer le patient pour une évaluation cardiologique.
Chez l’adulte, la consultation cardiologique est obligatoire avant l’initiation d’un traitement par méthylphénidate. En effet, ce traitement peut entraîner une augmentation modérée de la fréquence cardiaque et ou une augmentation de la pression artérielle, qui la plupart du temps n’entraîne pas la mise en place d’un traitement antihypertenseur. Il n’y a pas d’argument, dans les études randomisées ou les méta-analyses réalisées, en faveur d’une augmentation du risque de mort subite ou d’effet électrophysiologique délétère. Les données publiées sur la mortalité sous traitement à long terme sont rassurantes et retrouvent même une diminution de la mortalité de causes non naturelles (accidents, suicides…)(2). Cependant, des études de cohorte montrent une légère tendance à une augmentation du risque cardiovasculaire sur le long terme et notamment chez les patients ayant des antécédents cardiologiques(3). Ce risque pourrait être corrélé à la dose prise(4). Ce risque augmenté n’est pas cohérent avec l’absence d’augmentation de la mortalité en raison de facteurs de confusion. Nous n’avons aucune étude randomisée en double aveugle ayant évalué le méthylphénidate sur le long terme avec comme objectif principal les effets cardiaques majeurs et la mortalité. Ainsi, chez adulte il est nécessaire d’évaluer le risque cardiovasculaire du patient en utilisant les nouveaux scores proposés par la Société européenne de cardiologie. La recherche clinique soigneuse d’une symptomatologie évoquant l’existence d’une cardiopathie est à rechercher. Pour aider nos collègues non cardiologues, la liste est rappelée (tableau 1). En l’absence d’anomalie sur l’électrocardiogramme, il est possible de compléter le bilan par la réalisation d’une échocardiographie. En l’absence d’anomalie de ce premier bilan et si le score de risque est léger, la prescription de méthylphénidate pourra être autorisée. En cas de score de risque élevé, la place d’un dépistage d’une maladie coronaire silencieuse semble utile. Nous avons à notre disposition différents tests de recherche d’ischémie pouvant être proposé selon la disponibilité locale. En cas de risque intermédiaire, la prescription d’un score calcique pourrait être utile. En cas de normalité ou de faible augmentation, la prescription du traitement pourrait être autorisée sans autre investigation immédiate. En dehors de ces cas, notamment si le score calcique est > 100, voire 400, la réalisation d’un test d’ischémie serait d’actualité(5).
Ainsi, chez l’adulte, cette stratégie résumée (figure 1) pourrait permettre d’initier plus rapidement un traitement par méthylphénidate, sans attendre l’avis cardiologique. En effet, les délais d’obtention d’un rendez-vous avec un cardiologue sont parfois très longs selon les régions. Si l’on ajoute le délai, également long, pour obtenir une confirmation du diagnostic de TDAH, la prise en charge pharmacologique des adultes pourrait être, de ce fait, considérablement allongé. Il faudrait cependant maintenir la consultation en raison de son caractère réglementaire.
Figure 1. Algorithme de stratification.
EN PRATIQUE
Points importants à retenir avant de débuter un traitement par méthylphénidate :
• Consultation cardiologique obligatoire chez l’adulte avant traitement.
• Augmentation modérée de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle.
• Chez l’adulte, possible majoration du risque cardiovasculaire nécessitant une stratification du risque.
• Pas de majoration de la mortalité sous traitement par méthylphénidate.
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