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Vasculaire

Publié le 22 mai 2012Lecture 6 min

Contraception et accidents vasculaires cérébraux

F. WOIMANT, service de neurologie, hôpital Lariboisière, Paris

Le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) chez les femmes sous contraceptifs oraux (CO) est faible, mais augmente de façon importante en présence d’autres facteurs de risque vasculaire. Les estimations de risque sont essentiellement basées sur des métaanalyses réalisées à partir d’études cas-témoins et d’un petit nombre de cohortes ; dans ces études, le nombre d’événements neurovasculaires est peu important. En effet, chez la femme en âge de procréer, la prévalence de l’AVC est faible. En France, 5 % des AVC ou accidents ischémiques transitoires (AIT) de la femme surviennent avant 45 ans(1). Aussi, environ 3 000 femmes de moins de 45 ans sont hospitalisées chaque année pour un AVC. Le risque attribuable à la CO étant également faible, l’excès de risque absolu d’AVC lié à la CO est très faible.

Mécanismes physiopathologiques   Les CO entraînent des modifications de la coagulation, associant une hypercoagulabilité et une hyperfibrinolyse. L’hypercoagulabilité se traduit par une augmentation du fibrinogène, des facteurs II, VII, X et VIII, et une diminution des inhibiteurs physiologiques comme l’antithrombine et la protéine S. L’hyperfibrinolyse se manifeste par une diminution de l’inhibiteur physiologique, le PAI (plasminogen activator inhibitor). Chez le plus grand nombre d’utilisatrices de CO, il existe un équilibre entre l’hypercoagulabilité (potentiellement délétère sur le risque de thrombose) et l’hyperfibrinolyse (potentiellement favorable sur ce même risque)(2).   Les CO peuvent induire une augmentation de la pression artérielle, mais cet effet concerne essentiellement les contraceptifs contenant de fortes doses d’estrogènes. Les estrogènes de synthèse modifient la tolérance glucidique et peuvent induire une hyperlipidémie. Les autres mécanismes d’action possible des estrogènes sont une augmentation de l’inflammation systémique (élévation du taux de CRP) et des troubles de la vasoréactivité(3). Les progestatifs seuls à visée contraceptive semblent avoir peu d’effets sur la coagulation, le métabolisme glucidique ou lipidique.   Contraception estroprogestative (COP) par voie orale et infarctus cérébraux (IC) (figure 1) Figure 1. Scanner cérébral sans injection : infarctus cérébral. Risque global Une métaanalyse de 16 études cas-témoins ou de cohortes réalisées entre 1960 et 1999 a montré que l’utilisation de COP est associée à une augmentation de risque d’AVC de 2,75 (IC : 2,24 à 3,38)(4). Une autre métaanalyse reprenant 20 études publiées entre 1970 et 2000 a mis en évidence une augmentation de risque dans les études cas-témoins de 2,13 (IC : 1,59 à 2,86)(5) ; cependant, le risque n’était pas augmenté dans les études de cohortes qui ne différenciaient pas, au sein des AVC, les infarctus des hémorragies ; lorsque la distinction était réalisée, on notait une augmentation du risque d’infarctus mais pas du risque d’hémorragies(5). Une autre métaanalyse portant sur des études réalisées entre 1980 et 2002 et se limitant aux pilules de 2e et 3e générations contenant une dose inférieure d’estrogène a montré une augmentation du risque d’infarctus cérébral de 2,12 (IC : 1,56 à 2,86)(6).   Toutes ces métaanalyses ont donc montré que la COP est associée à un risque accru, multiplié par un peu plus de 2 d’infarctus cérébraux(3). L’association existe quelle que soit la génération de pilule et le dosage en estrogènes, même si elle est plus faible avec les pilules minidosées (< 50 μg d’estrogènes)(4) (tableau 1). Il ne semble pas exister d’influence de la durée de la CO et le risque pourrait disparaître après 10 ans d’arrêt.   Certaines femmes sont-elles plus à risque ? (tableau 2)   Âge Le risque augmente chez les femmes de plus de 35 ans. Hypertension artérielle Chez les femmes hypertendues, le risque est multiplié sous COP par 4,8 à 10,7(7). Tabac Il existe un effet synergique entre CO et tabac sur le risque d’IC. L’augmentation du risque d’IC associé à la consommation conjointe de tabac et d’une contraception est > 7 (OR : 7,2 ; IC : 3,2 à 161), plus élevé que ce qu’on aurait attendu par une simple multiplication d’odds ratio. L’OR associé au tabac seul est de 1,3 (0,7-2,1) et celui associé à la CO seule de 2,1 (1,0-4,5)(7). Migraine Une métaanalyse récente basée sur 25 études confirme que le risque d’AVC est multiplié par 2 chez les sujets ayant des migraines avec aura (OR : 2,16 ; IC : 1,53 à 3,03) ; le risque est multiplié par 7 chez les femmes migraineuses avec aura sous contraceptifs oraux (OR : 7,02 ; IC : 1,51 à 32,68)(8). Surpoids et hypercholestérolémie L’étude RATIO (Risk of Arterial Thrombosis in Relation to Oral Contraceptives) montre que les femmes obèses ont, sous CO, une augmentation du risque d’infarctus cérébral multiplié par 4,6 (OR : 4,6 ; IC : 2,4 à 8,9). Dans cette même étude, le risque d’infarctus cérébral est multiplié chez les femmes hypercholestérolémiques par 10,8 (OR : 10,8 ; IC : 2,à 49,9)(9). Association de plusieurs facteurs de risque Le risque d’infarctus cérébral peut être multiplié par 34 en cas d’association de prise de COP, de tabagisme et de migraine(10). Thrombophilies Il pourrait également exister un effet synergique entre CO et certaines anomalies congénitales de la coagulation. Les mutations du facteur V et de la MTHF (méthyltétrahydrofolate réductase) ne semblent pas augmenter le risque d’infarctus cérébral. Toutefois, chez les femmes sous CO, une augmentation du risque d’IC a été mise en évidence en cas de mutation du facteur V de Leiden (OR : 11,2 ; IC : 4,2 à 29,0) ou de mutation MTHF 677TT (OR : 5,4 ; IC : 2,4 à 12,0)(11). Antécédent d’accident thromboembolique L’utilisation de CO expose également à un risque d’accident ischémique artériel, les femmes ayant une anamnèse personnelle (accidents artériels) ou familiale positive (par exemple une thrombose artérielle chez un frère, une sœur ou un parent à un âge relativement jeune)(12). Contraception estroprogestative (COP) par voie orale et accidents hémorragiques   Hémorragies cérébrales (HC) (figure 2) Figure 2. Scanner cérébral sans injection : hémorragie cérébrale. L’influence des CO sur le risque d’accident hémorragique est mal connue. La plupart des études n’ont pas montréd’augmentation significative du risque d’hémorragie cérébrale chez les utilisatrices de contraceptifs oraux, n’ayant pas d’autres facteurs de risque. Toutefois, le risque pourrait concerner les femmes de plus de 35 ans, fumeuses ou hypertendues(13).   Hémorragies sous-arachnoïdiennes (HSA) (figure 3) Figure 3. Scanner cérébral sans injection : hémorragie sous-arachnoïdienne. Une métaanalyse de 11 études a montré une association faible entre COP et HSA(14), mais ce résultat n’a pas été confirmé dans une métaanalyse ultérieure(15).   Contraception orale et thrombose veineuse cérébrale (figure 4) Figure 4. IRM cérébrale : thrombose du sinus latéral gauche. Dans l'étude ISCVT (International Study on Cerebral Vein and Dural Sinus Thrombosis’), 46 % des femmes ayant une thrombose veineuse cérébrale (TVC) prenaient des contraceptifs oraux (CO)(16). La contraception orale estroprogestative n’est souvent qu’un facteur favorisant et d’autres causes associées telles que les thrombophilies constitutionnelles, doivent être systématiquement recherchées(17).   Autres voies d’administration Nous ne disposons de très peu de données concernant la contraception combinée délivrée par voie transdermique, vaginale ou injectable.   Progestatifs et AVC   Une métaanalyse récente portant sur 6 études cas-témoins ne montre pas d’augmentation du risque d’AVC chez les femmes sous pilule progestative (OR : 1,00 ; IC : 0,68 à 1,49). Les résultats sont comparables quel que soit le mode d’administration, oral, implant ou injectable (OR : 0,96 ; IC : 0,70 à 1,31)(18).   Le risque d’AVC attribuable à une contraception concerne-t-il beaucoup de femmes ? L’augmentation du risque d’AVC avec les contraceptifs est faible. L’incidence des infarctus cérébraux est estimée entre 0,9 et 10 pour 100 000 chez la femme jeune. Si le risque relatif est doublé sous CO, le risque absolu d’AVC est d’environ 20 pour 100 000, nettement inférieur au risque d’AVC pendant la grossesse estimé à 31 pour 100 000 accouchements(19).   En pratique   La COP doit être évitée chez les femmes ayant : - un facteur de risque, tel qu’une hypertension, un diabète ; - une association de facteurs de risque tels un âge > 35 ans et un tabagisme. Chez les femmes migraineuses sans autre facteur de risque, la COP doit être stoppée si les migraines augmentent en fréquence, voire apparaissent sous COP. Chez la femme migraineuse et fumeuse, la COP est contre-indiquée tant que le tabagisme n’est pas stoppé.  Un antécédent d’AIT ou d’IC est une contre-indication formelle et définitive à la prescription d’une CO estroprogestative(20). Dans tous ces cas, il est recommandé d’adopter une contraception non hormonale. En présence de ces facteurs de risque, si une contraception hormonale est souhaitée, il est possible de prescrire une contraception par progestatif seul (notamment microprogestatifs, ou implant, ou dispositif intrautérin au lévonorgestrel), en association avec une prise en charge rigoureuse des facteurs de risque(20). L’Anaes et l’Afssaps recommandent d’envisager avec prudence, chez les personnes souffrant de migraine ou de maladie métabolique, l’utilisation de progestatifs injectables ou d’implant à l’étonogestrel, en raison de leurs effets prolongés et de la non-possibilité de supprimer l’exposition au contraceptif en cas de crise(12).   Conclusion   Le risque d’AVC chez les femmes sous COP est faible. Mais l’association de COP avec des facteurs de risque vasculaire est fréquente et augmente le risque vasculaire. Les femmes, en particulier celles qui sont âgées de plus de 35 ans, qui fument, qui sont hypertendues, diabétiques, obèses, migraineuses avec aura, ou qui présentent des mutations des facteurs de coagulation ou un antécédent d’accident ischémique ont un risque d’AVC supérieur. Le risque d’infarctus cérébral peut être multiplié par 35 en cas d’association : migraine, tabagisme et contraception orale. "Publié dans Contraception Pratique "

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