Publié le 05 juin 2012Lecture 6 min
Accident vasculaire cérébral, fibrillation atriale et nouveaux anticoagulants oraux
L. FAUCHIER, Tours
La fibrillation atriale (FA) est associée à une augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral (AVC), multiplié par 4,5 par rapport au patient sans FA. Ce risque dépend de différents paramètres et est évalué par les scores de CHADS2 et CHA2DS2VASc. Les grands essais randomisés réalisés il y a une vingtaine d’années ont bien montré que les anti-vitamines K (AVK) diminuaient ce risque d’AVC de 60 % comparé à un traitement par placebo.
Efficacité des AVK pour la prévention des AVC en cas de FA
La fibrillation atriale (FA) est associée à une augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral (AVC), multiplié par 4,5 par rapport au patient sans FA. Ce risque dépend de différents paramètres et est évalué par les scores de CHADS2 et CHA2DS2VASc. Les grands essais randomisés réalisés il y a une vingtaine d’années ont bien montré que les anti-vitamines K (AVK) diminuaient ce risque d’AVC de 60 % comparé à un traitement par placebo. En regard, les antiagrégants plaquettaires ne diminuent ce risque que de 20 %. De ce fait, les AVK, exceptionnellement prescrits pour la FA avant 1990, sont maintenant assez largement utilisés pour traiter le risque d’AVC des patients avec FA.
Un taux de prescription faible des AVK dans la FA
Néanmoins, le taux de prescription des anticoagulants oraux ne dépasse pas 40 à 50 % chez les patients avec FA. Ce taux est encore dramatiquement plus bas chez les personnes âgées qui ont pourtant le bénéfice le plus élevé à être traités. Les motifs à l’origine de l’absence de traitement par AVK sont divers. Les contre-indications formelles sont plutôt rares. On retrouve souvent comme motif une notion d’antécédent hémorragique ou un traitement médical associé à risque d’interaction avec les AVK.
Le suivi fastidieux par monitorage de l’INR et les réticences du patient ou du médecin sont en réalité des obstacles prédominants à l’utilisation de ce traitement.
Motif de non prescription et d’interruption des AVK
Dans l’étude AVERROES comparant apixaban et aspirine en cas de FA, la population étudiée était celle des patients inaptes à recevoir des AVK pour des raisons diverses, parfois associées, reflétant les multiples difficultés liées à leur prescription. Sur les 5 599 patients, 40 % avaient déjà eu des AVK mais pour 42 % d’entre eux, l’INR ne pouvait être maintenu en zone thérapeutique. Pour 37 % des patients, le médecin considérait que les INR ne pouvaient être obtenus ou fournis à des intervalles réguliers. Il y avait une incertitude pour 12 % des patients sur leur capacité à suivre les instructions propres au traitement par AVK. Pour 21 % des patients, la prescription d’AVK était considérée comme inadéquate car les patients avaient un score CHADS2 égal à 1, alors que cette indication s’est depuis généralisée. Enfin, 37 % des patients ne voulaient pas prendre d’AVK et il s’agissait du seul motif pour 9 % des patients. La vérité oblige à dire que ce sont souvent les médecins les plus réticents à l’utilisation des AVK alors que les patients pourraient recevoir le traitement.
Lorsqu’un traitement par AVK est initié, 50 % des patients interrompent le traitement dans les 3 premières années, souvent pour un saignement mineur. La lassitude de monitorage de l’INR et les interactions médicamenteuses sont les principales autres causes d’interruption de traitement. Enfin, les interruptions sensées être provisoires du traitement se transforment souvent en interruption définitive. Pour les patients poursuivant le traitement par AVK, il y a souvent un INR sous-optimal.
Au total il n’y a qu’environ 15 % des patients traités correctement par AVK si l’on prend en compte les patients éligibles qui ne sont pas traités, les patients traités qui interrompent le traitement et enfin les patients traités mais sous dosés.
Les saignements intracrâniens
Le risque de saignement intracrânien est la complication la plus sévère et constitue la crainte majeure en cas d’anticoagulation pour les patients avec FA. Environ 30 % des hémorragies majeures sous AVK sont intracrâniennes. Dans la cohorte ATRIA, les incapacités majeures ou le décès étaient quasiment systématiques en cas de saignement intracrânien. Ceux-ci sont à l’origine de la plupart des décès dus au traitement par AVK. En regard, il est exceptionnel d’avoir un handicap sévère pour des saignements extra-crâniens. Les cas les plus fréquents sont constitués d’hématomes sous-duraux, dont la mortalité à 30 jours est de 50 %. Ils ont volontiers une localisation cérébelleuse et surviennent souvent alors que l’INR est entre 2 et 3.
Les nouveaux traitements anticoagulants dans la FA
Les nouveaux traitements anticoagulants oraux sans monitoring anti-II (dabigatran 110 mg et 150 mg, 2 fois/j) et anti-X (rivaroxaban 20 mg/j et apixaban 5 mg, 2 fois/j) ont été évalués dans 3 grandes études randomisées (RELY, ROCKET AF et ARISTOTLE). Ils y on démontré leur non infériorité aux AVK en cas de FA sur le critère principal d’AVC ou d’embolie systématique. En outre, le traitement par dabigatran 150 mg, 2 fois/j et apixaban 5 mg, 2 fois/j étaient supérieurs au traitement par AVK sur ce critère. Pour tous ces nouveaux traitements, le risque d’AVC hémorragique était diminué de 40 à 70 % comparativement aux AVK. Le dabigatran à la dose de 150 mg, 2 fois/j permettait en plus une diminution significative de 25 % du risque d’AVC ischémique.
Ces nouvelles thérapeutiques devraient faciliter l’applicabilité des recommandations les plus récentes sur la prise en charge de la FA dans lesquelles un traitement anti-coagulation est recommandé pour tous les patients qui ont au moins un facteur de risque avec le score CHADS2 ou CHA2DS2VASc.
L’évaluation d’un critère de « bénéfice clinique net » permet de tenir compte simultanément du risque d’AVC ischémique et du risque hémorragique avec un traitement anticoagulant.
Pour les patients avec un score CHADS2 à 0 mais avec un risque hémorragique élevé, l’apixaban et le dabigatran 110 mg, 2 fois/j ont un bénéfice clinique net positif. Pour les patients avec un score CHA2DS2VASc à 1, l’apixaban et les 2 doses de dabigatran ont un bénéfice clinique net positif. Pour tous les patients avec un risque thromboembolique plus élevé, les 3 nouveaux anticoagulants (dabigatran, rivaroxaban et apixaban) apparaissent supérieurs aux AVK pour le bénéfice clinique net en plus du bénéfice sur le risque hémorragique. En cas de risque d’AVC élevé associé à un risque hémorragique également élevé, situation qui n’est pas rare, les 3 nouvelles molécules apportent un bénéfice clinique net supérieur à celui des AVK.
Anticoagulation après un AVC
La chronologie d’initiation d’un traitement anticoagulant après AVC ischémique peut être matière à discussion.
En cas d’accident ischémique transitoire avec une imagerie cérébrale excluant un saignement, l’anti-coagulation peut être commencée le premier jour. Pour un AVC ischémique peu sévère ou modéré, l’anti-coagulation est commencée entre le 3e et le 5e jour s’il n’y a pas de contre-indication.
Pour les AVC ischémiques sévères, il est recommandé d’attendre au minium deux semaines pour éviter un saignement au sein de l’AVC. Le risque et le bénéfice du traitement doivent bien sûr être évalués pour chaque patient et des recommandations spécifiques peuvent utilement être consultées au cas par cas.
Après un AVC hémorragique chez un patient avec FA, le risque thromboembolique doit être évalué par les scores CHADS2 ou CHA2DS2VASc. Le risque de l’anticoagulation sera évalué en parallèle. En cas d’hypertension sévère compliquée de saignement intracrânien, mais avec une pression artérielle ensuite bien contrôlée, on pourra réintroduire l’anticoagulation 4 à 6 semaines plus tard. En cas d’atteinte cérébrale des petits vaisseaux et de microsaignements, l’anticoagulation sera véritablement contrindiquée.
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