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Explorations-Imagerie

Publié le 09 oct 2012Lecture 9 min

Quand préférer une VO2 max à un test d’effort simple ?

H. HOOREMAN, CH Victor Dupouy, Argenteuil

Si l’on admet la pertinence du vieil adage « qui peut le plus peut le moins », la réponse donne certainement la préférence à la VO2 max, d’ailleurs mieux appelée « test d’exercice cardio-respiratoire » ou EFX.
Schématiquement, en effet, aux paramètres classiques de PA, d’ECG, et du niveau de charge développée, s’ajoutent alors un recueil et une surveillance de nombreux autres paramètres dérivés de la mesure des gaz respiratoires à l’exercice, O2 et CO2. Tous ces paramètres ne sont pas formellement indispensables en pratique courante. Comment choisir ?

Avant tout, et si l’on peut dire, pour effectuer un test d’effort, le patient doit déjà être en bonne santé physique et mentale ! Chaque cardiologue effectuant des tests d’exercice classiques ou couplés à la mesure des échanges gazeux a déjà vu se présenter dans la salle dédiée tel patient équipé d’un déambulateur ou même véhiculé par les ambulanciers, anxieux, voire réticent, demandeur de longues précisions sur le taux d’accidents, voire de décès,« malheureusement » mentionnés sur la nécessaire fiche d’information lue fébrilement dans la salle d’attente… Indépendamment des difficultés orthopédiques éventuelles, ce cas de figure s’accommode encore plus mal des équipements nécessaires à la mesure des échanges gazeux (figure 1) et l’on peut clairement se demander s’il ne faut pas « réserver » a priori l’EFX à des patients ayant déjà effectué par le passé un ou plusieurs tests d’effort classiques. Une affichette optimiste mettant en valeur un sportif apparemment heureux d’effectuer une VO2 peut être un puissant motivant pour obtenir l’indispensable coopération du patient.   Figure 1. Mesure des échanges gazeux.   Plus sérieusement, choisir entre l’EFX complet « haut de gamme » et le test d’effort « simple » revient à bien préciser la question posée.   Chez le patient coronarien   S’il s’agit d’un premier test diagnostique simple dans un but de dépistage ischémique chez un quinquagénaire fumeur ou diabétique ou candidat à une reprise de l’exercice physique, signalant éventuellement un certain degré de dyspnée d’effort ou de douleurs thoraciques atypiques, on peut se demander s’il n’est pas préférable de s’adresser d’emblée à un test d’effort couplé à une imagerie par scintigraphie, voire échographie. La sensibilité de l’ECG seul est probablement proche de 65 % contre 80 % environ avec l’imagerie couplée, quelle que soit la méthode. Le match test simple-EFX est dans ce cas remis à une date ultérieure…   Il en est à notre avis de même lors du test de dépistage ischémique recommandé en routine habituellement au décours d’une angioplastie (2 à 6 mois post procédure), ou parfois plus tôt lorsqu’il s’agit d’une revascularisation incomplète et que la phase aiguë n’a comporté que le traitement de l’artère coupable. Ni le test d’effort simple ni l’EFX n’ont de valeur localisatrice dans cette situation, et c’est justement là la question principale posée.   Par contre, le suivi de routine du coronarien chronique équilibré peut faire appel au test d’effort simple, tout à fait reconnu pour sa valeur pronostique ; la traque du classique sous-décalage de ST n’est plus vraiment la question principale, on s’attachera bien davantage à des paramètres pronostiques complémentaires.   Paramètres pronostiques chez le coronarien la capacité physique : toute diminution « anormale » (en tenant compte du vieillissement physiologique à l’origine d’une chute d’environ 10 % par tranche de 10 ans, à partir de 40 ans), doit faire craindre une déstabilisation de la maladie coronaire avec probable progression des lésions athéromateuses. L’étude de Myers a bien montré le lien entre capacité physique et risque relatif de mortalité, chez le sujet sain comme chez le cardiaque (figure 2) ; la fréquence de récupération après l’effort : un certain consensus semble se dégager vers une valeur de -12 bpm de diminution à la première minute de récupération, à la suite des travaux de Cole, sur cycloergomètre du moins, et sans que la prise ou non du traitement bêtabloquant semble être très perturbatrice (figure 3) ; le profil chronotrope d’effort : il s’agit là d’un paramètre plus « subtil » dans la mesure où les effets des médicaments, en particulier des bêtabloquants, vont perturber les valeurs de « normalité ». La célèbre étude parisienne, Paris Prospective Study (X. Jouven), a bien confirmé les valeurs péjoratives d’une FC élevée au repos, s’accélérant peu à l’effort, et diminuant lentement après ce dernier, mais il s’agissait là d’une population de patients a priori indemnes de cardiopathie. Le test d’effort est par contre très utile pour estimer la qualité du bêtablocage quasi systématique chez le coronarien, son caractère excessif, ou au contraire son absence, sur un arrêt thérapeutique pas toujours avoué… l’existence d’ESV : les grandes études, dont celle de Dewey, semblent accorder une valeur pronostique péjorative essentiellement aux ESV présentes en récupération de l’effort, et non pendant l’effort lui même ; le profil tensionnel : on lui associe une signification pronostique défavorable lorsqu’il est bas, mais on aborde là la question de l’insuffisant cardiaque. L’hypothèse inverse (profil tensionnel élevé) est considérée comme augmentant le risque d’AVC et de mortalité cardiovasculaire. Figure 2. Etude de Myers. Figure 3. Fréquence de récupération après l’effort.    On remarquera que ces différents paramètres capacité physique, fréquence de récupération, profil chronotrope présence d’ESV et profil tensionnel, sont accessibles aussi bien avec le test d’effort simple qu’avec l’EFX. Ce dernier a néanmoins une valeur ajoutée y compris chez le coronarien non insuffisant cardiaque.   La capacité physique réelle est mieux précisée par le test d’effort cardiorespiratoire, qui affirme catégoriquement le caractère réellement maximal de l’effort, ce qui n’est pas toujours aisé à déterminer avec le test simple. Il est assez « paradoxal » de lire encore certains comptes-rendus mentionnant : « test mené à 83 % FMT et non interprétable » ; peut-être s’agit-il simplement d’un patient bronchitique chronique ou insuffisant chronotrope qui n’a réellement pas pu aller plus loin ; le test n’est peut être pas maximal en FC, mais tout à fait « interprétable » ! La mesure des échanges gazeux est précisément là pour l’affirmer.   Les seuils critiques de capacité physique Les plus souvent retenus exprimés en METS (soit un multiple de 3,5 ml/kg/min) dans une population « a priori saine », sont les suivants (Kodama) (tableau 1) : - étude de la cinétique du pouls d’oxygène, c’est-à-dire le rapport VO2/FC : on sait qu’il représente indirectement le volume d’éjection systolique, si l’on se reporte à la définition même de la VO2 : FC x VES x différence artérioveineuse en O2. Un plafonnement précoce, voire une diminution à l’effort évoque une mauvaise augmentation du VES à l’effort, soit un début de dysfonction myocardique d’effort ; - étude du temps de demi-décroissance de la VO2 : cet indice rejoint et complète la FC cardiaque de récupération, et l’on observe parfois une certaine discordance entre une FC qui diminue rapidement après l’effort contrairement à une VO2 dont la décroissance est plus lente ; la cinétique de décroissance est assez peu modifiée par l’intensité de l’effort et garde donc un intérêt en cas de test sous maximal. On admet généralement comme normale une demi-décroissance en moins de 80 à 100 s ; - enfin, l’épreuve cardiorespiratoire est la seule à identifier la survenue du 1er seuil ventilatoire et donc la FC correspondante, qui est celle retenue comme FC cible d’entraînement ; c’est cette valeur que l’on conseillera chez le coronarien en cours de réadaptation puis, plus tardivement, au cours des auto-séances d’entraînement (vélo, marche, etc.) dont on espère qu’il ne se sera pas lassé à la sortie du centre de réadaptation…   Chez l’insuffisant cardiaque   Le test d’effort cardiorespiratoire trouve incontestablement là son domaine d’excellence avec l’apport considérable de la détermination : - du pic de VO2, avec la possibilité de classer le patient en fonction des critères de Weber (tableau 2). Il est certain qu’une VO2 pic > 25 ml chez un patient non traité rend le diagnostic d’insuffisance cardiaque très improbable… sauf s’il s’agit d’un ancien grand sportif qui réalisait antérieurement le double par exemple un an plus tôt ! L’étude de Mancini (1991) mentionnait la valeur seuil de 14 ml/kg pour indiquer une transplantation : cette valeur est désormais plus proche de 12 ml depuis l’avènement des bêtabloquants ; - de la pente VE/VCO2, soit la pente de la ventilation-minute sur le volume expiré de CO2 : cette pente s’élève avec le degré d’insuffisance cardiaque ; sa valeur diagnostique est conservée même en cas de test sous-maximal ; sa valeur pronostique est quasi équivalente à celle du pic de VO2. La valeur seuil est probablement proche de 35 à 40, - du pouls d’oxygène et de la demi-décroissance de la VO2 déjà mentionnés plus haut ; - du seuil ventilatoire dont l’intérêt informatif sur la qualité de vie des insuffisants cardiaques est important : il précise bien le niveau d’effort qui sera correctement toléré par le patient, dans ses loisirs ou dans son travail. Précocement situé dans l’effort, il affirmera aussi l’existence concomitante d’un déconditionnement musculaire, et donc les possibilités thérapeutiques d’un réentrainement à l’effort. L’absence d’amélioration de l’insuffisant cardiaque après réentrainement est d’ailleurs un signe de mauvais pronostic comme l’ont montré A. Cohen-Solal et J.-Y. Tabet ; - de la présence d’éventuelles oscillations respiratoires de la VO2, équivalentes d’une respiration de Cheynes Stokes, de mauvais pronostic ; - de la persistance ou non de réserves respiratoires en fin d’effort, ce qui contribue à différencier les dyspnées d’origine cardiologique ou bronchopulmonaire (tableau 3).   Plus généralement, le caractère « symptomatique » ou non de nombreuses affections cardiologiques, myocardiques, valvulaires, congénitales, (qui fera porter une indication de transplantation, de chirurgie valvulaire, de resynchronisation, etc.) est bien mieux objectivé par le test d’effort cardiorespiratoire, qui est par définition un test global d’état des lieux du patient, par référence à des normes bien établies de capacité physique prédite. Le test a de plus l’intérêt de bien mettre en évidence une éventuelle intrication avec une autre pathologie, en particulier bronchopulmonaire.   Chez le sportif   Pour les mêmes raisons, préférer un test complet cardiorespiratoire dans cette population, (par ailleurs très demandeuse) est logique dès qu’il s’agit : - de préciser la cause de moindres performances ou de symptômes inhabituels à l’effort : pathologie cardiologique (rythmique ++) ou respiratoire ? Situation des seuils ventilatoires ? - de lever un doute entre un cœur d’athlète ou une HVG pathologique : une VO2 max doit toujours être « en rapport » avec l’entraînement pratiqué en intensité comme en nombre d’heures par semaine. On s’attend en pratique à des valeurs supérieures aux normes prédites d’au moins 25 à 50 %.   Le VO2 max varie finalement assez peu en cours de saison, pour un sportif donné, contrairement à la situation du seuil ventilatoire, laquelle reflète bien la qualité de l’entraînement : le moment de la survenue de ce seuil est bien corrélé avec les capacités d’endurance du sportif.   Bien entendu, le protocole d’effort utilisé chez le sportif n’a rien de commun avec ceux utilisés chez l’insuffisant cardiaque (qui est généralement testé sur un protocole comportant une progression de 10 W/min). Un protocole « sportif » sera choisi en fonction de la capacité attendue, et avec un niveau de départ déjà « significatif ».   En pratique   Le test d’effort cardiorespiratoire, (« VO2max », « EFX ») offre incontestablement des possibilités diagnostiques plus étendues que le test d’effort électrique simple. Il est en revanche beaucoup plus « time-consuming » eu égard : - à la calibration et à la préparation plus minutieuses du matériel, - aux explications et conseils rassurants, là encore plus longs, - au nombre de paramètres surveillés, analysés et commentés, - à la vérification de la cohérence des résultats. De ce dernier point de vue, il serait dommage de ne retenir (et de ne mentionner dans le compte-rendu) qu’un simple chiffre de VO2max à « X » ml/kg pour la même raison que l’on ne se borne pas à réduire un compte-rendu échographique à la seule estimation d’une fraction d’éjection ! Si les circonstances suggèrent le choix préférentiel d’un test d’effort complet cardiorespiratoire « haut de gamme », son compte rendu doit l’être, lui aussi.

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